Fonctionnaire international, affiliation volontaire à l’assurance-chômage et indemnité de départ

pexels-photo-259027.jpegA.________, de nationalité suisse, a été employée en qualité de fonctionnaire au sein de B.________ à V.________, du 3 janvier 1991 au 31 décembre 2013. La prénommée s’est volontairement affiliée à l’assurance-chômage suisse en qualité de salariée d’un employeur non soumis aux assurances sociales suisses. A ce titre, elle a payé ses cotisations auprès de la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après: la CCGC) du 1 er mai 1992 au 31 décembre 2013.

Par courrier du 27 janvier 2014, A.________ a transmis à la CCGC son certificat de salaire pour l’année 2013. Elle l’a par ailleurs informée qu’elle avait quitté B.________ au 31 décembre 2013 et qu’elle était sans activité lucrative depuis le 1 er janvier 2014. Elle a joint deux attestations de B.________, dont une datée du 2 janvier 2014 mentionnant que dans le cadre d’un accord de résiliation, une somme forfaitaire correspondant à un total convenu de 18 traitements et émoluments mensuels serait versée. Le 17 février 2014, A.________ a communiqué à la caisse le décompte du versement de l’indemnité forfaitaire payée le 16 janvier 2014 par son employeur. Il s’agissait d’une indemnité de résiliation d’engagement par consentement mutuel, laquelle s’élevait à 125’780 fr. 40 bruts.

Par décision du 24 février 2014, la CCGC a fixé le montant des cotisations d’assurance-chômage dues par l’assurée pour l’année 2013 à 3’608 fr. 35. Les cotisations avaient été calculées sur la base d’un salaire déterminant pour la période du 1 er janvier 2013 au 31 décembre 2013 de 209’634 fr. L’assurée s’est opposée à cette décision, contestant que l’indemnité de départ soit prise en compte pour le calcul des cotisations de chômage afférentes à l’année 2013.

Le litige devant le Tribunal fédéral porte sur le point de savoir si des cotisations à l’assurance-chômage sont dues par l’intimée sur l’indemnité de départ de 125’780 fr. 40 qu’elle a perçue de son ancien employeur le 16 janvier 2014. En d’autres termes, il y a lieu d’examiner si le fait que l’indemnité de départ a été versée à l’intimée en janvier 2014, soit à une époque où elle n’était plus employée de B.________ (et donc plus assurée à l’assurance-chômage, que ce soit à titre obligatoire ou volontaire) s’oppose à la perception de cotisations de l’assurance-chômage sur cette indemnité.

La juridiction cantonale a constaté que l’intimée avait, en sa qualité de fonctionnaire internationale de nationalité suisse et domiciliée en Suisse, adhéré volontairement à l’assurance-chômage suisse (voir aussi ATF 133 V 233 consid. 3.5). En outre, elle a considéré que selon l’accord de résiliation d’engagement par consentement mutuel signé par B.________ et l’intimée le 23 octobre 2013, cette dernière avait été mise en congé sans traitement du 1 er janvier 2014 au 30 juin 2015. Elle a ainsi retenu qu’à compter du 1 er janvier 2014, l’intimée n’était plus salariée de B.________. N’ayant plus le statut de fonctionnaire internationale, elle ne pouvait plus payer des cotisations volontaires à l’assurance-chômage. Sans activité lucrative depuis le 1 er janvier 2014, elle avait d’ailleurs été affiliée en cette qualité par la recourante. Il en découlait que l’intimée n’était plus soumise à l’obligation de payer des cotisations à l’assurance-chômage depuis le 1 er janvier 2014.

La CCGC soutient quant à elle qu’en application du principe de réalisation au prélèvement des cotisations, il convient de « soumettre l’indemnité de départ perçue par l’intimée en janvier 2014 au paiement des cotisations de l’assurance-chômage pour la période 2014 », peu importe que l’intimée ait été affiliée en qualité de personne sans activité lucrative depuis le 1 er janvier 2014.

La perception des cotisations à l’assurance-chômage est du ressort des caisses de compensation AVS (art. 86 LACI; RS 837.0). L’art. 6 LACI dispose que, sauf disposition contraire de la présente loi, la législation sur l’AVS, y compris ses dérogations à la LPGA, s’applique par analogie au domaine des cotisations et des suppléments de cotisations.

Le salaire déterminant comprend toute rémunération pour un travail dépendant, fourni pour un temps déterminé ou indéterminé (art. 5 al. 2, première phrase, LAVS; RS 831.10). Font partie de ce salaire déterminant, par définition, toutes les sommes touchées par le salarié, si leur versement est économiquement lié au contrat de travail; peu importe, à ce propos, que les rapports de service soient maintenus ou aient été résiliés, que les prestations soient versées en vertu d’une obligation ou à titre bénévole. On considère donc comme revenu d’une activité salariée, soumis à cotisations, non seulement les rétributions versées pour un travail effectué, mais en principe toute indemnité ou prestation ayant une relation quelconque avec les rapports de service, dans la mesure où ces prestations ne sont pas franches de cotisations en vertu de prescriptions légales expressément formulées. Sont compris dans le salaire déterminant tous les revenus qui ont un lien avec un rapport de travail ou de service et qui n’auraient pas été versés en l’absence d’un tel lien. En revanche, seuls les revenus effectivement versés sont soumis à cotisations. Selon l’art. 7 let. q RAVS, les prestations versées par l’employeur lors de la cessation des rapports de travail sont comprises dans le salaire déterminant, pour autant qu’elles n’en soient pas exceptées en vertu de l’art. 8bis ou 8ter RAVS. Il est admis que ces exceptions n’entrent pas en considération dans le cas d’espèce.

Selon la jurisprudence, il convient de distinguer entre l’obligation de cotiser et la perception des cotisations. Les cotisations sont en principe dues au moment où le salaire a été réalisé. D’après les principes généraux de droit fiscal auxquels il convient de se référer par analogie, le revenu est considéré comme réalisé lorsque le salarié peut effectivement en disposer. Que les prestations aient été versées en une fois, en plusieurs tranches ou de manière périodique, la créance de cotisations y relative naît au moment du versement du revenu, lequel détermine l’année civile pour laquelle les cotisations sont dues, même si le versement est comptabilisé sur une année antérieure. La règle selon laquelle la dette de cotisations naît au moment où le salaire est versé (principe de réalisation) ne précise cependant pas si les cotisations sont dues mais elle prescrit simplement à quel moment celles qui sont dues doivent être payées. Si le salarié était tenu de payer des cotisations au moment où il exerçait une activité lucrative, les cotisations sont dues sur le salaire touché même s’il n’est plus soumis à cotisations au moment où le salaire lui a été versé.

Quant à la question de savoir si des cotisations sont dues, elle est antérieure à celle de savoir quand le revenu a été versé. Il n’existe dès lors pas de lien nécessaire entre le principe de réalisation et l’obligation de cotiser. L’obligation de cotiser se fonde directement sur la loi et existe dès que les conditions qui la fondent sont réunies (qualité d’assuré, existence d’une activité lucrative).

En l’occurrence, il n’est pas contesté que l’indemnité litigieuse correspond à une indemnité de cessation des rapports de service au sens de l’art. 7 let. q RAVS et constitue du salaire déterminant. Son versement, bien qu’effectué en janvier 2014, est économiquement lié aux rapports de travail de l’intimée avec son ancien employeur. En d’autres termes, il s’agit d’une rémunération versée après-coup pour une période d’activité pendant laquelle l’intimée était soumise à l’obligation de cotiser du fait de son affiliation volontaire à l’assurance-chômage. Par conséquent, l’indemnité de départ de 125’780 fr. 40 est soumise à cotisations de l’assurance-chômage. Autre est en revanche la question de savoir quand ces cotisations devaient être perçues. Lorsque les rapports de travail ne subsistent plus durant l’année de réalisation du salaire ou que l’obligation d’assurance tombe, les cotisations sont prélevées selon le principe de réalisation. En conséquence, les cotisations d’assurance-chômage devaient être payées sur l’indemnité de départ au moment de son versement, soit en janvier 2014.

(Arrêt du Tribunal fédéral 8C_338/2017 du 29 janvier 2018)

Me Philippe Ehrenström, LL.M., avocat, Genève et Yverdon

A propos Me Philippe Ehrenström

Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon.
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