Selon l’art. 336 al. 1 let. d CO, le congé est abusif lorsqu’il est donné par une partie parce que l’autre partie fait valoir de bonne foi des prétentions résultant du contrat de travail. Cette disposition vise le congé-représailles ou congé-vengeance. Elle tend en particulier à empêcher que le licenciement soit utilisé pour punir le travailleur d’avoir fait valoir des prétentions auprès de son employeur en supposant de bonne foi que les droits dont il soutenait être le titulaire lui étaient acquis.
En principe, la bonne foi du travailleur est présumée (art. 3 al. 1 CC) et il importe peu que les prétentions invoquées de bonne foi soient réellement fondées. La réclamation ne doit toutefois être ni chicanière ni téméraire, car elle empêcherait alors une résiliation en elle-même admissible.
En l’espèce, l’intimée (employeur) a justifié le licenciement de l’appelante (travailleur) par sa situation économique, qui ne permettait plus de conserver le poste, lequel n’avait au demeurant pas été repourvu ultérieurement.
Il est, en effet, résulté des témoignages recueillis que la situation financière de l’intimée s’est péjorée à compter de 2011, sans, toutefois, que des éléments comptables précis ne soient donnés. Il n’a ainsi pas été possible de vérifier que le salaire, en définitive modique, qui était réellement versé à l’appelante aurait représenté une charge excessive pour l’association.
Par ailleurs, le témoin G______ a relevé que, si le poste de l’appelante n’avait pas été repourvu, le licenciement relevait davantage à son avis de l’impossibilité de trouver un accord pour le retour de l’employée. Cette déclaration relativise donc la thèse de l’intimée.
Pour sa part, l’appelante a soutenu dans sa demande en justice qu’elle avait été licenciée parce qu’elle avait réclamé le paiement du solde de ses salaires, différé par son employeur dans le temps en raison de sa situation financière.
Il est apparu, au cours de la procédure, qu’elle avait fait valoir, en novembre 2010, l’irrégularité de sa situation, en raison de la différence qui existait entre les montants effectivement perçus et les montants déclarés aux diverses institutions. Elle avait, en outre, requis un contrat au taux de 65%.
De fait, la position de l’appelante envers les assurances sociales, notamment, était pour le moins peu claire et insolite, ce qui avait interpellé les témoins E______, F______ et G______. Si, comme il est résulté des déclarations du témoin D______, l’appelante avait elle-même été à l’origine des fiches de salaire non conformes à la réalité, il apparaît qu’en tout cas en automne 2010 (époque à laquelle elle était en incapacité de travail et attendait son accouchement), elle avait souhaité la régularisation de sa situation. Cette demande était alors légitime, l’employeur étant tenu à un devoir de véracité à cet égard.
En dépit de cette réclamation, aucune suite n’a été donnée. L’appelant a relancé l’intimée le 7 mars 2011 par courrier électronique. Le témoin G______ a, en outre, relevé qu’en mars ou avril 2011 l’appelante avait posé des questions sur son salaire et sur le remboursement de l’assurance-maternité, ainsi que sur son taux d’occupation à son retour.
Il y a lieu de retenir de ce qui précède que la problématique de la situation irrégulière de l’appelante était ainsi posée, de bonne foi, chronologiquement juste avant le courrier électronique du 13 avril 2011 annonçant le licenciement.
L’appelante est ainsi parvenue à apporter des indices de nature à rendre vraisemblable le motif qu’elle soutient comme causal dans son licenciement, tandis que, de son côté, l’intimée n’a que partiellement établi les raisons qu’elle a avancées à ce congé.
En définitive, compte tenu de ce qui précède, le licenciement de l’appelante apparaît donc contraire à l’art. 336 al. 1 let. d CO, comme retenu par le Tribunal.
(Tiré de CAPH/67/2014 consid. 5)
Me Philippe Ehrenström, avocat, ll.m., Genève et Yverdon