
Les prétentions pécuniaires des agents de la fonction publique, qu’il s’agisse de prétentions salariales ou relatives aux pensions, n’ont en règle ordinaire pas le caractère de droits acquis.
Les rapports de service sont régis par la législation en vigueur au moment considéré. L’Etat est en effet libre de revoir en tout temps sa politique en matière de salaires et d’emploi et les personnes qui entrent à son service doivent compter avec le fait que les dispositions réglant leur statut puissent faire l’objet ultérieurement de modifications.
Des droits acquis ne naissent dès lors en faveur des agents de la fonction publique que si la loi fixe une fois pour toutes les situations particulières et des soustrait aux effets des modifications légales ou lorsque les assurances précises ont été données à l’occasion d’un engagement individuel, soit en particulier lorsque le salaire a été fixé contractuellement, de façon individuelle ou par convention collective de travail (ATF 143 I 65 consid. 6.2).
Dans le cas d’espèce (GE), comme le Tribunal fédéral l’a constaté dans l’ATF 143 I 65, l’ancien 23A LTrait doit être compris dans ce sens que l’indemnité est due au plus tard jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle grille des salaires. Le fait que le législateur avait prévu cette réglementation temporaire ne signifie pas qu’elle s’imposait au titre de droits acquis. En d’autres termes, on ne peut pas inférer du texte de cette ancienne disposition qu’elle était soustraite à toute modification légale. Rien n’empêchait le législateur de la modifier ou de l’abroger, surtout en considération du fait qu’il s’agissait d’un régime voulu temporaire par ses auteurs et que le nouveau système de rémunération n’avait toujours pas été mis en vigueur depuis 2009.
Le Tribunal fédéral admet que la protection des droits acquis peut découler aussi bien de la garantie de la propriété que du principe de la bonne foi (ATF 128 II 112 consid. 10a; arrêts 2C_382/2016 du 11 juillet 2017 consid. 7.1 et 2C_507/2011 du 16 janvier 2012 consid. 9.2). En l’espèce, il y a lieu d’envisager la question des droits acquis sous l’aspect du principe de la bonne foi, le recourant ne développant du reste aucune motivation relative à la garantie de la propriété.
Ancré à l’art. 9 Cst. et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi confère au citoyen, à certaines conditions, le droit d’exiger des autorités qu’elles se conforment aux promesses ou assurances précises qu’elles lui ont faites et ne trompent pas la confiance qu’il a légitimement placée dans ces dernières.
Il est incontestable – et incontesté – que les rapports de service du recourant étaient soumis au droit public. En règle générale, l’engagement du personnel de l’Etat peut s’effectuer soit par un contrat de droit administratif, soit par un acte de nomination sous la forme d’une décision sujette à acceptation. Il est admis que c’est ce dernier mode de création des rapports de service – plus traditionnel que le premier – qui prévaut dans le cas d’espèce. Dans ce système, il n’y a, en pratique, guère de place pour la négociation, l’individualisation et la flexibilisation. L’acte d’engagement soumet le fonctionnaire aux normes générales et statutaires régissant la fonction publique, notamment en qui concerne la grille des salaires, l’ensemble de la réglementation formant ce qu’il est convenu d’appeler le statut de la fonction publique.
Cela n’exclut pas l’éventualité de clauses spécifiques contenues dans la décision d’engagement, par exemple le pourcentage d’occupation ou le lieu de travail ou encore la possibilité d’exercer une occupation accessoire. De tels arrangements ne peuvent toutefois donner naissance à des droits acquis en vertu du droit à la protection de la bonne foi que si leur fondement réside dans l’accord et non dans la loi. Ainsi la loi institue parfois la faculté de majorer le salaire pour les hauts fonctionnaires. Il ne s’agit pas, dans ce cas, d’une clause conventionnelle, mais de l’application de règles spéciales pour tenir compte – aux conditions de l’ordre juridique – de circonstances particulières liées au marché de l’emploi. Contrairement à ce que paraît croire le recourant, il ne suffit donc pas que la lettre d’engagement contienne une clause spéciale dérogeant aux règles générales sur le statut.
En l’espèce, le traitement du recourant ne résulte pas d’une négociation entre l’autorité d’engagement et l’intéressé. L’octroi de l’indemnité litigieuse se fondait sur l’ancien art. 23A LTrait. Même si celle-ci concernait un nombre limité de fonctionnaires (cadres dès la classe 27 exerçant des responsabilités hiérarchiques), elle ne procédait pas d’une mesure salariale individuelle négociée entre l’autorité d’engagement et le recourant. Comme le Tribunal fédéral l’a rappelé dans l’ATF 143 I 65, le législateur cantonal, lorsqu’il a adopté cette disposition, avait pour objectif principal de favoriser la motivation des hauts fonctionnaires de l’administration, qui n’était pas jugée suffisante, faute d’une rémunération adéquate, alors même qu’ils apportaient des compétences dont l’Etat avait besoin. Le recourant ne saurait, dans ces conditions, se prévaloir d’une assurance individuelle qui aurait fait naître une situation acquise en sa faveur.
(Arrêt du Tribunal fédéral 8D_4/2017 du 26 avril 2018, consid. 5)
Me Philippe Ehrenström, LL.M., avocat, Genève et Yverdon-les-Bains