En relation avec l’art. 40 let. c LPMéd, le recourant [médecin GE visé par une saction disciplinaire] soutient qu’il a respecté son obligation relative à la tenue du dossier de la patiente.
L’obligation de tenir un dossier médical représente un des aspects de la protection des droits des patients au sens de l’art. 40 let. c LPMéd.
L’art. 52 al. 1 LS/GE, invoqué par le recourant, prévoit que tout professionnel de la santé pratiquant à titre dépendant ou indépendant doit tenir un dossier pour chaque patient. Le dossier comprend toutes les pièces concernant le patient, notamment l’anamnèse, le résultat de l’examen clinique et des analyses effectuées, l’évaluation de la situation du patient, les soins proposés et ceux effectivement prodigués, avec l’indication de l’auteur et de la date de chaque inscription (art. 53 LS/GE). Ainsi, l’art. 52 al. 1 LS/GE précise les obligations professionnelles de l’art. 40 let. c LPMéd, en énumérant, à l’instar d’autres cantons, ce que doit contenir un dossier médical, de sorte qu’il est compatible avec le principe de la primauté du droit fédéral qu’il sert ici à interpréter.
Au surplus, l’obligation de tenir un dossier figure à l’art. 12 al. 1 du code de déontologie.
Le devoir de tenir un dossier médical vise plusieurs objectifs. Le dossier consiste tout d’abord en un aide-mémoire essentiel pour le médecin qui veut offrir des soins de qualité à son patient et lui assurer un suivi efficace au fil du temps. Il a, en outre, pour but la communication des informations entre professionnels de la santé habilités à y accéder. Sa lecture permet aussi à se forger une image des compétences du médecin et donc d’évaluer la qualité de l’exercice professionnel de celui-ci. Enfin, il joue souvent un rôle essentiel dans le cadre de procédures mettant en cause l’activité déployée envers un patient.
Il faut distinguer les notes du médecin qui font partie du dossier médical du patient des notes exclusivement personnelles de celui-ci qui n’y appartiennent pas et restent la propriété du professionne. Ces notes personnelles ne constituent pas les résultats objectifs de l’activité du médecin, mais bien plutôt des impressions et des appréciations subjectives propres et n’ont aucune implication sur le diagnostic ou le traitement. Lorsqu’il est fait mention des notes du recourant dans le présent cas, il s’agit des notes appartenant au dossier médical, dès lors qu’elles ne contiennent pas de simples appréciations subjectives mais énoncent des constats (HPV positif, perte de l’anneau vaginal, impossibilité de poser un stérilet, explications préopératoires, désir de grossesse par mère porteuse [en 2016], etc.).
En l’espèce, l’arrêt attaqué a retenu que le dossier ne contenait pas les images de l’échographie, qui auraient été perdues à la suite d’une panne de la machine, que le recourant a allégué avoir réalisée au début de l’année 2013; de plus, les notes du médecin ne faisaient pas apparaître la consultation y relative, ni la réalisation de cette échographie, ni la description de cet examen, pas plus que le diagnostic que l’intéressé allègue avoir alors posé (hyperplasie de l’endomètre). Les images échographiques de la masse réalisées, selon le recourant, à plusieurs reprises en 2015, ainsi que la description de ces examens étaient absentes du dossier. L’hystérectomie n’était pas du tout mentionnée dans les notes du médecin. A cela s’ajoutait que le dossier comportait, pour chacune des interventions des 20 et 27 mai 2015, deux rapports au contenu identique à quelques mots près mais le nom de l’anesthésiste présent lors des opérations était différent; seul l’un des exemplaires était signé.
Ces faits démontrent que le dossier de la patiente comportait de nombreuses lacunes. Il ne permet pas de retracer l’évolution de la prétendue masse, ni le suivi médical de la patiente. D’ailleurs, s’il avait été tenu dans les règles de l’art, le point relatif à l’existence de la masse n’aurait pas donné matière à discussion. Ce dossier ne donne donc qu’une vue très partielle de la situation médicale de la patiente. En outre, comme l’ont souligné les juges précédents, la présence de deux rapports pour chacune des interventions de mai 2015 ne facilite pas la compréhension de la prise en charge de celle-ci. La tenue d’un dossier clair impose de ne garder que la version définitive du rapport de l’intervention pratiquée. Au demeurant, on ne s’explique pas comment il est possible que le nom du médecin anesthésiste présent durant l’opération soit erroné dans la version non signée et celui du médecin assistant absent, pas plus qu’on ne comprend la raison pour laquelle un paragraphe décrivant des constatations de faits opérées durant l’intervention a été supprimé.
Au regard de ces éléments, c’est à bon droit que la Cour de justice a estimé que le recourant n’a pas respecté son obligation en matière de tenue du dossier médical de sa patiente et qu’elle a conclu à une violation de l’art. 40 let. c LPMéd.
(Arrêt du Tribunal fédéral 2C_53/2022 du 22 novembre 2022 destiné à la publication, consid.12)
Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM, CAS, Genève et Onnens (VD)