
Anne Lévy, directrice de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), revient sur le thème de l’obligation de vacciner dans une interview au SonntagsBlick du 22 novembre 2020 (https://www.blick.ch/schweiz/bag-chefin-anne-levy-im-ersten-grossen-interview-es-sieht-nach-einer-trendwende-aus-id16207479.html):
«Planen Sie ein Impfobligatorium?
Das ist derzeit kein Thema.
Es dürfte aber eines werden.
Ein Obligatorium kann je nach Lage in speziellen Situationen Sinn machen. Das hätte allerdings nichts mit einem Impfzwang zu tun, wie es von manchen Kreisen suggeriert wird. Gestützt auf das Epidemiengesetz können Bund oder Kantone beschliessen, dass gewisse Funktionen nur von geimpften Personen ausgeübt werden können.
Pflegeberufe zum Beispiel.
Wie gesagt, da ist noch nichts entschieden. Diese Diskussion würden wir auch mit den betroffenen Personen und Spitälern führen.»
L’art. 22 de la loi fédérale du 28 septembre 2012 sur la lutte contre les maladies transmissibles de l’homme (Loi sur les épidémies, LEp ; RS 818.101), entrée en vigueur le 1er janvier 2016, prévoit effectivement que les « (…) cantons peuvent déclarer obligatoires des vaccinations pour les groupes à risques, pour les personnes particulièrement exposées et pour les personnes exerçant certaines activités, pour autant qu’un danger sérieux soit établi. »
Les vaccinations obligatoires constituent une atteinte au droit à la liberté personnelle (art. 10, al. 2, Cst.). L’art. 36 Cst. n’autorise de telles restrictions des droits fondamentaux que si elles sont: 1) fondées sur une base légale suffisante; 2) justifiées par un intérêt public (maladie très contagieuse avec une évolution potentiellement très grave); et 3) proportionnelles au but visé. Face à une maladie infectieuse grave, se propageant rapidement et provoquant de nombreux décès, la vaccination obligatoire pourrait s’imposer pour certaines catégories de personnes. Cette option stratégique est réservée aux cas où le but ne peut pas être atteint par d’autres mesures. (FF 2011 360)
L’art. 38 al. 1 de l’ordonnance du 29 avril 2015 sur la lutte contre les maladies transmissibles de l’homme (Ordonnance sur les épidémies, OEp ; RS 818.101.1) prévoit que pour déterminer un « danger sérieux » au sens de l’art. 22 LEp, les autorités cantonales compétentes évaluent les éléments suivants: degré de gravité d’une éventuelle maladie et son risque de propagation; menace pour les personnes particulièrement vulnérables; situation épidémiologique au niveau cantonal, national et international en concertation avec l’OFSP; efficacité attendue d’une éventuelle obligation de vaccination; pertinence et efficacité d’autres mesures pour enrayer le risque sanitaire et leur efficacité. L’al. 2 précise qu’une obligation de vaccination pour des personnes exerçant certaines activités, en particulier dans le cadre d’établissements de soins, doit être limitée aux domaines dans lesquels il existe un risque accru de propagation de la maladie ou de mise en danger de personnes particulièrement vulnérables. Selon l’al. 3, une obligation de vaccination doit avoir une durée limitée ; elle ne peut pas être exécutée par contrainte physique.
L’obligation vaccinale ne peut donc pas être exécutée sous la contrainte physique (art. 38 al. 3 OEp), et les dispositions pénales de la LEp ne sanctionnent pas les récalcitrants. Il est donc juste d’écrire que «Das hätte allerdings nichts mit einem Impfzwang zu tun, wie es von manchen Kreisen suggeriert wird.»
Cela étant dit, il existe bel et bien une contrainte « indirecte ». En effet, les récalcitrants peuvent être restreints dans l’accès à certaines professions ou interdits de certaines activités (art. 38 LEp) ou mis en quarantaine ou à l’isolement (art. 35 LEp).
Dans ce contexte, le droit au salaire des récalcitrants pourrait être remis en question.
Le sujet est complexe, mais on retient en effet généralement que le droit au paiement du salaire (art. 324a et 119 al. 3 CO) n’existe qu’en cas d’empêchement non fautif de travailler dû à une cause inhérente à la personne du travailleur, telle que maladie, accident, accomplissement d’une fonction légale ou publique. Or si le caractère fautif de l’empêchement s’interprète restrictivement, ce qui pourrait mener à l’exclure ici, on ne peut pas dire que le refus de se faire vacciner soit une cause inhérente à la personne du travailleur. On pourrait par contre faire l’analogie avec l’impossibilité d’effectuer ses prestations découlant de facteurs objectifs (comme une tempête de neige ou un tremblement de terre « coinçant » le travailleur sans qu’il puisse se rendre au travail), voire appliquer l’art. 82 CO, et ce pour priver l’employé de son droit au salaire. Concernant cette dernière disposition, « (…) l’employeur peut se prévaloir de l’art. 82 CO lorsque le travailleur ne fournit pas sa prestation sans être au bénéfice d’un motif d’empêchement. Il peut donc refuser de payer le salaire pour la période durant laquelle la prestation de travail n’est pas fournie. » (Wyler/ Heinzer, Droit du travail, 4e éd., Berne, 2019, pp.274-275).
Enfin, on notera que l’art. 38 al. 2 OEp mentionne « en particulier » les « établissements de soins », ce qui montre que l’obligation vaccinale pourrait être étendue au-delà de ceux-ci.
Me Philippe Ehrenström, LL.M., avocat, Genève et Onnens (VD)
Addendum (22.12.2020):
Article L. 3131‑9, n°6 de la section 2 du « projet de loi instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires » enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale française lundi 21 décembre au soir : « Le Premier ministre peut, le cas échéant dans le cadre des mesures prévues, subordonner les déplacements des personnes, leur accès aux moyens de transports ou à certains lieux, ainsi que l’exercice de certaines activités à la présentation des résultats d’un test de dépistage établissant que la personne n’est pas affectée ou contaminée, au suivi d’un traitement préventif, y compris à l’administration d’un vaccin, ou d’un traitement curatif. » (Cf. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3714_projet-loi)
Addendum II (22.12.2020)
Interview de Philippe Nantermod, vice-président du PLR, député au Conseil national :
« Vous seriez pour octroyer des avantages à des gens vaccinés qui pourraient aller au restaurant ou dans un musée ? Si la part de la population qui ne veut pas se vacciner reste à un niveau élevé, je n’y serais pas opposé. Il faut récompenser ceux, comme les jeunes, qui vont faire preuve de solidarité en se vaccinant. Les antivaccins doivent assumer et ils ne peuvent pas, telles des bombes bactériologiques, se balader où ils veulent et contaminer des gens qui n’ont rien demandé. » (24 heures, mardi 22 décembre 2020)
Addendum III (23.12.2020)
Le projet de loi mentionné ci-dessus est retiré: L’exécutif renonce à imposer la vaccination obligatoire (lefigaro.fr)