Une des caractéristiques de la fonction publique réside dans le fait que, sans mécanisme divergent prévu par la loi, l’annulation judiciaire d’un licenciement a pour conséquence le maintien du rapport de travail ou, en pratique, la réintégration si l’intéressé a été suspendu, libéré de son obligation de travailler durant la procédure ou encore si le recours contre la décision de licenciement n’avait pas d’effet suspensif. Pour qu’une réintégration puisse être prononcée, il convient par sécurité qu’une conclusion expresse soit prise en ce sens dans le recours. Si le recourant conclut exclusivement à l’octroi d’une indemnité, celle-ci doit être allouée en cas d’admission du recours et le tribunal ne peut alors imposer la réintégration.
L’art. 31 al. 2 de loi genevoise du 4 décembre 1997 relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux (LPAC ; B 5 05)prévoit que si la chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève retient que la résiliation des rapports de service ne repose pas sur un motif fondé, elle ordonne à l’autorité compétente la réintégration du fonctionnaire concerné.
À titre comparatif, les autres législations cantonales en matière de réintégration d’un collaborateur injustement licencié sont caractérisées par une grande diversité. Certains cantons ont opté pour le principe de la réintégration, l’indemnisation constituant une exception. D’autres ont choisi de laisser à l’employeur public le choix de la réintégration ou de l’indemnisation. D’autres encore ont opté pour l’indemnisation du collaborateur concerné (Héloïse ROSELLO, Les influences du droit privé du travail sur le droit de la fonction publique, 2016, p. 307 ; François BELLANGER/Céline ROY, Entwicklung des Rechts- und Regulierungsrahmens des öffentlichen Dienstes in der Schweiz, in Handbuch der öffentlichen Verwaltung in der Schweiz, 2013, p. 459-477, p. 472 ss).
À titre d’exemple, le canton de Bâle-Ville prévoit la réintégration obligatoire d’un fonctionnaire licencié sans motif fondé (art. 39 al. 2 de la loi sur le personnel du 17 novembre 1999 – RSBS 162.100). Dans le canton de Vaud, lorsque la résiliation est abusive au sens de l’art. 336 al. 2 let. a de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations – CO – RS 220), le collaborateur dispose du choix entre une réintégration à l’État à un poste équivalent ou le paiement d’une indemnité (art. 60 al. 4 de la loi sur le personnel de l’État de Vaud du 12 novembre 2001 – Lpers-VD – RSVD 172.31). Dans le canton de Fribourg, lorsque les motifs de licenciement se révèlent injustifiés, le collaborateur ou la collaboratrice est maintenue dans sa fonction. Toutefois, s’il y a eu cessation de fait des rapports de service et qu’une réintégration du collaborateur ou de la collaboratrice n’est plus possible, celui-ci ou celle-ci a droit à une indemnité dont le montant maximal est égal à une année de traitement (art. 41 de la loi sur le personnel de l’État du 17 octobre 2001 – LPers – RSFR 122.70.1). En Valais, lorsque la résiliation se révèle non fondée juridiquement, l’employé est réintégré dans sa fonction, si lui-même et l’autorité d’engagement acceptent cette réintégration (art. 66 al. 1 de la loi sur le personnel de l’État du Valais du 19 novembre 2010 – LcPers – RSVS 172.2). Au cas où l’une des parties refuse la réintégration, l’employé a droit à une indemnité calculée en fonction de l’âge et du nombre d’années de service et dont le montant maximal est égal à une année de traitement si l’employeur refuse la réintégration et à six mois de traitement si l’employé refuse sa réintégration (al. 2). Dans le canton du Jura, lorsqu’un licenciement est déclaré dépourvu de motifs objectivement fondés par l’autorité de recours, l’employé est en principe maintenu dans son poste. Toutefois, s’il y a eu cessation de fait des rapports de service et qu’une réintégration de l’employé présenterait des difficultés importantes, l’employé peut prétendre au versement d’une indemnité de six à douze mois de salaire, en lieu et place d’une réintégration. En outre, aux mêmes conditions, l’autorité peut d’office prononcer la non-réintégration et allouer une indemnité de six à douze mois de salaire (art. 87 al. 8 de la loi sur le personnel de l’État du 22 septembre 2010 – RSJU 173.11).
La loi fédérale du 24 mars 2000 sur le personnel de la Confédération (LPers ; RS 172.220.1) limite la réintégration à des cas particuliers notamment en cas de licenciement d’un lanceur d’alerte (art. 34c al. 1 let. a LPers).
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le droit à la réintégration peut être exercé même si l’employé a retrouvé entretemps un nouvel emploi. En d’autres termes, un employé est réintégrable même dans cette éventualité. Le fait que l’intéressé ait retrouvé une nouvelle place de travail ne permet pas de réduire l’obligation de l’employeur public de réintégrer et de fournir une autre place de travail raisonnablement exigible (arrêts du Tribunal fédéral 8C_421/2014 du 17 août 2015 consid. 3.4.2 ; 8C_808/2010 du 28 juin 2011 consid. 5). En cas de licenciement injustifié, il n’y a cependant pas un droit absolu à la réintégration, pour autant que l’employeur puisse apporter la preuve de l’impossibilité de reclassement (arrêts du Tribunal fédéral 8C_983/2010 du 9 novembre 2011 consid. 5.5 ; 8C_722/2010 du 25 mai 2011 consid. 7). L’impossibilité de réintégration d’un fonctionnaire peut être objective, liée aux spécificités du poste ou de la fonction en cause, ou subjective, liée à la personne du travailleur licencié et/ou à ses relations avec ses collègues. L’impossibilité de la réintégration ne peut pas être admise à la légère. La réintégration ne dépend pas de la bonne disposition de l’employeur, puisque ce dernier n’a pas de choix à cet égard. Cependant, l’employeur ne devrait pas avoir à réintégrer un employé dans toutes les circonstances, suivant l’ampleur des difficultés auxquelles il est confronté. Ainsi, les conditions-cadre juridiques ou les difficultés d’organisation peuvent rendre impossible une réintégration. En outre, des divergences personnelles entre un employé licencié à tort et son supérieur hiérarchique peuvent être d’une telle gravité, que le rapport de confiance entre ces personnes est définitivement anéanti et qu’une réintégration n’est, dans les faits, plus possible (arrêt du Tribunal administratif fédéral A-3357/2014 du 16 décembre 2014 consid. 5.1.2 ).
(Tiré de ATA/287/2018)
Me Philippe Ehrenström, LL.M., avocat, Genève et Yverdon