
L’intimée ( = l’employeuse) est une fondation de droit privé dont le siège est à […]. Son but est notamment d’exploiter une […] ainsi que de promouvoir la formation et la recherche de haut niveau dans l’esprit qui a présidé au développement de […]. L’appelant ( = l’employé) est domicilié à […]. Il a travaillé au sein de l’intimée.
Il ressort des différents PDA (Performance Development Appraisal) que le comportement et la qualité du travail accompli par l’appelant ont fluctué au cours des années de collaboration. L’appelant contestait régulièrement ses évaluations. L’employeur s’est notamment plaint du respect des horaires.
Le 12 décembre 2014, N.________ a envoyé un courriel à l’appelant intitulé « Horaires de bureau » lui rappelant qu’il avait été convenu que ses horaires de bureau commenceraient à 9 h 15 au plus tard le matin.
Depuis le 14 mai 2009, l’appelant participait régulièrement à des séances de la HES-SO à […], dites séances « GR-AGE ». La veille de chaque séance, il envoyait systématiquement à son équipe un mail informant qu’il serait absent toute la journée du lendemain. Or, fin mai 2016, l’intimée a appris incidemment, par des représentants de l’institution HES-SO, que la durée desdites séances ne dépassait jamais la demi-journée.
Le 30 mai 2016, l’appelant a été convoqué par N.________ et V.________, ancien partenaire RH au sein de l’intimée, à une séance de clarification sur ses absences durant ces journées de séances à la HES-SO et dont l’objet était intitulé « questions AGE ». L’appelant a reconnu que les séances duraient en principe une matinée tout en précisant que le reste de la journée, il effectuait du télétravail depuis son domicile, au motif qu’il lui était en effet compliqué de se rendre en ville pour revenir à son bureau après ses séances à l’HES-SO, et en particulier d’avoir à changer de tenue vestimentaire. Il a ajouté que sa prédécesseure, Mme C.________, agissait exactement de la même manière.
A l’issue de la séance du 30 mai 2016, N.________ a rappelé à l’appelant qu’il avait opté pour ce mode de travail sans l’autorisation de sa hiérarchie, pourtant requise par la directive interne en matière de télétravail et l’a informé qu’elle procéderait à des vérifications d’activité durant les demi-journées de télétravail, ce que l’appelant a expressément accepté.
L’intimée a procédé auxdites vérifications auprès du Département IT qui gère notamment le système VPN (Virtual Private Network) permettant aux collaborateurs de se connecter à leur poste de travail à distance. Il ressort des extraits de connexion que l’employé ne s’était pas connecté à son poste de travail à distance pendant certaines dates pendant lesquelles il affirmait être en télétravail après avoir assisté le matin à une séance auprès de la HES-SO. L’employé est licencié de manière ordinaire. Il conteste alors son licenciement.
Selon l’art. 335 al. 1 CO, le contrat de travail conclu pour une durée indéterminée peut être résilié par chacune des parties. Celles-ci sont donc en principe libres de résilier le contrat sans motif particulier. Toutefois, le droit de mettre unilatéralement fin au contrat est limité par les dispositions sur le congé abusif au sens des art. 336 ss CO.
L’art. 336 al. 1 et 2 CO contient une liste non exhaustive de cas dans lesquels la résiliation est abusive. Pour qu’un congé soit abusif, il doit exister un lien de causalité entre le motif répréhensible et le licenciement. En d’autres termes, il faut que le motif illicite ait joué un rôle déterminant dans la décision de l’employeur de résilier le contrat. Lorsque plusieurs motifs de congé entrent en jeu et que l’un d’eux n’est pas digne de protection, il convient de déterminer si, sans le motif illicite, le contrat aurait tout de même été résilié : si tel est le cas, le congé n’est pas abusif.
Le Tribunal fédéral a notamment considéré comme justifié le licenciement avec effet immédiat d’un employé qui trompait régulièrement son employeur sur son horaire de travail, alors qu’il savait que celui-ci lui faisait aveuglément confiance (TF 4A_123/2007 et TF 4A_125/2007 du 31 août 2007 consid. 5.2 ; Wyler/Heinzer, op. cit., p. 732, également plus récemment CACI 24 août 2021/403).
L’autorité précédente a estimé que l’élément déterminant ayant conduit au congé était les absences injustifiées de l’appelant suite aux réunions HES-SO, découvertes après la vérification de ses connexions opérée dès le 1er juin 2016. Elle a estimé que le comportement de l’appelant constituait une violation grave de son obligation de fidélité, propre à rompre la confiance de l’employeur. Dès lors, ce motif de résiliation, réel, n’était pas abusif.
Il convient d’examiner si l’autorité précédente pouvait retenir que la raison ayant justifié le licenciement donné était celle retenue et dans l’affirmative, si ce motif était réel et non abusif. Si tel est le cas, la question de savoir si un autre motif de congé entrant en jeu aurait pu être taxé d’abusif est sans pertinence et pourra rester ouverte.
Dans le cas d’espèce, l’appelant était engagé à 100 % par l’intimée et la durée de travail hebdomadaire était de 42 heures par semaine. Il ne fait aucun doute que l’appelant devait effectuer son travail dans les locaux de l’intimée. Rien ne laisse penser que l’intimée ait autorisé, voir toléré, qui plus est dans de telles conditions, l’appelant à télétravailler.
S’agissant plus précisément des séances HES-SO auxquelles se rendait l’appelant pour le compte de l’intimée, celui-ci a lui-même allégué que lorsqu’il s’y rendait, il envoyait systématiquement un courriel à son équipe annonçant qu’il serait absent « toute la journée ». Il s’est toutefois avéré que les séances précitées ne duraient au plus qu’une demi-journée. Contrairement à ce qu’invoque l’appelant, rien ne permet de retenir que l’intimée savait – ou même aurait dû savoir – ce fait avant juin 2016 [période du licenciement].
Par ailleurs, le télétravail était soumis à autorisation de l’intimée et cette dernière, malgré le fait que l’appelant considère cela comme une simple formalité, devait à tout le moins en être informée. Le fait que le télétravail constituait une « solution pratique et pragmatique » pour l’appelant ne le dispensait pas d’en informer sa hiérarchie et d’y être autorisé.
Le contrôle des connexions, avec l’accord de l’employé, a montré que celui-ci ne s’était pas connecté au VPN de l’intimée durant de nombreux après-midis. Un tel comportement constitue indéniablement une violation grave des obligations de l’employé, car il implique une
Le motif décisif du congé, quoi qu’en dise l’appelant, était la conviction de l’intimée que l’appelant avait trahi sa confiance en s’octroyant des après-midis de congé alors qu’il était supposé travailler.
Dans sa demande, l’appelant n’a pas clairement allégué avoir fait du télétravail durant les après-midis en question. Il invoque en revanche que l’intimée aurait eu une politique libérale en matière d’horaire de travail, que ces « prétendues absences » n’empêchaient pas la bonne marche du service et qu’il était en mesure d’effectuer ses tâches à l’extérieur. Dans sa réplique, l’appelant semble finalement arguer avoir fait du télétravail durant les après-midis suivant les séances HES-SO. Il ne produit toutefois aucune preuve rendant vraisemblable l’exécution d’un quelconque travail durant les après-midis litigieux, se bornant à soutenir que l’accès VPN n’était en aucun cas significatif du travail effectué en ce sens qu’il ne préjugerait en rien du travail exécuté directement par l’employé sur son poste de travail, par exemple en accédant à internet, à l’intranet de l’intimée, à sa messagerie, à sa messagerie instantanée, ainsi qu’à ses autres documents de travail. Toutefois, cette éventualité contestée par l’intimée, a été clairement infirmée par le témoin X.________ – auquel se réfère d’ailleurs l’appelant dans son appel, qui a indiqué que sans être connecté au VPN il n’y avait pas d’accès à la messagerie, ni aux dossiers qui sont sauvegardés sur le serveur. Ainsi, outre qu’aucun élément concret ne permet de retenir que l’appelant aurait effectué un quelconque travail durant les après-midis litigieux, l’appelant ne faisant qu’invoquer, de manière vague, des activités possibles, celles-ci ne le sont précisément pas hors connexion VPN. Pour le surplus, aucune preuve, que cela soit par titre ou par témoignage, n’a été apportée en première instance quant à l’exécution par l’appelant d’un quelconque travail pour l’intimée durant ces demi-journées.
Cela est d’autant plus significatif que l’appelant avait été licencié expressément du fait de ces absences non expliquées. S’il avait effectivement travaillé hors connexion VPN durant ces après-midis, il aurait dû en détenir des preuves (envoi de courriels par la messagerie privée, travail effectué sur son ordinateur privé) et pouvoir ainsi alléguer précisément un tel travail et produire les preuves en attestant, ce conformément à son obligation de collaborer. Les preuves en question ne sont en outre pas, vu leur nature principalement informatique, des éléments éphémères. Or le dossier ne contient strictement aucune preuve d’un quelconque travail de l’appelant durant les après-midis en question. Dans ces circonstances, la Cour retient que l’appelant n’a pas travaillé durant ces après-midis là. On retiendra encore à l’appui de ce constat que l’appelant, lorsqu’il annonçait ses absences, disait qu’il serait absent « pour toute la journée », mais ne précisait en revanche pas qu’il serait en télétravail et joignable. De plus, le fait qu’il se soit connecté durant les séances HES-SO au serveur VPN montre l’utilité qu’il en avait pour son travail. Qu’il ne se connecte ensuite plus après lesdites séances démontre aussi qu’il ne travaillait pas après dites séances.
Dans ces circonstances, on ne peut qu’arriver à la conclusion que malgré ses dires, l’appelant n’a pas travaillé durant les après-midis des séances en question à la HES-SO. L’accusation portée par l’intimée et la rupture de confiance en découlant étaient ainsi bien réelles, respectivement légitimes.
Il s’ensuit que l’appel doit être rejeté s’agissant des prétentions fondées sur l’admission d’un congé abusif.
(Arrêt de la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal HC/2021/653 du 27 septembre 2021)
Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM, CAS, Genève et Onnens (VD)