Le Préposé à la Protection des Données et à la Transparence (PPDT) Jura Neuchâtel a rendu, le 29 juin 2015, un avis relatif aux Contrôles du taux d’alcoolémie des personnes employées par une commune (réf. 2015.1088), dont il a paru utile de restituer quelques développements :
Les autorités sont soumises au droit constitutionnel fédéral et cantonal. Les articles 13 al. 2 de la Constitution fédérale et art. 11 al. 2 de la Constitution neuchâteloise offrent la même protection des données personnelles des administrés que celle de l’article 8 CEDH. Plus précisément, ces articles protègent notamment toutes les données personnelles, c’est-à-dire toutes les informations relatives à une personne physique identifiée ou identifiable.
Ce droit fondamental protégeant les données personnelles des citoyens peut néanmoins être restreint pour autant que les conditions fixées aux articles 36 Cst et 33 Cst. NE soient respectées. Autrement dit, toute restriction d’un droit fondamental doit reposer sur une base légale; elle doit en outre être justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui et, selon le principe de la proportionnalité, se limiter à ce qui est nécessaire et adéquat à la réalisation des buts d’intérêt public poursuivis, sans violer l’essence du droit en question.
Le taux d’alcoolémie est une donnée personnelle relative à la santé de la personne contrôlée qui peut être qualifiée de « sensible ». Un certificat médical constatant l’aptitude ou surtout l’inaptitude d’un collaborateur, après lui avoir demandé de se soumettre à un test d’alcoolémie effectué par un médecin, entre aussi dans la catégorie des données sensibles.
Les communes agissant en tant qu’employeur sont soumises à l’article 82 LAA, conformément aux articles 1 LAA et 11 LPGA. Cette disposition prévoit notamment que les employeurs sont tenus de prendre, pour prévenir les accidents professionnels, toutes les mesures dont l’expérience a démontré la nécessité, que l’état de la technique permet d’appliquer et qui sont adaptées aux conditions données. Elle est précisée par l’article 11 OPA qui impose aux travailleurs de suivre les directives de l’employeur en matière de sécurité au travail et d’observer les règles de sécurité généralement reconnues. Le travailleur ne doit ainsi pas se mettre dans un état tel qu’il expose sa personne ou celle d’autres travailleurs à un danger. Cela vaut en particulier pour la consommation d’alcool. Les communes sont également soumises à l’article 6 LTr qui impose une obligation similaire à la LAA. Cette disposition a fait l’objet d’une ordonnance, dont l’article 35 al. 3 OLT 3 prévoit expressément que l’employeur peut limiter ou interdire la consommation de boissons alcoolisées.
Selon le commentaire de cette ordonnance par le SECO (p. 335-1), une restriction, voire l’interdiction de consommation d’alcool dans l’entreprise se justifie avant tout pour les postes de travail où les exigences en matière de sécurité sont élevées. Elle peut s’étendre à tous les travailleurs de l’entreprise. En principe, cette interdiction doit se limiter au seul temps de travail. Comme les effets de l’alcool peuvent se prolonger plus ou moins longtemps, selon la quantité ingérée et la constitution corporelle, une interdiction qui s’étend sur une période précédant la prise du travail peut se justifier dans le respect du principe de proportionnalité.
En ce qui concerne le contrôle du taux d’alcoolémie, il ne peut intervenir que lorsque le travailleur semble incapable d’exécuter son travail sans se mettre en danger ou mettre en danger les collaborateurs, par exemple en raison de son alcoolémie. L’employeur doit alors, en vertu de son obligation de protéger le travailleur, refuser la prestation de ce dernier.
Les alcootests constituent une atteinte à la personnalité, et on ne peut donc y contraindre un travailleur. Ces instruments de contrôle ne peuvent en principe pas être mis en place de manière préventive (contrôles inopinés à titre prophylactique), sauf dans des cas très particuliers et avec les précautions nécessaires, car des dépistages systématiques violent le principe de la proportionnalité.
Pour des contrôles préventifs, il appartient à l’employeur d’apporter la preuve de la nécessité du contrôle, justifié par les impératifs de sécurité ou de fonctionnalité. On considère ainsi comme admissible, au regard des impératifs de sécurité, que les professions suivantes notamment soient soumises à des tests de dépistage : professions impliquant le port d’armes (gendarme, policier, douanier, agent de sécurité) ; professions nécessitant une maîtrise absolue des gestes et de la pensée (médecin, infirmier qui procède à des actes diagnostiques ou thérapeutiques, conducteur, mécanicien de locomotive, pilote d’avion, contrôleur du trafic aérien, conducteur de grue et d’engins de chantier); de même, sont concernés les métiers pour lesquels la concentration ou l’équilibre sont importants, quel que soit le niveau de formation, tels que des travailleurs œuvrant sur les toits, sur des poutrelles, un acrobate ou un funambule. Des contrôles sont également admissibles lorsqu’ils sont justifiés par le rapport de fonctionnalité avec l’exécution du travail, les exigences ou les aptitudes y relatives. Ainsi, un travailleur social actif dans le domaine de la prévention de l’alcoolisme ou de la toxicomanie doit pouvoir être contrôlé quant au respect de son engagement d’abstinence. Ne peuvent par contre pas être soumis à des contrôles des employés administratifs qui travaillent dans des entreprises en soi à risques, mais sans être en contact avec les substances ou les installations dangereuses.
En ce qui concerne l’exécution des contrôles, il doivent être confiés à un médecin (interne ou externe à l’entreprise), lequel se limitera à indiquer si le résultat est de nature à affecter la capacité de travail, et si oui dans quelle mesure, sans fournir plus d’indications.
En savoir sur la protection des données et la protection de la personnalité des travailleurs:
Formation: Protection des données dans les rapports de travail, Lausanne, 5 octobre 2016