L’art. 336c al. 1 CO énonce sous lettres a à d divers motifs empêchant l’employeur, après le temps d’essai, de résilier le contrat de travail pendant une certaine période (service obligatoire militaire ou dans la protection civile; service civil; grossesse; service d’aide à l’étranger ordonné par l’autorité fédérale – licenciement en temps inopportun).
Selon la lettre b, le congé ne peut être donné pendant une incapacité de travail totale ou partielle résultant d’une maladie ou d’un accident non imputables à la faute du travailleur, et cela durant 30 jours au cours de la première année de service, durant 90 jours de la deuxième à la cinquième année de service et durant 180 jours à partir de la sixième année de service. L’alinéa 2 de cette disposition précise que le congé donné pendant une de ces périodes est nul.
Le travailleur peut bénéficier de plusieurs périodes de protection non seulement lorsqu’il cumule les hypothèses prévues par les différentes lettres de l’art. 336c al. 1 CO (cumul «interlittéral», par exemple service militaire suivi d’une incapacité de travail due à un accident), mais aussi lorsqu’il est incapable de travailler en raison d’un accident puis d’une maladie, ou pour cause de maladies ou d’accidents successifs n’ayant aucun lien entre eux («cumul intralittéral»). Dans cette dernière hypothèse, il faut donc déterminer la cause des maladies et le rapport qu’il peut y avoir entre elles (faits), pour ensuite juger (droit) si le travailleur peut ou non se prévaloir d’un nouveau délai de protection.
Le cumul des périodes de protection a été refusé à un travailleur qui avait connu à intervalle rapproché deux épisodes d’incapacité de travail, attribuée tout d’abord à un «burn-out» puis à un état dépressif réactionnel. Les médecins avaient certes utilisé des dénominations différentes pour décrire l’état du patient (stress, surmenage, burn-out, puis dépression), mais s’accordaient à dire qu’il trouvait sa source dans les soucis professionnels de l’intéressé, et plus particulièrement dans son licenciement (arrêt 4A_117/2007 du 13 septembre 2007 consid. 5.2).
Le Tribunal fédéral a confirmé un arrêt du Tribunal d’appel tessinois après avoir constaté que cette instance avait retenu sans arbitraire une influence réciproque entre les deux pathologies du travailleur (bronchite asthmatique et syndrome anxieux dépressif), dans une mesure telle que cette influence excluait la possibilité de faire courir un nouveau délai de protection. L’expert avait certes dénié un lien causal direct entre une telle affection respiratoire et l’affection psychique, mais sans pouvoir exclure que celle-là ait contribué à l’apparition de celle-ci (arrêt 4A_153/2007 du 31 août 2007 consid. 3.2, 5 et 6.2). L’expertise résumée dans le jugement de première instance précisait que le rôle joué par l’affection respiratoire dans l’atteinte psychique était nettement moindre que les autres facteurs. Cela étant, la patiente avait commencé à se plaindre en août 2003 de troubles nerveux qui étaient partiellement liés aux problèmes de santé persistants. En outre, la cortisone utilisée pour le traitement de la maladie respiratoire avait eu une certaine influence sur la pathologie psychique, davantage toutefois sur son évolution que sur son apparition (cf. traduction allemande in SAE 2007 p. 70 ss consid. 4).
La doctrine, en se référant à l’arrêt de principe ATF 120 II 124, précise généralement qu’une nouvelle maladie ou un nouvel accident donne droit à une nouvelle période de protection et oppose la nouvelle maladie à une rechute ou une complication directe. Pour ADRIAN STAEHELIN, la nouvelle maladie doit être indépendante (unabhängig) de la précédente (Zürcher Kommentar, 4e éd. 2014, n° 24 ad art. 336c CO). D’aucuns relèvent, en citant l’ATF 120 II 124, qu’est nouvelle la maladie qui n’a aucun lien avec la précédente. Certains estiment que cette jurisprudence va trop loin, l’essentiel étant de savoir si la nouvelle incapacité est due à la même cause médicale que la précédente, s’il s’agit d’une rechute ou d’une conséquence claire de la première. Ils jugent que dans l’affaire tessinoise précitée (4A_153/2007), la conclusion selon laquelle les deux affections sont liées est tout sauf impérieuse, sur le vu du résumé publié.
Sans doute faut-il se garder d’exigences trop absolues qui subordonneraient l’octroi d’un nouveau délai de protection à l’absence de tout lien quel qu’il soit entre le nouvel épisode maladif et l’épisode antérieur, ou feraient entièrement abstraction du poids respectif des différents facteurs d’incapacité de travail.
(Arrêt du Tribunal fédéral 4A_706/2016 du 4 août 2017)
Me Philippe Ehrenström, avocat, ll.m., Genève et Yverdon