Mobbing: exemple

Selon l’art. 328 al. 1 CO, l’employeur protège et respecte, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur. Il manifeste en particulier les égards voulus pour sa santé.

Les actes de harcèlement psychologique sont prohibés par l’art. 328 al. 1 CO.

Le harcèlement psychologique, appelé aussi mobbing, se définit comme un enchainement de propos et/ou d’agissements hostiles, répétés fréquemment pendant une période assez longue, par lesquels un ou plusieurs individus cherchent à isoler, à marginaliser, voire à exclure une personne sur son lieu de travail. La victime est souvent placée dans une situation où chaque acte pris individuellement, auquel un témoin a pu assister, peut éventuellement être considéré comme supportable, alors que l’ensemble des agissements constitue une déstabilisation de la personnalité, poussé jusqu’à l’élimination professionnelle de la personne visée.

Il n’y a toutefois pas harcèlement psychologique du seul fait qu’un conflit existe dans les relations de travail, ni du fait qu’un membre du personnel serait invité – même de façon pressante, répétée, au besoin sous la menace de sanctions disciplinaires ou d’une procédure de licenciement – à se conformer à ses obligations résultant du rapport de travail, ou encore du fait qu’un supérieur hiérarchique n’aurait pas satisfait pleinement et toujours aux devoirs qui lui incombent à l’égard de ses collaborateurs.

Il résulte des particularités du mobbing que ce dernier est généralement difficile à prouver, si bien qu’il faut éventuellement admettre son existence sur la base d’un faisceau d’indices convergents, mais aussi garder à l’esprit qu’il peut n’être qu’imaginaire ou même être allégué abusivement pour tenter de se protéger contre des remarques et mesures pourtant justifiées.

La violation de l’art. 328 CO est une inexécution contractuelle, qui permet à la victime de réclamer la réparation du dommage, lequel peut consister en une réparation pour tort moral aux conditions posées par l’art. 49 CO.

Selon l’art. 49 al. 1 CO celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d’argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l’atteinte le justifie et que l’auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement. N’importe quelle atteinte ne justifie pas une indemnité. L’atteinte doit revêtir une certaine gravité objective et être ressentie par la victime, subjectivement, comme une souffrance morale suffisamment forte pour qu’il apparaisse légitime de s’adresser au juge afin d’obtenir réparation. Le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer si les circonstances d’espèce justifient une indemnité pour tort moral dans le cas particulier.

L’ampleur de la réparation morale dépend avant tout de la gravité des souffrances consécutives à l’atteinte subie par la victime et de la possibilité de l’adoucir sensiblement par le versement d’une somme d’argent; la fixation de l’indemnité pour tort moral est une question d’appréciation.

L’atteinte objectivement grave doit être ressentie par la victime comme une souffrance morale, à défaut de quoi aucune indemnisation ne peut lui être accordée. Comme chaque être humain ne réagit pas de la même manière à une atteinte portée à son intégrité psychique, le juge doit se déterminer à l’aune de l’attitude d’une personne ni trop sensible, ni particulièrement résistante. Pour que le juge puisse se faire une image précise de l’origine et de l’effet de l’atteinte illicite, le lésé doit alléguer et prouver les circonstances objectives desquelles on peut inférer la grave souffrance subjective qu’il ressent, malgré la difficulté de la preuve dans le domaine des sentiments. La gravité de l’atteinte à la personnalité suppose en tout cas une atteinte extraordinaire, dont l’intensité dépasse l’émoi ou le souci habituel, de telle sorte qu’elle peut fonder une prétention particulière contre son auteur, alors que la vie exige de chacun qu’il tolère de petites contrariétés.

En l’espèce, l’intimé (= l’employeur) a admis avoir eu un comportement qui avait parfois « débordé » à l’égard de ses assistantes dentaires. Les enquêtes ont établi qu’à une reprise l’intimé a poussé l’appelante (= l’employée) dans le laboratoire et qu’à cette occasion l’appelante a pleuré. Une autre fois, l’intimé a interdit à l’appelante de s’asseoir ou de s’appuyer sur des rebords de mobilier. D______ a par ailleurs vu la manière dont l’intimé parlait à l’appelante, sans autre précision. Celle-ci a également constaté que l’intimé envoyait l’appelante faire des courses. Les autres événements allégués par l’appelante, considérés par celle-ci comme des comportements inadmissibles de l’employeur lui ayant causé un grave traumatisme psychologique, ne sont pas corroborés par d’autres éléments du dossier, à part, pour certains, l’interrogatoire de l’appelante elle-même. Même si l’OCIRT est intervenu auprès de l’intimé afin de lui rappeler l’importance du respect de la santé physique, psychique et de la personnalité des collaborateurs, il ne résulte pas du dossier que l’appelante aurait été victime d’harcèlement psychologique au sens de la définition rappelée ci-dessus.

Cela étant, les actes avérés qu’a subis l’appelante de la part de l’employeur sont contraires au devoir de protection de la personnalité du travailleur résultant de l’art. 328 CO. Cependant, il ne résulte pas des éléments recueillis par le Tribunal que l’appelante aurait subi une atteinte grave à sa personnalité, dont l’intensité dépasserait l’émoi ou le souci habituel, de telle sorte qu’elle pourrait fonder une prétention particulière contre l’intimé. En effet, si le témoin H______ a confirmé que l’appelante a souffert en mai 2015 d’un important stress avec troubles du sommeil et de l’appétit et pleurs spontanés et éprouvait de la peur à se rendre à son travail, ce qui résulte du certificat du 3 novembre 2015, ce médecin généraliste, pourtant délié du secret médical, n’a donné aucun autre détail au sujet de l’état de santé de sa patiente à l’époque. Le certificat semble plutôt rapporter les propos de la patiente. Il ne résulte pas de ce document que l’appelante aurait suivi un traitement de soutien médicamenteux ou psychologique. Il n’est donc pas établi que les souffrances de l’employée atteignent le degré exigé par la jurisprudence.

En définitive, c’est à bon droit que le Tribunal a considéré, également compte tenu de la courte durée effective de l’activité (cinq semaines) que l’intensité de l’atteinte évoquée ne justifiait pas l’octroi d’une indemnité pour tort moral.

(CAPH/21/2019, consid. 2)

Me Philippe Ehrenström, LL.M., avocat, Genève et Yverdon-les-Bains

A propos Me Philippe Ehrenström

Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon.
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