Il ressort de l’arrêt entrepris que, dans leur déclaration d’impôt pour l’année fiscale 2009, les intimés ( = les contribuables) ont déduit un montant de 100’000 fr. correspondant à un versement effectué à une banque au titre de libération d’un cautionnement solidaire contracté en faveur de la société auprès de laquelle le contribuable était employé, et de laquelle il était également actionnaire (20%) et administrateur, dont la faillite a été prononcée le 13 décembre 2007.
Si l’Administration cantonale a refusé la déduction de ce montant au titre des frais professionnels, la Commission de recours a quant à elle considéré qu’il était « en lien de causalité manifeste et étroit avec l’activité professionnelle » de l’intimé et que selon » un très haut degré de vraisemblance, l’époux [intimé] ne pouvait éviter de s’engager en tant que caution solidaire de par sa position d’actionnaire de la SA « . La Commission de recours a en outre exclu la présence d’une violation grossière des obligations du contribuable.
Le litige porte sur le point de savoir si c’est à juste titre que la Commission de recours a jugé que le montant de 100’000 fr. versé par l’intimé, caution solidaire, en faveur de la banque créancière de la société pour laquelle celui-ci travaillait et dont il était actionnaire et administrateur, peut être déduit du revenu des contribuables au titre des frais professionnels.
L’impôt fédéral direct, en tant qu’impôt sur le revenu des personnes physiques, a pour objet tous les revenus du contribuable, qu’ils soient uniques ou périodiques, à l’exception des gains en capital réalisés lors de l’aliénation d’éléments de la fortune privée et des revenus expressément exonérés (art. 16 à 24 LIFD). Les déductions générales et les frais mentionnés aux art. 26 à 33a LIFD sont défalqués du total des revenus imposables (art. 25 LIFD). A teneur de l’art. 26 al. 1 let. c LIFD, « les autres frais indispensables à l’exercice de la profession » peuvent notamment être déduits au titre des frais professionnels.
La définition des frais professionnels de l’art. 26 LIFD n’englobe pas uniquement les dépenses effectuées dans le but de réaliser le revenu (critère de finalité) et qui sont en rapport de connexité direct avec celui-ci. Les « dépenses causales » (c’est-à-dire celles qui ne sont pas effectuées dans le but de réaliser un revenu, mais qui constituent une conséquence de l’activité lucrative) sont, selon les circonstances, également déductibles (critère de causalité). Ces dépenses doivent être directement occasionnées par l’activité lucrative. Il s’agit de dépenses involontaires, consécutives à la réalisation d’un risque inhérent à l’exercice de l’activité lucrative et qui ne peut être évité sans autres mesures. Ces conditions peuvent être remplies non seulement lorsque des dommages-intérêts sont versés au titre d’une responsabilité causale, mais aussi en cas de responsabilité pour faute, comme celle des organes d’une société.
Pour admettre la déduction du montant de 100’000 fr. versé par l’intimé à titre de caution solidaire à la banque créancière de la société, la Commission de recours s’est essentiellement fondée sur l’arrêt 2C_465/2011 du 10 février 2012.
Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a examiné le point de savoir si le contribuable pouvait déduire de son revenu un montant de 100’000 fr. au titre d' »autres frais professionnels » au sens de l’art. 26 al. 1 let. c LIFD. Le contribuable, qui était actionnaire, président du conseil d’administration et directeur d’une société anonyme, s’était porté caution solidaire pour un montant maximal de 600’000 fr. envers une caisse de pensions LPP, avec laquelle la société avait conclu un contrat de fondation collective LPP. A la suite de la faillite de la société, le contribuable s’était engagé envers le caisse de pension à lui verser un montant de 600’000 fr., dont 100’000 fr. durant l’année sous revue.
Dans son arrêt, le Tribunal fédéral a jugé en substance que le paiement de la caution était intervenu en relation avec la responsabilité du contribuable en tant qu’organe de la société. Puisque celle-ci, par manque de liquidités, n’était plus en mesure d’acquitter les primes LPP, il existait un risque important et inévitable pour le contribuable de devoir répondre personnellement de cette dette en sa qualité de membre du conseil d’administration (cf. art. 754 CO). Le risque de responsabilité personnelle d’un membre du conseil d’administration pour les primes d’assurances sociales en demeure a été considéré comme un risque immanent de l’activité d’administrateur. Dans la situation traitée dans l’arrêt précité, il existait un risque important et inévitable que le contribuable soit mis aux poursuites par la caisse de pension pour les montants de primes impayés par la société. Le contribuable n’avait pas d’alternative au cautionnement, dès lors que s’il ne l’avait pas conclu, il aurait de toute façon été recherché pour cette dette en raison de sa responsabilité personnelle. Ce risque n’était plus évitable, des primes LPP étant restées impayées (arrêt 2C_465/2011 du 10 février 2012 consid. 3.5).
Dans le cas d’espèce, les faits retenus par l’autorité précédente et qui lient le Tribunal fédéral (cf. consid. 3 ci-dessus) ne sont pas comparables à ceux qui ont conduit celui-ci a rendre l’arrêt 2C_465/2011 précité. En effet, on rappellera que la Commission de recours a expliqué que » l’époux [intimé] ne pouvait éviter de s’engager en tant que caution solidaire de par sa position d’actionnaire de la SA « . Elle a également retenu, de manière plus générale, que les actionnaires de la société s’étaient portés cautions solidaires en faveur de cette dernière. Dans leur recours devant l’autorité précédente, les intimés ont par ailleurs également affirmé que l’engagement de l’époux comme caution solidaire était lié à la souscription de nouvelles actions. On doit donc retenir qu’il n’est aucunement question de constitution de caution solidaire en relation avec le statut d’administrateur de l’intimé, comme cela était le cas dans les faits à la base de la jurisprudence citée par l’autorité précédente, mais que l’intimé s’est porté caution solidaire en sa qualité d’actionnaire.
Or, les dépenses engagées en faveur d’une société par l’un de ses actionnaires ne sauraient être admises en déduction du revenu de celui-ci, à moins d’intervenir dans le cadre d’une activité lucrative indépendante. En l’occurrence, il n’est pas question d’une telle activité. En outre, contrairement à ce qu’a jugé la Commission de recours, la libération de la caution solidaire ne se trouvait pas en lien de causalité manifeste et étroit avec l’activité professionnelle exercée à titre dépendant par l’intimé, condition indispensable pour pouvoir prétendre à déduire des frais professionnels sur la base de l’art. 26 LIFD. Le fait que l’intimé ait été employé de la société en plus d’en être actionnaire ne permet donc pas de justifier la déduction litigieuse.
Dans ces conditions, le montant de 100’000 fr. versé par l’intimé ne saurait être considéré comme « autre frais professionnel » au sens de l’art. 26 al. 1 let. c LIFD, faute de constituer une dépense liée à son activité lucrative dépendante.
Les art. 21 et 22 al. 1 let. c de la loi fiscale valaisanne du 10 mars 1976 (LF/VS; RSVS 642.1) sont libellés de manière identique aux art. 25 et 26 al. 1 let. c LIFD. La jurisprudence rendue en matière d’impôt fédéral direct est également valable pour l’application des dispositions cantonales harmonisées correspondantes (ATF 140 II 88 consid. 10 p. 101 s. et les références citées). Il peut ainsi être renvoyé, s’agissant de l’ICC, à la motivation développée en matière d’IFD.
(Arrêt du tribunal fédéral 2C_1176/2016, 2C_1177/2016 du 1er septembre 2017)
Me Philippe Ehrenström, LL.M., avocat, Genève et Yverdon