Gratification ou élément de salaire ?

IMG_5338Selon l’art. 322d al. 1 CO, la gratification est une rétribution spéciale que l’employeur accorde en sus du salaire à certaines occasions, tel que Noël ou la fin de l’exercice annuel.

A la différence du salaire, la gratification dépend au moins partiellement du bon vouloir de l’employeur; en d’autres termes, le principe et/ou le montant de la gratification sont laissés à l’appréciation de l’employeur. Ainsi, un bonus dont le montant est déterminé à l’avance par les parties, où dépend de critères objectifs prédéterminés conventionnellement comme le chiffre d’affaires (cf. art. 322a CO), ne doit pas être considéré comme une gratification mais comme un élément du salaire que l’employeur est tenu de verser à l’employé.

Selon les circonstances, la gratification peut être due même si, d’année en année, l’employeur a réservé le caractère facultatif du versement (ATF 131 III 615). Il a été ainsi admis qu’un engagement tacite peut se déduire du paiement répété de la gratification pendant des décennies sans que l’employeur ne fasse jamais usage de la réserve émise, alors même qu’il aurait des motifs de l’invoquer telle qu’une mauvaise marche des affaires ou des mauvaises prestations du collaborateur (ATF 129 III 276 consid. 2.3).

La gratification peut aussi être obligatoire quelle que soit la volonté des parties, en raison de sa nature. En effet, elle est un accessoire du salaire fixe. Dans la mesure où elle perd ce caractère, elle fait partie du salaire.

Dans le cas d’espèce,

c’est à juste titre que le Tribunal a considéré que l’appelant ( = l’employé) n’avait pas de droit à la perception d’un bonus annuel. En effet, d’une part, comme relevé par le Tribunal, il ressort de l’état de fait que des bonus pour des montants variables ont été versés durant la période d’activité de l’appelant auprès de l’intimée de 2002 à 2008, puis en 2010, 2011 et 2013, alors qu’aucun bonus n’a été versé en 2009, 2012 et 2014. D’autre part, et par courrier spécifique dès l’année 2006, l’intimée ( = l’employeur) a réservé expressément le caractère discrétionnaire de ces bonus. Qui plus est, il suffit de se référer au texte clair du contrat passé entre les parties et en particulier de l’art. 3a de celui-ci, pour constater d’emblée que le contrat passé entre les parties prévoit la possibilité que l’employé bénéficie d’un bonus. L’emploi du verbe « pouvoir » réserve expressément cette possibilité, soit une éventualité incertaine. Il apparaît dès lors, dès la lecture du contrat même, que le caractère discrétionnaire de ce bonus était voulu dès le départ, ce que l’employé ne pouvait pas comprendre différemment.

Enfin, il n’est pas contesté que la gratification allouée dans le cadre du contrat entre les parties avait une caractéristique accessoire dans la mesure où elle n’excédait en principe pas les 10% du salaire fixe.

Par conséquent, le Tribunal n’a pas violé la loi en admettant que le demandeur ne pouvait prétendre au paiement d’un bonus pour les années 2009, 2012 et 2014 faisant l’objet de sa demande.

(CAPH/74/2017 consid. 2)

Me Philippe Ehrenström, avocat, ll.m., Genève et Yverdon

A propos Me Philippe Ehrenström

Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon.
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