
Selon un communiqué du 21.03.2023, le « Conseil fédéral a pris acte du fait que le Département fédéral des finances (DFF) a signifié par voie de décision à Credit Suisse que l’établissement devait suspendre le versement de certaines rémunérations variables à ses collaborateurs. Cette décision concerne les rémunérations déjà approuvées pour les exercices antérieurs à 2022, mais dont le versement est différé et exécuté, par exemple, sous forme de droits à des actions. Se fondant sur ses décisions de la semaine dernière, le Conseil fédéral a en outre chargé le DFF de lui soumettre d’autres mesures concernant les rémunérations variables pour les exercices antérieurs à 2022 et les exercices suivants. »
Cette décision se baserait sur l’art. 10a LB, lequel prévoit ce qui suit :
Art. 10a Mesures en matière de rémunération
1 Si, malgré la mise en œuvre des exigences particulières, une banque d’importance systémique ou sa société mère se voit accorder une aide financière directe ou indirecte puisée dans les moyens de la Confédération, le Conseil fédéral ordonne en même temps des mesures en matière de rémunération pour toute la période durant laquelle le soutien est accordé.
2 Il peut notamment, en tenant compte de la situation économique de la banque et du soutien accordé:
a. interdire totalement ou partiellement le versement de rémunérations variables;
b. ordonner des adaptations du système de rémunération.
3 Les banques d’importance systémique et leurs sociétés mères sont tenues de formuler une réserve contraignante dans leurs systèmes de rémunération aux termes de laquelle, en cas de soutien étatique au sens du présent article, la prétention légale à une rémunération variable peut être limitée.
De quelles rémunérations variables parle-t-on ? Salaire variable ? Gratification ? Et s’agit-il de suspendre (communiqué) ou d’interdire (art. 10a LB)?
Le moins que l’on puisse dire c’est que le communiqué n’est pas très clair, alors que le sujet concerne potentiellement de très nombreux salariés.
Le Conseil fédéral ajoute avoir « (…) pris note que la direction de Credit Suisse a renoncé volontairement aux rémunérations variables de 2022. Pour des raisons de sécurité juridique, il a décidé de ne pas interdire avec effet rétroactif le versement aux collaborateurs de Credit Suisse des rémunérations variables déjà approuvées pour l’exercice 2022. Il entend aussi éviter que sa décision ne touche des personnes qui n’ont pas elles-mêmes causé la crise.
En revanche, le Conseil fédéral a pris acte du fait que le DFF a signifié par voie de décision à Credit Suisse que l’établissement devait suspendre le versement des rémunérations variables déjà approuvées pour les exercices antérieurs à 2022, mais qui a été différé. Cette décision ne porte pas sur les versements différés qui sont déjà en cours. Par rémunérations variables différées, l’AFF entend des composantes de salaire variables, tels des droits à des actions. »
A nouveau, ce n’est pas très clair : les rémunérations variables approuvées en 2022 seront versées « pour des raisons juridiques », alors que celles qui sont tout autant approuvées pour des exercices précédents ne le seront pas car elles seront « suspendues ».
On oublie aussi qu’une rémunération variable adoptée dans son principe peut octroyer un droit ferme à l’employé, ce qui entraîne que l’on considère que le revenu est réalisé et donc imposable à ce moment (même si le paiement est échelonné dans le temps). Quid si l’on suspend ainsi des rémunérations qui ont été considérées comme réalisées et donc imposées ? Pourra-t-on demander la révision d’une taxation entrée en force (attention au délai de l’art. 148 LIFD) ?
Tout cela est d’un confus….
(Communiqué: https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-93837.html)
Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM, CAS, Genève et Onnens (VD)