Peut-on « googler » un candidat ou un employé (art. 328b CO et LPD)?

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La pratique est à peu près générale: un employeur/un recruteur passe un employé/un candidat au crible d’un moteur de recherche pour obtenir des informations complémentaires qui ne figureraient pas dans le dossier.

Et hop, surprise! Il s’avère que l’intéressé est un joyeux drille, souvent photographié dans des fiestas mémorables, qu’il a été membre du parti castriste du Lichstenstein, qu’il a – en 1987 – participé à un meeting des « hooligans révolutionnaires », qu’il a frappé une religieuse avec une bouée gonflable à Palavas, etc. 

Le « googleur », tout heureux de justifier ainsi son confortable salaire par une simple recherche de nom sur internet, refuse alors d’engager, licencie, rétrograde, met sous surveillance, etc.

Déterstable pratique, non?

Christian FLUECKIGER, dans un article intitulé « La googlelisation des employés respecte-t-elle les principes de la protection des données? » (in: Jean-Philippe DUNANT/Pascal MAHON (éd.), Internet au travail, Schulthess, 2014, pp. 73-97) examine la légalité de ces « recherches » sous l’angle de l’art. 328b CO et de la loi sur la protection des données (LPD).

Rappelons ici que les recruteurs/employeurs ne sont en droit, selon l’art. 328b CO, de traiter des données concernant les travailleurs que dans la mesure où ces données portent sur les aptitudes du travailleur à remplir son emploi ou sont nécessaires à l’exécution du contrat de travail. La disposition s’applique aussi à ceux qui postulent à un emploi.

En d’autres termes, le traitement de données de l’employé ou du candidat est illicite, sauf s’il s’inscrit dans les deux cas de figure visés par l’art. 328b (aptitudes du travailleur à remplir son emploi/exécution du travail).

La « googlelisation » d’un employé/d’un candidat ne respecte évidemment pas ce cadre. Elle viole aussi plusieurs principes découlant de la protection des donnles (licéité, proportionnalité finalité, etc.)

Cela étant dit, que peut faire un employé/un candidat qui serait victime de ces pratiques?

En théorie, il pourrait ouvrir une procédure civile et requérir les preuves adéquates, notamment les preuves informatiques.

Mais le lien entre la « googlelisation » et le refus d’embauche ou le licenciement sera à peu près impossible à établir, et les indemnités misérables.

On peut donc se demander, ce que ne fait pas l’auteur, si le remède même à ce procédé ne viendra pas de ses excès.

Dans la mesure, en effet, où la « googlelisation » produit et produira toujours plus de données inutiles ou inexactes, surabondantes, bavardes, etc. la valeur de l’information déclinera de manière inversement proportionnelle à sa quantité.

Même les recruteurs finiront bien, un jour, par s’en rendre compte.

A propos Me Philippe Ehrenström

Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon.
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2 commentaires pour Peut-on « googler » un candidat ou un employé (art. 328b CO et LPD)?

  1. Lachat dit :

    Dans la mesure où Google ne peut rapporter que des informations qui ont été rendues accessibles à tout un chacun par la personne concernée elle-même, les principes de la protection des données ne sont plus applicables (LPD article 12 alinéa 3).

    • phe48 dit :

      Votre raisonnement serait correct, je crois, avec Facebook (pages publiques), ou LinkedIn, dans la mesure où les personnes sont responsables de ce qu’elles mettent en ligne. Or un moteur de recherche comme Google ramasse tout, y compris ce qui est mis par d’autres, des données publiques, la presse, etc. Dans cette mesure il y a un problème par rapport aux conditions très strictes de l’art. 328b CO je pense.

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