Lors de la passation des marchés publics, différents principes doivent être respectés par les entreprises soumissionnaires, dont le respect des dispositions relatives à la protection des travailleurs et aux conditions de travail (art. 11 let. e de l’Accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 – AIMP – L 6 05).
Dans le canton de Genève, selon l’art. 20 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP – L 6 05.01), les soumissionnaires et leurs sous-traitants doivent respecter, pour le personnel appelé à travailler sur le territoire genevois, les dispositions relatives à la protection sociale des travailleurs et aux conditions de travail applicables à Genève dans leur secteur d’activité.
Toute entreprise soumise au respect des conditions de travail et prestations sociales en usage à Genève, en vertu d’une disposition légale, réglementaire ou conventionnelle, doit en principe signer auprès de l’OCIRT un engagement en ce sens. L’OCIRT délivre à l’entreprise l’attestation correspondante, d’une durée limitée (art. 25 al. 1 LIRT).
À teneur de l’art. 32 al. 1 let. b RMP, les entreprises répondant à un appel d’offres doivent notamment fournir l’attestation certifiant, pour le personnel appelé à travailler sur territoire genevois, soit que le soumissionnaire est lié par la convention collective de travail de sa branche, applicable à Genève (ch. 1), soit qu’il a signé, auprès de l’OCIRT, un engagement à respecter les usages de sa profession en vigueur à Genève, notamment en ce qui concerne la couverture du personnel en matière de retraite, de perte de gain en cas de maladie, d’assurance-accident et d’allocations familiales (ch. 2). La non-production de ce document rend l’entreprise inapte à soumissionner (ATA/664/2014 du 26 août 2014 consid. 5b ; ATA/175/2012 du 27 mars 2012 consid. 4). L’offre du soumissionnaire est écartée d’office lorsque ce dernier fait l’objet, à la date du dépôt de l’offre ou en cours de procédure, d’une mesure exécutoire prononcée en application de l’art. 45 al. 1 let. a ou c LIRT (art. 42 al. 1 let. f ch. 3 RMP).
L’entreprise qui a signé un engagement à respecter les usages est soumise au contrôle de l’OCIRT (art. 26 LIRT ; art. 41 al. 1 du règlement d’application de la loi sur l’inspection et les relations du travail du 23 février 2005 – RIRT – J 1 05.01 ; art. 5 al. 3 de la loi autorisant le Conseil d’Etat à adhérer à l’Accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 – L-AIMP – L 6 05.0 ; art. 20 al. 2 RMP).
Dans le cadre du contrôle du respect des usages, l’employeur est tenu de donner accès à ses locaux à l’OCIRT (art. 42 al. 1 RIRT). Il tient à sa disposition ou fournit à sa demande toutes pièces utiles à l’établissement du respect des usages (art. 42 al. 2 RIRT). Par pièces utiles, il faut entendre notamment les horaires effectifs détaillés (durée du travail, début et fin du travail, pauses, jours de congé, vacances ; art. 42 al. 3 let. e RIRT).
Les entreprises en infraction aux usages font l’objet des sanctions prévues à l’art. 45 LIRT (art. 26A al. 1 LIRT). L’art. 45 al. 1 let. a LIRT est applicable lorsqu’une entreprise conteste les usages que l’OCIRT entend lui appliquer (art. 26A al. 2 LIRT).
Lorsqu’une entreprise visée par l’art. 25 LIRT ne respecte pas les conditions minimales de travail et de prestations sociales en usage, l’OCIRT peut prononcer une décision de refus de délivrance de l’attestation de respect des usages pour une durée de trois mois à cinq ans (let. a), une amende administrative de CHF 60’000.- au plus (let. b) ou l’exclusion de tous marchés publics pour une période de cinq ans au plus (let. c ; art. 45 al. 1 LIRT). Ces mesures et sanctions sont infligées en tenant compte de la gravité et de la fréquence de l’infraction ainsi que des circonstances dans lesquelles elle a été commise. Elles peuvent être cumulées (art. 45 al. 2 LIRT).
L’OCIRT refuse de délivrer l’attestation à l’employeur qui enfreint son obligation de collaborer et ne fournit pas les renseignements ou pièces dans le délai imparti (art. 42 al. 4 RIRT). En cas d’infractions aux usages ou de refus de renseigner au sens de l’art. 42 al. 4 RIRT, l’OCIRT notifie à l’entreprise un avertissement et lui accorde un délai pour se mettre en conformité (art. 42A al. 1 RIRT). Si le contrevenant ne donne pas suite dans les délais, l’OCIRT prononce les sanctions prévues à l’art. 45 al. 1 LIRT (art. 42A al. 2 RIRT).
Les conséquences, pour une entreprise, de l’irrespect des conditions de travail et des prestations sociales en usage à Genève doivent être cherchées dans les textes en prescrivant le respect. Il n’entre en effet pas dans les compétences de l’OCIRT de sanctionner directement de tels manquements. En revanche, ce dernier est à même de constater si une entreprise respecte ou non les usages. Il est évident que si ce constat est négatif et que l’OCIRT ne délivre pas l’attestation ad hoc, l’entreprise ne sera pas habilitée à accomplir certains actes juridiques et qu’elle sera pénalisée dans son action (MGC 2002-2003 VII A 3763 p. 3801).
Dans un cas où, malgré l’avertissement reçu de la part de l’OCIRT, une société n’avait pas donné suite aux différentes requêtes de l’OCIRT sollicitant divers documents, se bornant à contester la violation de ses obligations en matière de paiement de salaires, de prélèvement de cotisations ou de prises de vacances, sans établir qu’elle s’était conformée à la loi, en produisant les pièces probantes, la chambre administrative a retenu que l’OCIRT était fondé à constater le non-respect des usages et à refuser de délivrer pendant deux ans à la société concernée toute attestation lui permettant de soumissionner des marchés publics (ATA/175/2012 du 27 mars 2012 consid. 6).
Le cas d’espèce concerne le paiement des vacances par la recourante et les horaires de travail, ensuite d’un contrôle de l’OCIRT, et les conséquences que celui-ci en a tiré :
Aux termes de l’art. 329d al. 2 de la loi fédérale complétant le code civil suisse du 30 mars 1911 – livre cinquième : droit des obligations (code des obligations – CO – RS 220), qui revêt un caractère impératif absolu (art. 361 CO), tant que durent les rapports de travail, les vacances ne peuvent pas être remplacées par des prestations en argent ou d’autres avantages. Toutefois, le salaire des vacances peut être inclus dans le salaire horaire lorsque trois conditions sont remplies : le salarié occupe un poste à temps partiel très irrégulier et le contrat de travail écrit ainsi que les décomptes de salaire mentionnent clairement la part du salaire global destinée à l’indemnisation des vacances. Le Tribunal fédéral a toutefois renoncé à l’application de ces conditions lorsque l’employeur avait démontré que l’employé, en faisant preuve de l’attention que l’on était en droit d’attendre de lui tant au moment de la conclusion du contrat que lors de la réception de chaque décompte de salaire, connaissait ou devait connaître le supplément, en chiffres ou en pourcentage, servant à la rémunération des vacances.
L’OCIRT a procédé à un contrôle du respect des conditions de travail et prestations sociales en usage auprès de la A______ et a notamment constaté le non-respect des usages en matière d’indemnité pour vacances et en matière de tenue d’un registre des horaires. Malgré plusieurs demandes de l’OCIRT en ce sens – par courrier du 7 novembre 2014 et avertissements des 8 et 18 décembre 2014 -, la recourante a refusé de se mettre en conformité sur ces deux points, contestant les reproches à son encontre.
En ce qui concerne le salaire afférant aux vacances, la recourante affirme que l’OCIRT ne pourrait pas se substituer au tribunal des Prud’hommes en la condamnant à payer une indemnité contestée et jamais demandée par l’employée, laquelle aurait eu conscience que son salaire horaire incluait les vacances, comme le confirmait son courrier d’engagement. Par son argumentation, la recourante perd cependant de vue que si le droit du travail relève du droit privé, le respect des conditions minimales de travail et des prestations sociales en usage relèvent du droit public, les normes de droit privé et de droit public pouvant dans ce cadre se recouper.
Ainsi, si l’OCIRT n’est pas compétent pour trancher un litige de droit privé opposant la recourante à l’une de ses employées, il n’en demeure pas moins qu’il l’est pour contrôler le respect des usages, notamment en matière d’indemnité pour les vacances, ainsi que pour sanctionner l’éventuel irrespect de ces usages constaté. Or, il n’est pas contesté que les décomptes de salaire de Mme C______ ne comportent pas la mention du pourcentage ou du montant du salaire afférant aux vacances, de sorte que les conditions cumulatives pour l’inclusion de l’indemnité pour vacances dans le salaire horaire ne sont pas réunies.
L’OCIRT a par conséquent, à juste titre, constaté que les conditions pour l’inclusion de l’indemnité pour vacances dans le salaire horaire de Mme C______ n’étaient pas remplies. Or, malgré les diverses requêtes de mise en conformité de l’OCIRT, la recourante n’a pas modifié le salaire de l’employée concernée ni versé le rétroactif y relatif, se bornant à contester la compétence de l’OCIRT ainsi que la violation de ses obligations en la matière, sans établir s’être conformée à la loi, comme elle aurait dû le faire en produisant les pièces probantes.
L’OCIRT était dès lors fondé, sur cette base déjà, à constater le non-respect des usages et à refuser de délivrer à la recourante toute attestation lui permettant de soumissionner des marchés publics.
Au surplus, en relation avec le second point, la recourante affirme que le planning avec modifications manuscrites contiendrait les informations requises et serait suffisant. Cependant, si le planning du mois de janvier 2015 versé à la procédure comporte effectivement, heure par heure, des croix indiquant la présence de chaque employée, avec des modifications manuscrites, il n’en demeure pas moins que rien ne démontre qu’il s’agisse des horaires effectifs et non d’un simple planning modifié. En effet, si la recourante affirme devant la chambre administrative que ce planning, de par ses annotations manuscrites, représenterait les horaires effectifs, elle l’a auparavant transmis à l’autorité intimée en le désignant simplement de planning, sans plus d’explications, ceci alors même qu’elle s’était engagée à essayer de mettre en place un véritable système d’enregistrement des heures travaillées.
L’OCIRT était par conséquent fondé à retenir que la recourante n’avait pas fourni un document permettant d’établir les horaires effectifs détaillés de ses employés, malgré un avertissement indiquant expressément la nécessité d’un réel registre des horaires et la fixation d’un délai pour sa mise en place. L’OCIRT était dès lors légitimé, sur cette base également, à prononcer le refus litigieux.
Eu égard à la gravité de la faute, qui porte sur des obligations importantes de l’employeur, en particulier en matière salariale, la durée du refus, fixée à deux ans, située dans la moitié inférieure des quotités possibles et du reste non remise en cause par la recourante, respecte le principe de la proportionnalité.
(Tiré de ATA/903/2015)
Commentaire : l’issue du recours apparaissait largement prévisible, surtout sous l’angle de l’ATA/175/2012 ; l’employeur ne peut, suite à un contrôle de l’OCIRT qui met à jour le non-respect des usages, tout contester en bloc et renvoyer l’issue à l’hypothétique résultat d’une procédure civile ; il doit, en effet, tout mettre en œuvre dans la procédure administrative déjà pour établir sa bonne foi, alléguer les faits dont il entend se prévaloir, les prouver, etc.