
En tant que fonctionnaire genevois, le recourant est soumis à la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC – B 5 05) et à son règlement d’application du 24 février 1999 (RPAC – B 5 05.01).
Les devoirs du personnel sont énumérés aux art. 20 ss RPAC. Les membres du personnel sont ainsi tenus au respect de l’intérêt de l’État et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 RPAC). Selon l’art. 21 RPAC, ils doivent, par leur attitude, entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés (let. a), établir des contacts empreints de compréhension et de tact avec le public (let. b) et justifier et renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l’objet (let. c). Dans l’exécution de leur travail, ils se doivent de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence et respecter leur horaire de travail (art. 22 al. 1 et 2 RPAC). Par ailleurs, le membre du personnel doit jouir d’un état de santé lui permettant de remplir les devoirs de sa fonction (art. 5 al. 1 RPAC).
Aux termes de la fiche MIOPE n° 08.01.04 « Travail et consommation d’alcool », si les prestations insuffisantes d’un membre du personnel et/ou son inaptitude à remplir les exigences du poste qu’il occupe sont présumées être en lien avec une consommation d’alcool, la hiérarchie demande au service de santé du personnel de l’État de se prononcer à ce sujet. De plus, le membre du personnel conclut une convention d’abstinence d’une durée de deux ans. L’insuffisance des prestations du membre du personnel ou son inaptitude à remplir les exigences de son poste sont susceptibles d’aboutir à la résiliation des rapports de service sans ouverture d’une procédure de reclassement.
L’annexe à la fiche MIOPE n° 08.01.04, intitulé « FAQ Travail et consommation d’alcool » précise notamment que la consommation d’alcool de l’employé concerne l’employeur si l’impact de ladite consommation met en danger sa sécurité ou celle des autres, si cela nuit à l’image de l’administration cantonale, si cela perturbe le bon fonctionnement du service ainsi que si cela affecte ses prestations ou son comportement professionnel, ainsi que son état de santé.
Un fonctionnaire, pendant et en dehors de son travail, a l’obligation d’adopter un comportement qui inspire le respect et qui est digne de confiance, et sa position exige qu’il s’abstienne de tout ce qui peut porter atteinte aux intérêts de l’État. Le comportement extra-professionnel d’un fonctionnaire peut également être retenu comme un élément pertinent au plan disciplinaire.
Selon l’art. 16 al. 1 LPAC, les fonctionnaires qui enfreignent leurs devoirs de service, soit intentionnellement, soit par négligence, peuvent faire l’objet, selon la gravité de la violation, d’un blâme, prononcé par le supérieur hiérarchique en accord avec la hiérarchie (let. a ch. 1), d’une suspension d’augmentation du traitement (let. b ch. 2) ou de la réduction de traitement à l’intérieur de la classe (let. b ch. 3), du retour au statut d’employé (let. c ch. 4) ou de la révocation (let. c ch. 5).
Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence de faute du fonctionnaire. Alors qu’en droit pénal, les éléments constitutifs de la faute doivent être expressément indiqués dans la loi, en droit disciplinaire, les agissements pouvant constituer une faute sont d’une telle diversité qu’il est impossible que la législation en donne un état exhaustif. La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n’ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l’auteur. La faute disciplinaire peut même être commise par méconnaissance d’une règle. Cette méconnaissance doit cependant être fautive. Par ailleurs, il n’est pas nécessaire que la faute ait été commise dans le cadre de l’activité professionnelle.
L’autorité qui inflige une sanction disciplinaire, qui dispose à cet égard d’un large pouvoir d’appréciation, doit respecter le principe de la proportionnalité. Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d’intérêt public recherchés. À cet égard, l’autorité doit tenir compte en premier lieu d’éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l’intéressé.
En l’espèce, l’autorité intimée reproche au recourant, dans un premier grief, d’avoir, lors d’une mission à l’extérieur du canton le 3 mai 2019, consommé de l’alcool lors de sa pause de midi dans des quantités permettant de douter de la bonne exécution de ses tâches durant l’après-midi et d’avoir trompé son employeur, en produisant un justificatif non détaillé, afin qu’il ne puisse pas déterminer à quoi correspondait la note de frais dont il avait demandé le remboursement.
Le recourant soutient que l’alcool consommé lors du déjeuner du 3 mai 2019 ne l’a pas été dans un cadre professionnel, puisqu’il était en pause. Il perd toutefois de vue que si sa consommation d’alcool n’a, à proprement parler, pas eu lieu durant ses heures de travail mais lors de sa pause déjeuner, sa journée de travail n’était pas pour autant terminée. Ce constat est d’autant plus vrai que le recourant indique lui-même avoir effectué une partie de ses activités dans le restaurant dans lequel il avait déjeuné. S’il est vrai que les dispositions légales et réglementaires applicables, de même que le MIOPE, n’abordent pas, en tant que telle, la question de la consommation d’alcool sous l’angle d’une interdiction absolue, mais sous celui de l’assuétude, il n’en demeure pas moins que toute consommation d’alcool durant une pause alors que l’employé est censé, par la suite, retourner sur son lieu de travail, est susceptible non seulement de nuire à l’image de son employeur, perturber le bon fonctionnement du service, mais également d’affecter les prestations de l’intéressé, son comportement professionnel ainsi que son état de santé, ce qui constitue un manquement aux devoirs de service (ATA/359/2020 du 16 avril 2020 consid. 5).
Il est vrai que lors du déjeuner litigieux, le recourant ne portait aucun uniforme ou signe distinctif permettant de reconnaître sa qualité de fonctionnaire de l’État de Genève, ce d’autant plus qu’il déjeunait dans le canton de Vaud. Ce nonobstant, le recourant a admis lors de l’entretien de service du 7 juin 2019 que sa consommation d’alcool lors de ce déjeuner n’était ni sérieuse ni acceptable. Le fait qu’il ait demandé au restaurant l’établissement d’une note de frais ne comportant pas d’autre mention que le montant de l’addition tend également à démontrer que le recourant n’ignorait pas que sa consommation d’alcool était problématique. Le collègue qui l’accompagnait lors de ce déjeuner a d’ailleurs indiqué à leur employeur qu’il avait été procédé de la sorte pour des raisons « d’image personnelle », notamment du recourant, lequel avait déjà été reçu par le directeur général pour une consommation d’alcool lors de ses pauses déjeuner. En revanche, il ne peut être retenu qu’en produisant un justificatif non détaillé, il aurait voulu tromper son employeur afin qu’il ne puisse pas déterminer à quoi correspondait la note de frais dont il avait demandé le remboursement. En effet, si l’employeur estimait que le justificatif remis n’était pas conforme au règlement sur les débours, il lui appartenait de refuser le remboursement de la somme de CHF 35.-, ce qu’il n’a pas fait.
[Autres griefs, examen de la sanction prononcée]
(ATA/111/2021, consid. 6 et ss.)
Me Philippe Ehrenström, LL.M., avocat, Genève et Onnens (VD)