La distinction entre le contrat de travail au sens des art. 319 et ss CO et les autres contrats peut sembler de prime abord facile.
Les critères usuellement utilisés pour ce faire sont bien connus et découlent de l’art. 319 CO : (i) exercice d’une activité (ii) dans la durée (iii) au service d’un employeur (iv) contre paiement d’un salaire.
Dans la pratique et dans la jurisprudence, le critère essentiel est celui de la subordination du travailleur, qui se manifeste sous trois aspects : temporel, spatial et hiérarchique.
Le travailleur doit ainsi respecter l’horaire de travail fixé par l’employeur, qui est maître de l’organisation du travail. Il exerce son activité dans les locaux de l’employeur ou dans ceux désignés par celui-ci. Enfin, le travailleur doit obéir aux instructions qui lui sont données.
Anne MEIER, dans un article récent, critique cette vision étroite de la subordination mise en avant par la doctrine et la jurisprudence suisses, qui semble se résumer au droit de donner des directives. Elle relève qu’elle « conduit à exclure du champ d’application du droit du travail de nombreuses personnes qui auraient besoin de sa protection » et met en avant le critère de l’intégration, en utilisant notamment l’exemple du soliste dans une représentation d’opéra.
Dans la continuation des réflexions présentées dans sa thèse (L’engagement de musiciens : contrat de travail ou contrat d’entreprise ? Etude des contrats de service en droit suisse et américain, Genève, Slatkine, 2013), Anne MEIER revisite le « vieil habit » du droit du travail suisse au regard de l’évolution du marché du travail et de la société.
Anne MEIER souligne ainsi que les critères de l’intégration économique et organisationnelle du travailleur sont plus à même de prendre en compte de nouvelles conditions de travail, irrégulières et nomades, faisant appel à l’autonomie et à la créativité.
Il reste à savoir si cette approche presque « légitimiste » et protectrice du contrat de travail sera suffisante pour résoudre les contradictions béantes et croissante qu’il y a entre l’activité dépendante et indépendante sur le plan contractuel, des assurances sociale et de l’imposition.
(Cf. Anne MEIER, Pour un retour du critère de l’intégration dans la définition du contrat de travail, ARV/DTA 2/2013, pp. 97-104)