
Aux termes de l’article 341 al. 1 CO, le travailleur ne peut pas renoncer, pendant la durée du contrat et durant le mois qui suit la fin de celui-ci, aux créances résultant de dispositions impératives de la loi ou d’une convention collective. Cette norme – tout en prohibant la renonciation unilatérale du travailleur – ne s’oppose pas à un arrangement comportant des concessions réciproques, d’importance comparable, pour autant qu’il s’agisse nettement d’un cas de transaction. Les parties restent libres de rompre le contrat d’un commun accord pour une date précise, pour autant qu’elles ne cherchent pas à détourner par ce biais une disposition impérative de la loi. Une résiliation conventionnelle du contrat de travail ne doit être admise qu’avec retenue. Elle suppose notamment que soit prouvée sans équivoque la volonté des intéressés de se départir du contrat. Lorsque l’accord est préparé par l’employeur, il faut en outre que le travailleur ait pu bénéficier d’un délai de réflexion et n’ait pas été pris de court au moment de la signature.
L’assuré a droit à l’indemnité de chômage si, entre autres conditions, il subit une perte de travail à prendre en considération (art. 8 al. 1 let. b LACI). Il y a lieu de prendre en considération la perte de travail lorsqu’elle se traduit par un manque à gagner et dure au moins deux journées de travail consécutives (art. 11 al. 1 LACI). Il existe un certain nombre de dispositions qui visent à coordonner les règles du droit du travail avec l’ouverture du droit à l’indemnité de chômage (sur ces questions, cf. ATF 145 V 188 cons. 3, 143 V 161 cons. 3).
En premier lieu, la perte de travail pour laquelle le chômeur a droit au salaire ou à une indemnité pour cause de résiliation anticipée des rapports de travail n’est pas prise en considération (art. 11 al. 3 LACI). En conséquence, l’assurance ne verse en principe pas d’indemnités si le chômeur peut faire valoir des droits à l’encontre de son employeur pour la période correspondant à la perte de travail invoquée. On entend par « droit au salaire » au sens de cette disposition, le salaire dû pour la période postérieure à la résiliation des rapports de travail, soit le salaire dû en cas de non-respect du délai de congé (art. 335c CO) ou en cas de résiliation en temps inopportun (art. 336c CO). Quant à la notion de « résiliation anticipée des rapports de travail », elle vise principalement des prétentions fondées sur les articles 337b et 337c al. 1 CO. Il peut aussi s’agir d’une prestation en espèces versée par l’employeur et destinée à compenser, pour les employés qui quittent leur fonction avant l’âge légal, la perte des avantages économiques découlant de la préretraite.
Ensuite, dans le prolongement de l’article 11 al. 3 LACI, l’article 10h OACI contient une réglementation spécifique pour la perte de travail à prendre en considération en cas de résiliation anticipée des rapports de travail d’un commun accord. Dans ce cas, la perte de travail, pendant la période correspondant au délai de congé ou jusqu’au terme prévu par le contrat dans l’hypothèse d’un contrat à durée déterminée, n’est pas prise en considération tant que les prestations de l’employeur couvrent la perte de revenu afférant à cette période (al. 1). Lorsque les prestations de l’employeur dépassent le montant des salaires dus à l’assuré jusqu’au terme ordinaire des rapports de travail, les dispositions concernant les prestations volontaires de l’employeur selon l’article 11a LACI sont applicables (al. 2).
Enfin, selon l’article 11a LACI, la perte de travail n’est pas prise en considération tant que des prestations volontaires versées par l’employeur couvrent la perte de revenu résultant de la résiliation des rapports de travail (al. 1). Ces prestations volontaires de l’employeur sont toutefois prises en compte pour la part qui dépasse le montant maximum visé à l’article 3 al. 2 LACI (al. 2). Ce montant maximum est actuellement de 148’200 francs l’an (art. 3 al. 2 LACI en corrélation avec l’art. 22 al. 1 OLAA). Lorsqu’elles dépassent ce montant, les prestations volontaires repoussent donc dans le temps le délai-cadre d’indemnisation, ouvrant ainsi une période de carence. La notion de « prestations volontaires » de l’employeur au sens de l’article 11a LACI est définie négativement : il faut entendre les prestations allouées en cas de résiliation des rapports de travail régis par le droit privé ou par le droit public qui ne constituent pas des prétentions de salaire ou d’indemnités selon l’article 11 al. 3 LACI (art. 10a OACI). Il s’agit, dans un sens large, des indemnités qui excèdent ce à quoi la loi donne droit à la fin du contrat de travail, en particulier des indemnités de départ destinées à compenser les conséquences de la perte de l’emploi.
Il résulte en résumé de ce qui précède que certaines pertes de gain qui surviennent à la fin des rapports de travail n’en sont pas réellement si l’assuré peut récupérer les sommes perdues auprès de l’employeur (art. 11 al. 3 LACI et art. 10h OACI). Il s’agit d’inciter le salarié à faire valoir ses prétentions auprès de l’employeur et à empêcher ainsi que celui-ci ne fasse supporter à l’assurance-chômage les salaires ou indemnités qu’il est tenu de payer. La perte de travail n’est pas non plus prise en considération si des prestations volontaires couvrent une perte de revenu découlant de la résiliation des rapports de travail. Il s’agit, en particulier, d’éviter une indemnisation à double. Les prestations ne sont cependant prises en compte qu’à partir d’un certain seuil, afin de ne pas dissuader les employeurs de proposer des plans sociaux.
Dans le cas d’espèce, il a été mis fin aux rapports de travail qui liaient la recourante (= l’employée) et son employeur par une convention du 2 avril 2020. Selon le principe de la liberté contractuelle, les parties sont libres de mettre fin à de telles relations, de sorte que la convention précitée est en principe valable. Il reste à examiner si elle équivaut, pour le travailleur, à renoncer aux créances résultant de dispositions impératives de la loi ou d’une convention collective (art. 341 al. 1 CO) – dans quel cas une telle renonciation ne serait valable qu’en cas d’arrangement impliquant des concessions réciproques – ou si elle vise à contourner une mesure de protection du travailleur.
La convention du 2 avril 2020 a été signée alors que la recourante se trouvait en incapacité de travailler depuis le 5 septembre 2019, ce qui soulève la question de la compatibilité de cette convention avec l’interdiction de la résiliation en temps inopportun par l’employeur, à laquelle il ne peut être dérogé au détriment du travailleur (art. 362 al. 1 CO). En effet, l’article 336c al. 1 let. b CO prescrit qu’après le temps d’essai, l’employeur ne peut pas résilier le contrat pendant une incapacité de travail totale ou partielle résultant d’une maladie ou d’une accident non imputables à la faute du travailleur, et cela durant 180 jours à partir de la sixième année de service. Dans le cas présent, l’incapacité de travail avait débuté le 5 septembre 2019, de sorte que la durée de protection applicable, de 180 jours, était échue au moment de la signature de la convention. L’article 336c al. 1 let. b CO ne s’opposait donc pas à une résiliation valable nonobstant l’incapacité de travail dans laquelle se trouvait la recourante. De la sorte, la conclusion de la convention ne visait pas à contourner une mesure de protection du travailleur, et elle était ainsi valable.
La convention du 2 avril 2020 met fin aux rapports de travail le jour de sa signature. Au sujet du délai de congé, l’article 335c CO prévoit que le contrat peut être résilié pour la fin d’un mois moyennant, après la neuvième année de service, un délai de congé de trois mois; ces délais peuvent être modifiés par accord écrit, contrat-type de travail ou convention collective. Cette disposition n’est pas impérative au sens des articles 361 et 362 CO, de sorte qu’elle n’est pas couverte par l’interdiction de renonciation de l’article 341 CO, que ce soit en ce qui concerne la durée du délai de congé ou le terme prévu (fin du mois).
Il découle de ce qui précède que la convention ne contrevient pas à des dispositions impératives de la loi et qu’elle ne vise pas à en contourner, de sorte qu’elle a valablement mis fin aux relations contractuelles.
Il a été mis fin aux rapports de travail qui liaient la recourante et son employeur par une convention du 2 avril 2020. Dans un tel cas de résiliation consensuelle, il est exact qu’il n’existe pas un « délai légal de congé ». Cette interprétation, qui se fonde sur les principes valables en droit des obligations, ne fait toutefois pas obstacle à ce qu’en matière d’assurance-chômage, il soit tenu compte des prestations versées par l’employeur pour la période correspondant au délai de congé qui aurait été applicable à défaut d’accord commun sur une résiliation anticipée, comme le prescrit du reste l’article 10h OACI. En l’espèce, le délai de congé qui aurait été applicable en l’absence d’une convention était de deux mois. S’agissant du terme de ce délai, ce terme n’était pas la fin d’un mois mais la fin de la période de deux mois dès réception du congé. La résiliation d’un commun accord étant intervenue le 2 avril 2020, le délai de résiliation serait ainsi arrivé à échéance le 2 juin 2020. Aux termes de la convention, l’employeur a versé à la recourante une indemnité de fin des rapports de travail équivalente à deux mois de salaire brut, soit un montant total de 10’600 francs. Ce montant correspond à la rémunération à laquelle l’intéressée aurait pu prétendre pendant la période correspondant au délai de congé ; elle n’a donc pas subi de perte de revenu pendant la période du 3 avril au 2 juin 2020 correspondant au délai de congé de sorte que, aux termes de l’article 10h OACI, il n’y a pas de perte de travail à prendre en considération pendant cette période.
La recourante n’ayant pas subi de perte de revenu pendant la période correspondant au délai de congé, elle n’a pas subi de perte de travail à prendre en considération au sens de l’article 11 LACI avant le 3 juin 2020. Ainsi, c’est seulement à partir de cette date qu’elle peut invoquer un droit à l’indemnité de chômage.
(Arrêt de la Cour de droit public du Tribunal cantonal neuchâtelois CDP.2020.312 du 01.10.2021)
Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM, CAS, Genève et Onnens (VD)