Selon l’art. 320 al. 2 CO, le contrat de travail est réputé conclu lorsque l’employeur accepte pour un temps donné l’exécution d’un travail qui, d’après les circonstances, ne doit être fourni que contre un salaire.
Cette disposition crée une présomption irréfragable lorsque, au regard des circonstances de fait objectives, la rémunération apparaît comme l’élément unique ou principal pour lequel le travailleur fournit sa prestation.
Les parties conservent cependant la possibilité de démontrer que leur relation contractuelle relève du mandat ou du contrat d’entreprise notamment, lorsque les autres éléments caractéristiques du contrat de travail, en particulier le lien de subordination, font défaut (art. 319 CO).
De plus, même en présence de prestations de travail, il existe des cas de pure complaisance ne créant pas de liens contractuels. Une personne peut rendre des services gratuits, sans qu’il y ait contrat et même si le service a été sollicité; cette activité échappe au contrat lorsque les parties n’ont pas l’intention de créer des droits ou des obligations.
Il existe d’autres exceptions à la présomption irréfragable de l’art. 320 al. 2 CO. Il s’agit notamment de la contribution d’un concubin ou d’un partenaire enregistré à l’entreprise de l’autre. Dans le cas du concubin, si, selon les circonstances concrètes, la fourniture de travail n’est pas escomptée que contre une rémunération et un rapport de subordination n’est pas donné, les règles de la société simple sont applicables (art. 530 et ss CO) à l’exclusion de l’art. 320 al. 2 CO. Dans le cas du partenaire enregistré, si la collaboration du partenaire n’est pas notablement supérieure à ce qu’exige sa contribution à l’entretien de la famille et que cet investissement est suffisamment récompensé par un niveau de vie plus élevé ou par des droits lors de la dissolution du partenariat, l’application de l’art. 320 al. 2 CO est exclue, étant rappelé que la loi sur le partenariat du 18 juin 2004 ne contient aucune disposition analogue à l’art. 165 CC.
Ainsi, pour que la conclusion tacite d’un contrat de travail puisse être admise, il convient que soient réunis, au regard des circonstances de fait, les éléments caractéristiques essentiels du contrat du travail que sont le motif de la rémunération, le lien de subordination, l’élément de durée et la prestation de travail ou de service.
Par le contrat individuel de travail, le travailleur s’engage, pour une durée déterminée ou indéterminée, à travailler au service de l’employeur et celui-ci à payer un salaire fixé d’après le temps ou le travail fourni (art. 319 al. 1 CO). Les éléments caractéristiques de ce contrat sont une prestation de travail, un rapport de subordination, un élément de durée et une rémunération
Le contrat de travail se distingue avant tout des autres contrats de prestation de services, en particulier du mandat, par l’existence d’un lien de subordination, qui place le travailleur dans la dépendance de l’employeur sous l’angle personnel, organisationnel et temporel, et dans une certaine mesure économique. Le travailleur est assujetti à la surveillance, aux ordres et instructions de l’employeur; il est intégré dans l’organisation de travail d’autrui et y reçoit une place déterminée. Pour sa part, le mandataire doit certes suivre les instructions du mandant, mais il agit indépendamment et sous sa seule responsabilité, tandis que le travailleur se trouve au service de l’employeur. D’autres indices peuvent également aider à la distinction, tels l’élément de durée propre au contrat de travail, alors que le mandat peut n’être qu’occasionnel, le fait que les conditions de temps et de lieu dans lesquelles le travail doit être exécuté soient fixées dans le contrat, la mise à disposition des instruments de travail et le remboursement des frais ainsi que l’indépendance économique; ce dernier critère doit toutefois être relativisé, dès lors qu’une dépendance économique peut exister dans d’autres types de contrats que le contrat de travail, d’une part, et qu’elle n’existe pas nécessairement dans tous les contrats de travail, d’autre part.
Les critères formels, tels l’intitulé du contrat, les déclarations des parties ou les déductions aux assurances sociales, ne sont pas déterminants. Il faut bien plutôt tenir compte de critères matériels relatifs à la manière dont la prestation de travail est effectivement exécutée, tels le degré de liberté dans l’organisation du travail et du temps, l’existence ou non d’une obligation de rendre compte de l’activité et/ou de suivre les instructions, ou encore l’identification de la partie qui supporte le risque économique. En principe, des instructions qui ne se limitent pas à de simples directives générales sur la manière d’exécuter la tâche, mais qui influent sur l’objet et l’organisation du travail et instaurent un droit de contrôle de l’ayant droit, révèlent l’existence d’un contrat de travail plutôt que d’un mandat.
Si le demandeur fonde sa prétention sur un prétendu contrat de travail, dont l’existence est contestée, il doit alléguer et prouver les faits dont résulte l’existence d’un contrat de travail. En particulier, s’il est allégué la conclusion d’un contrat de travail par actes concluants – par la réception, dans la durée, de prestations de travail qui d’après les circonstances ne doivent être attendues que moyennant rémunération – il faut alors alléguer et prouver les éléments de faits qui sont typiques d’un contrat de travail, en particulier la prestation de travail, le motif de la rémunération, l’incorporation à une organisation de travail extérieure, avec le pouvoir de donner des instructions qui en résultent pour l’employeur, ainsi qu’une relation durable.
L’employeur paie au travailleur le salaire convenu, usuel ou fixé par un contrat de travail ou par une convention collective (art. 322 al. 1 CO).
En l’espèce,
il n’est pas contesté que l’appelante a exercé une certaine activité dans l’entreprise de l’intimée, tant avant qu’après la conclusion du partenariat enregistré. L’appelante soutient que cette activité relève du contrat de travail, alors que l’intimée fait valoir qu’il s’agissait d’une aide fournie entre concubins, puis entre partenaires enregistrés.
Comme cela résulte des développements qui précèdent, tant dans le cas des concubins que des partenaires enregistrés, la présomption de l’art. 320 al. 2 CO n’est pas irréfragable. Il faut ainsi examiner si les éléments constitutifs du contrat individuel de travail, tels qu’ils résultent de l’art. 319 al. 1 CO, sont réalisés.
A cet égard, l’appelante a clairement déclaré que les parties n’ont jamais eu l’intention de conclure un contrat de travail et qu’elle a proposé à l’intimée son aide au niveau administratif, afin qu’elle n’ait pas à se charger en plus de cet aspect, alors qu’elle était déjà seule pour gérer tout le reste. En outre, l’appelante a déclaré qu’un salaire pour l’activité qu’elle fournissait n’avait jamais été convenu.
Elle a enfin ajouté que jusqu’en 2005 son activité n’était « clairement pas un travail » puisque sa collaboration permettait aux parties de passer plus de temps ensemble. Dès 2006, il s’était agi pour elle d’aider sa compagne. Il résulte de ces déclarations que c’est lorsque la situation a commencé à lui « peser » qu’elle a ressenti sa collaboration comme du travail.
Ainsi, le salaire n’apparaissait pas comme un motif essentiel du travail fourni, étant souligné que l’appelante exerçait une activité à plein temps et réalisait un salaire confortable, augmenté d’un bonus annuel. Comme le relève pertinemment le Tribunal, l’appelante n’était pas dépendante financièrement de l’intimée.
Enfin, l’intimée a déclaré, sans être contredite sur ce point, que l’appelante organisait tout et s’occupait des finances du couple, et donc également de celles de sa compagne. Il n’existait donc aucun lien de subordination. L’appelante ne prétend d’ailleurs pas qu’elle recevait des instructions de l’intimée et/ou qu’elle devait lui rendre compte de son activité.
En définitive, c’est à juste titre que le Tribunal a retenu que l’aide fournie par l’appelante à l’intimée ne relevait pas d’un contrat de travail mais des relations usuelles entre concubins, puis entre partenaires enregistrés. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
(CAPH/67/2019 du 21.03.2019)
Me Philippe Ehrenström, LL.M., avocat, Genève et Onnens (VD)