L’employeur peut résilier immédiatement le contrat de travail en tout temps pour de justes motifs (art. 337 al. 1 CO). Sont notamment considérées comme de justes motifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d’exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail (art. 337 al. 2 CO).
Le juge apprécie librement si de justes motifs existent (art. 337 al. 3 CO). Il applique les règles du droit et de l’équité (art. 4 CC). A cet effet, il prend en considération tous les éléments du cas particulier, notamment la position et la responsabilité du travailleur, le type et la durée des rapports contractuels, ainsi que la nature et l’importance des manquements du travailleur.
En raison de son obligation de fidélité, le travailleur est tenu de sauvegarder les intérêts légitimes de son employeur (art. 321a al. 1er CO) et, par conséquent, de s’abstenir de tout ce qui peut lui nuire. Ce devoir de fidélité n’est cependant pas illimité; il cède le pas devant les intérêts personnels légitimes du travailleur au développement libre de sa personnalité, notamment son intérêt à une activité différente.
Selon la jurisprudence, un employé peut ainsi, sans contrevenir à ses obligations découlant du contrat de travail, préparer une activité future en cours d’emploi. Lorsqu’il envisage de se mettre à son compte ou de fonder avec d’autres une entreprise concurrente, il est en soi légitime qu’il puisse entreprendre des préparatifs avant que le contrat de travail ne prenne fin. Il ne viole son devoir de fidélité que lorsqu’il commence déjà à exercer son activité concurrente, à détourner de la clientèle ou à débaucher d’autres employés de son employeur, i.e. lorsque l’activité concurrentielle commence avant la fin des rapports de travail avec l’employeur (ATF 138 III 67 consid. 2.3.5 et les références citées).
Dans le cas d’espèce, l’intimé a travaillé chez l’appelante en qualité d’employé, sans avoir occupé de fonction dirigeante. Pendant son emploi, l’intimé a entrepris, avec deux colocataires et collègues de travail, des préparatifs pour fonder ensemble une entreprise concurrente. L’un de ses associés a rédigé un plan de développement de l’entreprise commune et préparé le site internet de celle-ci, l’intimé a trouvé un comptable et un gérant parmi les clients de l’appelante, et les trois associés ont loué des locaux commerciaux et commandé du matériel pour en équiper les locaux loués.
Il était toutefois loisible à l’intimé et à ses associés de préparer leur future activité indépendante pendant la durée de leur engagement chez l’appelante, de sorte que ces préparatifs ne constituent, à eux seuls, aucune violation de leur devoir contractuel de fidélité à l’égard de l’appelante.
Le plan de développement rédigé dans le cadre de ces préparatifs précisait que les trois associés avaient une clientèle fidélisée qu’ils comptaient retrouver, en majeure partie, parmi les futurs clients de leur entreprise en voie de développement.
Selon l’intimé et ses deux associés, ils avaient, environ un an après la fin de leurs contrats avec l’appelante, une cinquantaine de clients dont 30 % provenaient de l’appelante. Celle-ci a donc effectivement perdu des clients, au bénéfice de l’intimé et de ses associés.
L’instruction de la cause n’a toutefois pas permis d’établir que l’intimé aurait détourné des clients de l’appelante ou débauché du personnel avant son licenciement avec effet immédiat, ni que l’activité concurrentielle aurait commencé avant la fin des rapports de travail.
Ainsi, compte tenu de toutes les circonstances du cas d’espèce, la résiliation immédiate du contrat de travail de l’intimé, à la date en question, était injustifiée.
(CAPH/149/2015. consid. 4)