Protection de la personnalité: renseignements défavorables et faux donnés par l’ancien employeur

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L’ancien employeur contact le nouvel employeur du salarié et donne des indications défavorables (et fausses) sur celui-ci- Le nouvel employeur résilie alors le contrat de travail avant la prise d’emploi de l’employé, qui passe ensuite nombreux mois au chômage.

Aux termes de l’art. 328 al. 1 CO, l’employeur protège et respecte, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur. Dans une certaine mesure, cette obligation perdure au-delà de la fin des rapports de travail. L’employeur viole l’art. 328 CO s’il a fourni sur ce dernier des renseignements faux et attentatoires à l’honneur et découragé de la sorte un employeur d’engager la personne en question. 

La cour cantonale a retenu que la recourante (= l’ancien employeur)  a contacté de sa propre initiative le nouvel employeur de l’employé pour se prononcer sur le fait de savoir si l’employé possédait ou non les connaissances et capacités requises pour exercer sa nouvelle fonction, et qu’elle avait exprimé que cela n’était pas le cas. La recourante a également dit au nouvel employeur que l’employé avait effectué moins d’offres dans le cadre de son travail, que ce que son cahier des charges lui imposait, ce qui était erroné selon un témoignage apporté en première instance. La cour cantonale a relevé que la recourante n’avait pas contesté ces constatations de fait devant elle. Partant, elle a considéré ces propos comme infondés et de nature à attenter à l’honneur de l’employé. La cour cantonale a donc appliqué correctement l’art. 328 CO.

La recourante soutient encore, sous l’angle de la violation de l’art. 97 CO, que le critère du lien de causalité adéquate entre la violation de l’art. 328 CO et la quotité du dommage, en l’occurrence fondée sur 17 mois de perte d’emploi, n’est pas rempli en l’espèce. De plus, la recourante reproche à la cour cantonale de n’avoir pas suffisamment motivé l’existence de ce lien de causalité, violant ainsi son droit d’être entendue (art. 29 Cst.).

Lorsque l’employeur viole l’art. 328 al. 1 CO, l’employé peut agir en réparation contre son employeur sur la base de l’art. 97 CO. L’art. 97 CO nécessite que le dommage subi par le créancier soit en lien de causalité naturelle et adéquate avec la violation contractuelle du débiteur. Un fait constitue la cause adéquate d’un résultat s’il est propre, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s’est produit; le constat de la causalité adéquate relève du droit. Pour décider si la causalité est adéquate, le juge doit user de son pouvoir d’appréciation conformément à l’art. 4 CC. 

 Quant au droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), il impose au juge de motiver ses décisions afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer son droit de recours à bon escient. Ses décisions doivent indiquer clairement les faits qui sont établis et les déductions juridiques qui en sont tirées. La motivation peut néanmoins être implicite et résulter des différents considérants de la décision. Le juge doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause. 

 La cour cantonale a confirmé la décision de première instance en considérant que la violation par l’employeuse de son devoir de protéger la personnalité de l’employé (art. 328 CO) avait engendré un dommage chez celui-ci. Elle a constaté que, sur les 17 mois de chômage correspondant à 52’219 fr. 75, l’employé avait réduit son dommage à 7’285 fr. 80 pour rester dans la compétence du Tribunal des prud’hommes. Elle a considéré que ce dernier montant ne saurait être qualifié d’inéquitable, celui-ci correspondant à moins d’un salaire mensuel. 

Ce faisant, la cour cantonale n’a statué que sur un dommage de 7’285 fr. 80 en usant de son pouvoir d’appréciation pour admettre qu’il existait un lien de causalité adéquate entre le fait de discréditer l’employé au yeux d’un nouvel employeur, et le fait que l’employé soit licencié avant le début de sa prise d’emploi et qu’il se soit retrouvé au chômage. La cour cantonale a donc suffisamment traité le grief de la recourante s’en prenant à l’examen de la causalité adéquate et n’a ainsi pas violé son devoir de motivation.

Le moyen tiré de la violation par la cour cantonale, de son devoir de motivation (art. 29 Cst.), ainsi que de la violation de l’art. 97 CO doit donc être rejeté.

(Arrêt du Tribunal fédéral 4A_231/2021 du 31 août 2021, consid. 5 et 6)

A propos de l’auteurMe Philippe Ehrenström, LL.M. avocat, Genève et Onnens (VD)

A propos Me Philippe Ehrenström

Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon.
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