Le droit suisse ne contient aucune disposition qui définisse et traite de façon spécifique du bonus. Déterminer s’il s’agit d’un élément du salaire (art. 322 CO) ou d’une gratification (art. 322d CO) revêt une grande importance, dès lors que le régime de la gratification est beaucoup plus flexible pour l’employeur que celui applicable aux éléments du salaire.
Pour qualifier un bonus dans un cas d’espèce, il faut interpréter les manifestations de volonté des parties (cf. art. 1 CO).
Il s’agit tout d’abord d’établir si le bonus est déterminé (respectivement déterminable) ou indéterminé (respectivement indéterminable). Si le bonus est déterminé ou objectivement déterminable (ce qui est le cas lorsque la rémunération ne dépend plus de l’appréciation de l’employeur), l’employé dispose d’une prétention à ce bonus. Dans cette hypothèse, l’employeur doit tenir son engagement consistant à verser à l’employé la rémunération convenue (élément essentiel du contrat de travail) et le bonus doit être considéré comme un élément (variable) du salaire. Si le bonus n’est pas déterminé ou objectivement déterminable, l’employé ne dispose en règle générale d’aucune prétention : la rémunération dépend du bon vouloir de l’employeur et le bonus est qualifié de gratification. Tel est le cas lorsque la quotité du bonus n’est pas fixée à l’avance, mais dépend pour l’essentiel de la marge de manœuvre (du « bon vouloir ») de l’employeur.
En l’espèce, les parties sont convenues expressément d’un salaire fixe de 220’000 fr. par an, et d’une part variable, qualifiée – s’agissant des prétentions que l’appelant fait valoir – de « discrétionnaire selon qualité de l’analyse de marché », respectivement de « discrétionnaire selon qualité du reporting », dont la quotité maximum a été arrêtée au total à 50’000 fr. pour un exercice.
Selon l’appelant (= travailleur), les objectifs et hypothèses de travail, de même que les données de reporting, n’ont pas été définis. Pour l’intimée (= employeur), l’octroi du montant maximal du bonus était subordonné à l’atteinte des objectifs d’analyse de marché de promotion et de marketing fixés d’une part, de reporting (ou rapport des informations) assigné d’autre part. Dès lors, le montant maximal du bonus est déterminé, et les prestations de l’employé déterminables, selon l’appréciation de l’employeur.
Il n’est pas résulté des témoignages recueillis que la qualité de l’analyse du marché, respectivement du reporting effectué par l’appelant ait été insatisfaisante. en octobre 2011 et février 2012.
L’intimée, pour sa part, n’a apporté aucun élément de preuve dont résulterait l’expression d’une insatisfaction de sa part sur les éléments précités, dont il résulterait que les conditions de qualité permettant d’obtenir le montant maximum n’auraient pas été objectivement réalisées. Elle s’est pour le surplus fondée sur la circonstance qu’aucune vente n’avait été conclue, ou sur des résultats financiers négatifs, éléments qui n’apparaissent pas pertinents au regard des critères contractuellement retenus.
Il y a ainsi lieu de retenir, contrairement à la décision des premiers juges, que l’appelant avait donc droit à la part variable de son salaire durant son emploi effectif au service de l’intimée, soit du 1er septembre 2011 au 31 mars 2012. Au-delà de cette date, l’appelant a lui-même admis qu’il n’avait plus effectué de prospection ni soumis de reporting, et il n’a pas allégué qu’il aurait procédé à des analyses de marché.
(CAPH/6/2016, consid. 4)
Pour en savoir plus:
Formation Salaire, bonus, gratification, intéressement
Lire: Philippe Ehrenström, Le salaire. Droit du travail, fiscalité, prévoyance – regards croisés, Zurich, 2015