Transfert d’un contrat de travail

IMG_6470Le transfert de contrat (ou cession ou reprise de contrat : Vertragsübernahme) entraîne le transfert de l’intégralité du rapport contractuel avec tous les droits et obligations y relatifs d’une partie contractante à un tiers qui se substitue à celle-ci.

Ce transfert de contrat n’est pas réglé expressément dans le code des obligations. Il s’agit d’un contrat sui generis, qui ne répond pas à la simple combinaison d’une cession de créance (art. 164 ss CO) et d’une reprise de dette (art. 175 ss CO).

En vertu du principe de la liberté des formes des contrats de l’art. 11 al. 1 CO, le transfert de contrat n’est soumis à aucune forme particulière. Il ne peut être convenu sans le consentement du débiteur: il suppose l’accord de tous les intéressés. En d’autres termes, l’entrée d’un tiers dans un rapport de droit bilatéral, à la place d’un des cocontractants, ne peut intervenir qu’à la condition qu’il y ait deux accords: l’un entre la partie sortante et la partie reprenante et l’autre entre celle-ci et la partie restante.

Il résulte ainsi de la définition même du transfert de contrat que l’intégralité du rapport contractuel, avec tous les droits et obligations y relatifs, passe d’une partie cocontractante à un tiers dans le sens d’une substitution de celui-ci dans le rapport contractuel. Il en découle que si l’intégralité des droits et obligations ne passe pas et que le tiers ne peut pas, par la force des choses, se substituer à la partie cocontractante, on ne se trouve pas en présence d’un transfert de contrat.

Il y a transfert illimité lorsque la partie entrante prend la place de la partie sortante également pour la période qui a précédé le transfert; elle assume ainsi toutes les obligations et acquiert tous les droits qui ont pris naissance depuis la conclusion du contrat préexistant. En revanche, il y a transfert limité lorsque la partie entrante ne remplace la partie sortante que pour l’avenir, soit pour la période postérieure au transfert.

Savoir quelle est l’étendue du transfert est affaire d’interprétation des déclarations de volonté des parties. Selon la jurisprudence, en cas de doute sur la volonté des parties à cet égard, il faut se référer à l’intérêt supposé du nouveau cocontractant au transfert. Lorsque le contrat de base est un contrat de durée, l’intérêt du nouveau cocontractant est en principe de convenir d’un transfert limité (arrêts 4A_665/2010 du 1er mars 2011, consid. 4.1; 4A_79/2010 du 29 avril 2010 consid. 2.4, in SJ 2010 I p. 459).

Le transfert d’un contrat de travail est tout à fait possible, comme pour n’importe quel contrat.

Il est toutefois à distinguer des « transferts des rapports de travail » de l’art. 333 CO qui découlent du transfert de l’entreprise ou de partie de celle-ci par l’employeur à un tiers. Dans cette dernière hypothèse, il ne s’agit en effet pas d’un contrat individuel mais d’un transfert automatique des rapports de travail découlant du transfert d’entreprise ou de parties de celle-ci.

Dans un arrêt 4A_30/2017 du 4 juillet 2017, le Tribunal fédéral avait eu à connaître d’un cas où le transfert du contrat de travail avait été retenu par la cour cantonale. A tort toutefois, car il résulte à l’évidence des faits selon le Tribunal que Z.A.________ ne se substitue pas à Z.________ (employeuse originelle) dans tous les droits et obligations de celle-ci à l’égard de l’employé: en effet, celui-ci perd de nombreux avantages, soit ceux liés à sa relation contractuelle avec Z.________, comme la perte du plan de rémunération et d’épargne-retraite et la perte de sa participation au plan d’intéressement, ainsi que ceux liés à sa qualité d’expatrié, comme la prime de mobilité, l’indemnité pour majoration géographique, l’indemnité de coût de la vie, l’assurance-maladie internationale et l’affiliation à la sécurité sociale suisse (notamment le 2e pilier).

Le fait que l’affectation du demandeur comme employé détaché depuis 2005 était limitée dans le temps n’y change rien. Le fait qu’il ait été question de mutation de l’employé, que le poste de celui-ci était en tous points identique à celui qu’il occupait précédemment, puisqu’il conservait la même position de trader dans l’équipe, et que Z.A.________ ait eu la volonté d’assurer la continuité des conditions contractuelles de l’employé, ne permet pas de conclure à l’existence d’un transfert de contrat. Il n’a d’ailleurs pas été établi que le nouveau salaire aurait été supérieur et aurait compensé la perte des avantages de l’employé. La comparaison avec ce qui se serait passé si l’employé était revenu à Genève est sans pertinence.

C’est également à tort que la cour cantonale a qualifié ce prétendu transfert d’illimité par opposition à limité, car ces adjectifs font exclusivement référence à la rétroactivité ou non du transfert à la date de la conclusion du contrat initial.

En l’absence d’un transfert du contrat de travail, seul un nouveau contrat de travail entre l’employé et Z.A.________ peut dès lors entrer en considération.

Me Philippe Ehrenström, avocat, ll.m., Genève et Yverdon

A propos Me Philippe Ehrenström

Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon.
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