
Dire si une personne employée est apte à travailler relève de l’établissement des faits. Il incombe à celle-là d’apporter la preuve d’un empêchement de travailler (art. 8 CC).
En cas de maladie ou d’accident, la personne concernée aura le plus souvent recours à un certificat médical, qui se définit comme un document destiné à prouver l’incapacité de travailler d’une patiente ou d’un patient pour des raisons médicales. Le certificat médical ne constitue pas un moyen de preuve absolu. En particulier, un document perd de sa force probante lorsqu’il est rédigé non au vu de constatations objectives de la praticienne ou du praticien, mais sur la base des seuls dires de la travailleuse ou du travailleur ou qu’il est établi avec un effet rétroactif de plusieurs semaines. Le certificat médical n’est qu’un moyen de preuve parmi d’autres pour attester de l’empêchement de travailler. La travailleuse ou le travailleur peut contredire le contenu du certificat par son comportement, auquel cas le certificat médical ne suffira pas à établir l’incapacité de travail.
Pourront en particulier être pris en compte pour infirmer une attestation médicale le comportement de la personne salariée (on cite souvent l’exemple de la travailleuse ou du travailleur qui répare un toit alors qu’elle ou il souffre d’une incapacité de travail totale en raison de douleurs à un genou) et les circonstances à la suite desquelles l’incapacité de travail a été alléguée (empêchement consécutif à un congédiement ou au refus d’accorder des vacances au moment désiré par la personne salariée ; absences répétées ; production de certificats émanant de permanences ou de médecins reconnus pour leur complaisance ; présentation d’attestations contradictoires ; attestations faisant uniquement état des plaintes de la travailleuse ou du travailleur ou établies plusieurs mois après le début des symptômes. Des soupçons quant au moment de l’incapacité de travail peuvent aussi légitimer la mise en doute d’un certificat médical, notamment lorsque la personne employée est régulièrement absente le lundi ou le vendredi, le jour de congé de sa conjointe ou son conjoint, juste avant ou juste après les vacances. Lorsque des motifs objectifs l’amènent à douter de la véracité de l’incapacité, l’employeuse ou employeur est en droit de faire vérifier, à ses propres frais, l’existence et le degré de l’empêchement par un médecin-conseil.
En matière d’assurances sociales, le Tribunal fédéral a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux, sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves. Ainsi, l’élément déterminant pour la valeur probante d’un certificat médical n’est ni son origine ni sa désignation sous la forme d’un rapport ou d’une expertise, mais bel et bien son contenu. Il importe que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées. La ou le juge ne saurait écarter des résultats convaincants qui ressortent d’une expertise d’un médecin indépendant établi par une ou un spécialiste reconnu, sur la base d’observations approfondies et d’investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier. Le simple fait qu’un certificat médical soit établi à la demande d’une partie et produit pendant la procédure ne justifie pas, en soi, des doutes quant à sa valeur probante.
Le rôle du médecin-conseil consiste à aborder la question de l’aptitude au travail sous un angle plus large qu’un médecin psychiatre par exemple, puisque son examen peut porter sur tous les aspects médicaux en lien avec le cas qui lui est soumis, en connaissance des besoins et risques concrets afférents aux fonctions concernées, et que les différents paramètres qu’il prend en considération ne sont pas nécessairement de nature à changer au cours du temps.
En l’espèce, le recourant affirme qu’il était encore en état d’incapacité de travailler lors de la notification de son licenciement.
À l’appui de sa position, il a versé à la procédure des certificats médicaux, dénotant la persistance de son incapacité de travail en tout cas jusqu’en mars 2020, deux certificats des 4 octobre et 5 novembre 2019 couvrant en particulier les périodes du 5 octobre 2019 au 4 novembre 2019 et du 6 novembre au 2 décembre 2019.
Ces certificats médicaux entrent cependant en contradiction avec les rapports du médecin-conseil psychiatre du 7 octobre 2019 et du médecin-conseil du 14 octobre 2019, qui tendent tous deux à dénoter une pleine capacité de travail au moment de la notification du licenciement. Ainsi, le premier conclut à la pleine capacité de travail du recourant dans son métier et le second arrête le retour à la pleine capacité de travail au 1er novembre 2019.
Or, les deux certificats médicaux produits par le recourant concernant la période déterminante ont été établis par son médecin généraliste et non par un médecin spécialiste en psychiatrie, alors que les affections médicales dont se prévaut l’intéressé relèvent de la sphère psychique. Ils reposent ainsi vraisemblablement en majeure partie sur les dires du recourant, ceci dans un contexte où il savait que dès la fin de son empêchement de travailler, il se verrait notifier une décision de licenciement. Ces certificats médicaux ne comportent par ailleurs aucune motivation, contrairement au rapport du médecin-conseil psychiatre, motivé et détaillé. Ainsi, après avoir constaté que l’état psychique du recourant – lié au sentiment de porter injustement seul la responsabilité pour des dysfonctionnements du service – était affecté par sa situation professionnelle, le Dr AO______, qui avait revu le recourant le 24 septembre 2019, a conclu que la capacité de travail n’était pas réduite à néant, mais que l’intéressé possédait son entière capacité de travail dans son métier, ceci après avoir constaté qu’en dehors des moments de tristesse, nervosité, anxiété, le recourant se décrivait comme actif, voyait son médecin traitant une fois par mois, n’avait pas de prise en charge psychiatrique-psychothérapeutique – il ressort du dossier que ce n’est qu’après son licenciement que le recourant a initié une telle prise en charge, le premier certificat médical d’un médecin psychiatre ayant été établi le 2 décembre 2019 – et ne prenait pas de traitement médicamenteux. Ces conclusions rejoignent celles du médecin-conseil, qui a lui reçu le recourant en consultation le 9 septembre 2019 et a abouti à la conclusion de retour à la pleine capacité de travail dès le 1er novembre 2019, après avoir consulté le Dr AO______.
Les éléments qui précèdent, combinés au fait que le recourant n’allègue pas de péjoration de son état psychique entre les consultations avec le médecin-conseil et le médecin-conseil psychiatre et le début du mois de novembre 2019, conduisent à constater que l’intéressé avait recouvré sa pleine capacité de travail au début du mois de novembre 2019, lors de la notification de son licenciement. Celui-ci n’a par conséquent pas été notifié en temps inopportun et le grief sera écarté.
(Arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice du 3 novembre 2020, ATA/1089/2020, consid. 4)
Me Philippe Ehrenström, LL.M., avocat, Genève et Onnens (VD)