Bonus : gratification ou élément de salaire ?

IMG_3745 (2)

Le Code des obligations ne définit pas la notion de bonus, lequel peut constituer suivant les cas une gratification (art. 322d CO) ou une part du salaire (art. 322 CO).

La gratification est une rétribution spéciale, en sus du salaire, qui est accordée par l’employeur à certaines occasions, telle que Noël ou la fin de l’exercice annuel (art. 322d al. 1 CO). Elle se distingue du salaire en ce sens qu’elle s’ajoute à lui et dépend toujours, dans une certaine mesure, de la volonté de l’employeur. Tel est le cas si l’employeur dispose, au moins au stade de la fixation du montant, d’un pouvoir d’appréciation. Un montant convenu à l’avance ou qui peut être déterminé sur la base de certains résultats n’est pas une gratification. A cela la jurisprudence a encore ajouté que la gratification devait garder un caractère accessoire par rapport au salaire. Le salaire est la contre-prestation du travail; il ne saurait être pratiquement remplacé par une gratification fixée unilatéralement et a posteriori par l’employeur. Un bonus très élevé par comparaison avec le salaire fixé doit être considéré comme une part du salaire. Cette règle est fondée sur des considérations sociales. Toutefois lorsque le salaire convenu est extrêmement élevé, correspond à un multiple du salaire moyen et permet assurément au travailleur d’assurer son existence et de maintenir son train de vie, il n’y a plus à se préoccuper du rapport entre le salaire fixe et le bonus pour dire si ce dernier constitue ou non une gratification.

La gratification doit rester accessoire par rapport au salaire et ne peut ainsi avoir qu’une importance secondaire dans la rétribution du travailleur. Par conséquent un montant très élevé en comparaison du salaire annuel, égal ou même supérieur à ce dernier, et versé régulièrement, doit être considéré comme un salaire variable même si l’employeur en réservait le caractère facultatif. La régularité de la prestation en question permet de déterminer si elle s’est transformée en un élément du salaire ou si elle constitue toujours une contrepartie accessoire à celui-ci c’est-à-dire une gratification. Dès lors que la gratification atteint régulièrement un montant plus élevé que le salaire son caractère accessoire n’est pour ainsi dire plus préservé.

Par ailleurs, pour des revenus très élevés, le salaire de base représente en lui-même une compensation adéquate et suffisante aux prestations fondamentales attendues de l’employé, de telle sorte que le travailleur ne bénéficie plus du même intérêt à se prévaloir de la protection du salaire excédent la rémunération de base.

Ainsi sauf circonstance particulière, la gratification ne saurait dépasser le montant du salaire fixe; en règle générale au contraire, elle lui sera inférieur.

En l’espèce, la seule critique adressée au Tribunal par l’appelant est d’avoir qualifié le bonus 2009 de gratification et non de salaire variable.

Il ressort de la procédure que, comme le relève le Tribunal à juste titre, le contrat de travail pour membre du senior managment passé entre les parties le 17 novembre 2006 et prenant effet le 1er janvier 2007 prévoyait que le salaire annuel brut de l’employé se montait à 276’000 fr. et la banque se réservait la possibilité, à sa discrétion et sans aucune obligation, de payer un bonus à l’employé dépendant notamment de divers facteurs comme les performances individuelles de l’employé, l’atteinte de ses objectifs ainsi que les résultats de la banque. Le contrat rappelait par ailleurs que la gratification d’un bonus restait exceptionnelle et volontaire et, expressément, que tout paiement de bonus ne devait en aucun cas être considéré comme une part du salaire, la décision de payer un tel bonus relevant de la discrétion de la banque chaque année.

Dans le cadre du courrier de confirmation des rétributions de l’employé de janvier 2010, la banque avait confirmé le paiement d’un bonus différé en argent liquide à hauteur de 70’000 fr. devant être payé en février 2013. Ce courrier de confirmation stipulait à nouveau que le paiement de ce bonus représentait une reconnaissance discrétionnaire de la part de l’employeur sans pour autant constituer un droit à son paiement en partie ou en totalité. Ce courrier indiquait en outre que le paiement était sujet à diverses conditions.

Il ressort de ces éléments, mis en lumière au regard des principes dégagés plus haut, que c’est à juste titre que le Tribunal a qualifié le montant octroyé à titre de bonus pour l’année 2009 par l’employeur de gratification. En effet, il ressort à l’évidence que telle était la volonté des parties au moment où il a été décidé qu’un bonus était envisageable dans le cadre de la rémunération de l’employé. A tous les stades, dès la conclusion du contrat, il a été prévu et rappelé que ce montant ne pouvait être considéré que comme relevant d’une décision discrétionnaire de l’employeur qui plus est soumise à conditions.

Par ailleurs, il ressort des faits retenus le caractère accessoire de la prestation que constitue le bonus par rapport au montant du salaire de l’employé. Le montant de la gratification s’élève à 70’000 fr., alors que le salaire s’élève à 276’000 fr.

Dès lors, toutes les conditions sont réunies pour que le bonus dont il est question soit qualifié de gratification discrétionnaire, de sorte que c’est à juste titre que le Tribunal est parvenu à cette conclusion.

(CAPH/6/2015)

A propos Me Philippe Ehrenström

Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon.
Cet article, publié dans Salaire, est tagué , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s