Heures supplémentaires : preuve, information

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Conformément à l’article 8 CC, il appartient au travailleur de prouver qu’il a accompli des heures supplémentaires et, en plus, que celles-ci ont été ordonnées par l’employeur ou étaient nécessaires à la sauvegarde des intérêts légitimes de ce dernier.

Le travailleur doit non seulement démontrer qu’il a effectué des heures supplémentaires au sens de l’article 321c CO, mais également prouver la quotité des heures dont il réclame la rétribution. Lorsqu’il est avéré qu’il a régulièrement dépassé le temps de travail normalement convenu par le contrat ou la convention collective et qu’il n’est pas possible d’en établir le nombre exact, le juge peut, par application analogique de l’article 42 alinéa 2 CO, procéder à une estimation. Si elle allège le fardeau de la preuve, cette disposition ne dispense pas le travailleur de fournir au juge, dans la mesure raisonnablement exigible, tous les éléments constituant des indices du nombre d’heures accomplies; la conclusion selon laquelle les heures supplémentaires ont été réellement effectuées dans la mesure alléguée doit s’imposer au juge avec une certaine force. Ainsi, l’article 42 alinéa 2 CO édicte une règle de preuve de droit fédéral dont le but est de faciliter au lésé l’établissement du dommage. Cette disposition s’applique aussi bien à la preuve de l’existence du dommage qu’à celle de son étendue. Le dommage est censé établi lorsqu’il existe suffisamment d’indices qui permettent de conclure à son existence.

Enfin, lorsque l’employeur n’a mis sur pied aucun système de contrôle des horaires et n’exige pas des travailleurs qu’ils établissent des décomptes, il est plus difficile d’apporter la preuve requise; l’employé qui, dans une telle situation, recourt aux témoignages pour établir son horaire effectif utilise un moyen de preuve adéquat (Arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2012, du 19 février 2013, consid. 2.2).

Les heures supplémentaires accomplies spontanément par le salarié, sans le consentement de l’employeur et sans qu’elles soient rendues nécessaires par des circonstances particulières, ne méritent aucune rémunération.

Cependant, lorsque l’employeur sait ou doit savoir que le salarié accomplit des heures supplémentaires, ce dernier peut, selon les règles de la bonne foi, comprendre que ces heures sont approuvées et que, par conséquent, l’entreprise assume l’obligation de les rémunérer comme un dépassement nécessaire de l’horaire de travail. Dans un pareil cas, il incombe à l’employeur de se renseigner. En effet, lorsque l’employeur doit s’attendre au fait que des heures supplémentaires seront effectuées, il ne peut se contenter du silence du travailleur et a l’obligation de s’informer ; il sera réputé informé dès que l’employé est soumis à un système de timbrage. Ainsi, l’employeur qui dispose d’un système de contrôle telle qu’une machine de pointage ne peut prétendre ignorer l’exercice des heures supplémentaires, de sorte que les prétentions du travailleur ne sauraient se périmer.

Enfin, dans la mesure où l’obligation d’informer a pour but de permettre à l’employeur de prendre les mesures nécessaires, elle n’a plus de sens après la fin des rapports de travail. Dès lors, on ne peut reprocher au travailleur d’avoir tardé plusieurs mois à annoncer ses heures après la clôture des rapports de travail. Ainsi, le salarié peut exiger la rémunération d’heures supplémentaires pendant tout le délai de prescription, qui est de cinq ans (art. 128 al. 3 CO). S’il attend avant de déposer une demande en justice, une telle attente n’est pas abusive, sauf circonstances tout à fait exceptionnelles.

(CAPH 74/2019)

Me Philippe Ehrenström, LL.M., avocat, Genève et Onnens (VD)

A propos Me Philippe Ehrenström

Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon.
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