Le litige porte sur l’inclusion du 13e salaire dans l’indemnité pour licenciement contraire au droit prononcée en vertu de l’art. 31 LPAC et sur le prélèvement de cotisations sociales sur cette même indemnité.
Le demandeur affirme que l’indemnité pour licenciement contraire au droit, arrêtée par ATA/768/2014 à quatre mois de son dernier salaire brut, à l’exclusion de tout autre élément de rémunération, en application de l’art. 31 al. 3 LPAC, comprendrait le treizième salaire au prorata du nombre de mois fixés, ce que l’autorité défenderesse conteste.
En matière de résiliation des rapports de service, si la chambre administrative retient que cette dernière est contraire au droit, elle peut proposer à l’autorité compétente la réintégration (art. 31 al. 2 LPAC). En cas de décision négative de l’autorité compétente, elle fixe une indemnité dont le montant ne peut être inférieur à un mois et supérieur à vingt-quatre mois du dernier traitement brut à l’exclusion de tout autre élément de rémunération. Concernant un employé, l’indemnité ne peut être supérieure à six mois (art. 31 al. 3 LPAC).
L’art. 31 al. 3 LPAC, en se référant à la notion de dernier traitement brut, renvoie à l’art. 2 LTrait, qui fixe les traitements annuels, treizième salaire inclus, en fonction de chaque classe et chaque position.
Le traitement est payé en treize mensualités égales (art. 10 al. 2 LTrait). Le treizième salaire est versé en deux mensualités, la moitié avec le traitement de juin et l’autre moitié avec le traitement de décembre (art. 16 al. 1 LTrait). Le treizième salaire représente le 1/13 du traitement annuel fixé à l’art. 2 LTrait, à l’exclusion de toute autre indemnité, quelle qu’en soit la nature (art. 16 al. 2 LTrait et 13a al. 2 RTrait – B 5 15.01). Une part proportionnelle du treizième salaire – prorata temporis – est également due en cas d’engagement ou de fin des rapports de service en cours d’année (art. 13a al. 3 RTrait).
L’art. 31 al. 3 LPAC renvoie par conséquent au traitement brut annuel comprenant le treizième salaire, de sorte que l’indemnité pour licenciement contraire au droit comprend le treizième salaire au prorata du nombre de mois fixés.
Le demandeur soutient que l’indemnité de l’art. 31 al. 3 LPAC ne viserait pas à compenser la perte de salaire mais aurait une finalité punitive et réparatrice, de sorte qu’il ne s’agirait pas d’une rémunération et qu’elle ne serait pas soumise aux cotisations sociales. L’autorité défenderesse a toutefois déduit de l’indemnité versée au demandeur l’« AC COTISATION EMPLOYE », l’« AVS COTISATION EMPLOYE », l’ « AC COTISATION FONDS EMPLOYE » ainsi que l’« ASSURANCE MATERNITE EMPLOYE ».
Selon l’art. 5 al. 2 LAVS, le salaire déterminant pour la perception des cotisations sociales comprend toute rémunération pour un travail dépendant, fourni pour un temps déterminé ou indéterminé. Il englobe les allocations de renchérissement et autres suppléments de salaire, les commissions, les gratifications, les prestations en nature, les indemnités de vacances ou pour jours fériés et autres prestations analogues, ainsi que les pourboires, s’ils représentent un élément important de la rémunération du travail.
Font partie du salaire déterminant, par définition, toutes les sommes touchées par le salarié, si leur versement est économiquement lié au contrat de travail. Peu importe, à cet égard, que les rapports de service soient maintenus ou aient été résiliés, que les prestations soient versées en vertu d’une obligation ou à titre bénévole. On considère donc comme revenu d’une activité salariée, soumis à cotisations, non seulement les rétributions versées pour un travail effectué, mais en principe toute indemnité ou prestation ayant une relation quelconque avec les rapports de service, dans la mesure où ces prestations ne sont pas franches de cotisations en vertu de prescriptions légales expressément formulées. Selon cette description du salaire déterminant, sont en principe soumis à cotisations tous les salaires liés à des rapports de travail ou de service qui n’auraient pas été perçus sans ces rapports. Inversement, l’obligation de payer des cotisations ne concerne en principe que les revenus qui ont effectivement été perçus par le travailleur (ATF 131 V 444 consid. 1.1 p. 446 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_166/2014 du 4 août 2014 consid. 4.3.1 ; 9C_841/2012 du 10 mai 2013 consid. 3.1 ; 9C_824/2008 du 6 mars 2009 consid. 5.1).
L’indemnité pour licenciement abusif (art. 336a CO) ainsi que celle fixée par le juge pour licenciement immédiat injustifié (art. 337c al. 3 CO) ne font pas partie du salaire déterminant. Si ces dernières indemnités trouvent leur origine dans les rapports de service résiliés et sont donc bien en lien avec le contrat de travail, cela ne suffit pas à leur qualification de salaire déterminant. En effet, elles ont pour but la sanction et la prévention ainsi que la réparation. Partant, on ne saurait considérer que ces indemnités ont un rapport juridique ou économique, même indirect, avec le revenu du travail. Le fait que la fixation de l’indemnité soit délimitée en fonction du salaire n’y change rien (ATF 123 V 5 consid. 5 p. 11).
Les indemnités des art. 336a et 337c al. 3 CO sont de même nature et visent les mêmes buts (ATF 123 V 5 consid. 2a p. 7 s.). Elles ont une double finalité, punitive et réparatrice. La finalité en partie réparatrice de l’indemnité résulte des mots mêmes utilisés par le législateur pour la désigner (indemnité, Entschädigung, indennità). Elle découle aussi du fait que cette indemnité est versée non pas à l’État, comme une amende pénale, mais à la victime elle-même. Certes, l’indemnité ne représente pas des dommages-intérêts au sens classique, car elle est due même si la victime ne subit ou ne prouve aucun dommage. Revêtant un caractère sui generis, elle s’apparente à la peine conventionnelle.
Selon la doctrine, les indemnités de licenciement abusif et de harcèlement sexuel allouées en application de l’art. 5 al. 2 à 4 LEg sont également exclues du salaire déterminant, car la nature de ces indemnités, punitive et réparatrice, est analogue à celle des art. 336a et 337c al. 3 CO (Rémy WYLER/Boris HEINZER, Droit du travail, 3ème éd., 2014, p. 176).
Le principe de l’indemnisation de l’agent public licencié à tort en cas de refus par la collectivité publique de le réintégrer était déjà énoncé à l’art. 30 de l’ancienne loi relative au personnel de l’administration cantonale et des établissements publics médicaux, du 15 octobre 1987 (aLPAC), remplacée depuis le 1er mars 1998 par la LPAC, le texte de l’ancienne disposition légale ne différant pas dans son principe de celui de l’art. 31 al. 3 LPAC. Toutefois, ni les travaux préparatoires de l’aLPAC, ni ceux de la LPAC ne donne d’indication sur la nature de l’indemnité prévue à l’art. 30 al. 3 aLPAC puis 31 al. 3 LPAC (MGC 1987/IV p. 5023 ; MGC1996 43/VI p. 6363).
En 2011, la chambre administrative a changé sa jurisprudence pour ensuite régulièrement rappeler que l’indemnité prévue à l’art. 31 al. 3 LPAC n’avait pas pour but de réparer un éventuel tort moral ou de sanctionner un licenciement abusif, mais de pallier le refus de l’employeur de réintégrer une personne licenciée à tort, de sorte qu’il n’y avait lieu d’entrer en matière sur le paiement d’une telle indemnité que si la réintégration du collaborateur licencié pouvait encore intervenir. L’indemnité ne pouvait dès lors couvrir que la période où l’intéressé était resté sans emploi (ATA/161/2013 du 20 mars 2013 consid. 5 ; ATA/787/2012 du 20 novembre 2012 consid. 4b ; ATA/336/2012 du 5 juin 2012 consid. 8 ; ATA/335/2012 du 5 juin 2012 consid. 8 ; ATA/525/2011 du 30 août 2011 consid. 7 ; ATA/413/2011 du 28 juin 2011 consid. 3).
En 2014, la chambre administrative est toutefois revenue sur sa pratique. Une application trop stricte de sa jurisprudence développée depuis 2011, établissant un lien entre l’absence d’emploi et le droit à une indemnité, revenait à écarter par trop l’aspect sanctionnateur de ce moyen d’obtenir la réparation d’un licenciement infondé. Une telle restriction dans l’application du droit à l’indemnité pouvait de plus conduire l’employeur étatique à ne pas respecter ses obligations légales lorsqu’il entendait licencier un fonctionnaire, dès lors que le risque d’avoir à payer des indemnités disparaissait si son ancien collaborateur avait retrouvé du travail ou n’était plus réintégrable pour un autre motif (ATA/193/2014 du 1er avril 2014 consid. 15). La chambre administrative en a conclu que le moyen d’obtenir réparation du caractère infondé du licenciement était de ne pas faire dépendre complètement le droit à une indemnité ainsi que la quotité de celle-ci de la possibilité d’une réintégration. Il y avait lieu désormais de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, et de les apprécier sans donner une portée automatiquement prépondérante à certains aspects, comme le fait d’avoir ou non retrouvé un emploi en cours de procédure (arrêt du Tribunal fédéral 8C_421/2015 du 17 août 2015 consid. 3.4.2 ; ATA/439/2014 du 17 juin 2014 consid. 15 ; ATA/258/2014 du 15 avril 2014 consid. 8 ; ATA/196/2014 du 1er avril 2014 consid. 12 ; ATA/195/2014 du 1er avril 2014 consid. 12 ; ATA/193/2014 précité consid. 16). La jurisprudence reconnaît dès lors à présent un aspect sanctionnateur à l’art. 31 al. 3 LPAC (ATA/805/2015 du 11 août 2015 consid. 9a).
Dans un arrêt du 30 septembre 2014, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales) a examiné la nature de l’indemnité de l’art. 31 al. 3 LPAC, dans le cadre de l’examen de la subrogation de la caisse de chômage à l’employé dans ses droits au versement de l’indemnité fixée par la chambre administrative. Elle a ainsi analysé la nature de cette indemnité à l’aune de l’art. 11 al. 3 de la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage – LACI – RS 837.0), dont la notion de droit au salaire se recoupe en grande partie avec celle du salaire déterminant prévue par l’art. 5 al. 2 LAVS (ATF 126 V 390 consid. 5a p. 391).
La chambre des assurances sociales a, premièrement, relevé que l’indemnité prévue par l’art. 31 al. 3 LPAC ne constituait pas une indemnité pour cause de résiliation anticipée des rapports de travail, laquelle visait expressément la compensation des salaires perdus en raison de la résiliation anticipée injustifiée et avait pour effet de replacer le travailleur dans la situation qui aurait été la sienne si son contrat avait été résilié dans les délais légaux ou conventionnels. L’indemnité prévue de l’art. 31 al. 3 LPAC n’était en effet pas réservée aux cas de suspension avec effet immédiat des rapports de travail (ATAS/1122/2014 du 30 octobre 2014 consid. 12).
Elle a ensuite constaté que, selon la jurisprudence de la chambre administrative, l’indemnité de l’art. 31 al. 3 LPAC n’avait pas pour fonction de remplacer le salaire, ce que confirmaient, d’une part, le texte même de la loi, qui ne conditionnait pas l’octroi de cette indemnité à une perte de salaire – laquelle n’était au surplus pas systématiquement couverte -, et, d’autre part, le fait qu’un congé injustifié en matière de rapports de service de droit public constituait un acte illicite. Elle a dès lors conclu que l’art. 31 al. 3 LPAC revêtait notamment le caractère d’une sanction et était similaire dans sa nature aux indemnités prévues par les art. 336a CO et 337c al. 3 CO, de sorte qu’il était exclu de l’assimiler à un salaire au sens de l’art. 11 al. 3 LACI. À cet égard, le fait que le montant de l’indemnité soit également, dans une certaine mesure, destiné à réparer le préjudice économique subi par le fonctionnaire ne faisait pas échec à cette conclusion, par analogie avec les indemnités des art. 336a et 337c al. 3 CO, exclues du salaire déterminant malgré leur caractère en partie compensatoire (ATAS/1122/2014 précité consid. 12).
La chambre administrative fera sien ce raisonnement, qui est conforme à sa jurisprudence récente concernant la nature de l’indemnité de l’art. 31 al. 3 LPA. Elle constatera en outre que l’aspect sanctionnateur de l’indemnité pour licenciement contraire au droit est dans le cas d’espèce particulièrement évident, l’indemnité ayant été fixée à quatre mois du dernier salaire brut du demandeur, ceci alors même que la chambre administrative avait constaté que ce dernier avait poursuivi des activités professionnelles en tout cas en décembre 2014, soit moins de quatre mois après son licenciement.
La chambre administrative constatera dès lors que l’indemnité de l’art. 31 al. 3 LPAC ne constitue pas un salaire au sens de l’art. 5 al. 2 LAVS et n’est dès lors pas soumise aux cotisations sociales.
(ATA/1301/2015)