
Par contrat d’engagement du 20 octobre 2014, la Commune de Montreux a engagé A.________ pour une durée indéterminée, avec effet rétroactif au 15 juillet 2014, en qualité d’assistante sociale auxiliaire au centre social intercommunal à un taux d’activité de 80 %.
Le 1er janvier 2015, la Commune de Montreux a transféré à l’association régionale d’action sociale Riviera (ci-après: l’ARAS) – association de communes dont elle est membre et dont les buts principaux sont l’application de la loi sur l’action sociale vaudoise du 2 décembre 2003 (LASV; BLV 850.051) et du règlement sur les Agences d’assurances sociales du 28 janvier 2004 (RAAS; BLV 831.15.1) – les activités concernant la délivrance des prestations sociales. Dans le cadre de ce transfert, l’ARAS a repris un certain nombre d’employés, dont A.________.
Au préalable, le 14 novembre 2014, l’ARAS avait présenté à A.________ un contrat de travail pour un engagement de durée indéterminée à compter du 1er janvier 2015 en qualité d’assistante sociale à un taux d’activité de 80 %. Ce contrat précisait que le type de contrat était « Droit administratif », que la classe salariale de l’employée était « C05 » et que le salaire annuel brut de celle-ci était de 58’843 fr. 20 (13 x 4526 fr. 40 par mois).
Dans sa séance du 28 août 2014, le Comité Directeur de l’ARAS avait adopté le Statut du personnel (ci-après: le Statut) et son Règlement d’application (ci-après: le Règlement). Selon l’annexe au Règlement, la fonction d’assistant social est colloquée au minimum en classe C11 et au maximum en classe C46. Le Règlement a été mis à jour le 14 mars 2016 et prévoit dans sa nouvelle teneur qu’une expérience de deux ans est requise pour être engagé au minimum de la classe de fonction (art. 7).
Le 10 septembre 2019, A.________ a déposé une demande auprès du Tribunal de prud’hommes de l’arrondissement de l’Est vaudois. Elle a en substance conclu au paiement d’un montant de 17’280 fr. avec intérêt de 5 % l’an dès le 15 mars 2016 (échéance moyenne), principalement de la part de l’ARAS et de la Commune de Montreux, solidairement entre elles, subsidiairement de la part de l’ARAS exclusivement et plus subsidiairement de la part de la Commune de Montreux exclusivement.
Par jugement du 14 avril 2021, le Tribunal de prud’hommes de l’arrondissement de l’Est vaudois a admis la demande de A.________ à l’encontre de l’ARAS, a dit que celle-ci devait payer à celle-là, après déduction des charges sociales, les sommes brutes de 5574 fr. 40, avec intérêt à 5 % l’an à compter du 1er juillet 2017, et de 4981 fr. 60, avec intérêt à 5 % l’an à compter du 1er juillet 2018.
Par arrêt du 22 septembre 2021, la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a partiellement admis l’appel interjeté par l’ARAS contre le jugement du 14 avril 2021, qu’elle a réformé en ce sens que celle-ci doit payer à A.________, après déduction des charges sociales, les sommes brutes de 5574 fr. 40, avec intérêts à 5 % l’an à compter de l’échéance moyenne du 15 mars 2016, de 8070 fr. 40, avec intérêts à 5 % l’an à compter de l’échéance moyenne du 1er juillet 2016, et de 3635 fr. 20, avec intérêt à 5 % l’an à compter de l’échéance moyenne du 1er juillet 2017.
L’ARAS forme un recours au Tribunal fédéral contre cet arrêt, en concluant à sa réforme en ce sens que la demande de l’intimée soit rejetée.
Le contrat signé par les parties le 14 novembre 2014 est un contrat de droit administratif (art. 5 du Statut). Selon l’art. 52 du Statut, les dispositions du Code des obligations sur le contrat de travail sont applicables à titre de droit supplétif, dans la mesure où le Statut ne l’exclut pas. Les rapports de service entre la recourante et l’intimée sont donc soumis au droit public, les règles des art. 319 à 343 CO ne pouvant s’appliquer qu’à titre de droit cantonal supplétif. La présente cause est donc une contestation pécuniaire en matière de rapports de travail de droit public. Elle ne tombe pas sous le coup de l’exception de l’art. 83 let. g LTF. La valeur litigieuse dépasse le seuil de 15’000 fr. ouvrant la voie du recours en matière de droit public en ce domaine.
La jurisprudence concernant la recevabilité du recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF, notamment art. 89 al. 1 LTF) admet que la collectivité publique, en tant qu’employeur, n’agit certes pas au même titre qu’un particulier dans une contestation découlant de rapports de travail régis par le droit public, mais qu’elle a néanmoins un intérêt spécifique digne de protection à l’annulation ou à la modification d’une décision d’un tribunal favorable à son agent; la collectivité publique se trouve en effet dans une situation juridique analogue à celle d’un employeur privé parce que les prestations pécuniaires qu’elle conteste devoir fournir (notamment un salaire ou une indemnité pour licenciement abusif) pourraient être dues par tout employeur dans une situation comparable.
Sauf dans les cas cités expressément à l’art. 95 LTF, le recours ne peut pas être formé pour violation du droit cantonal ou communal en tant que tel. En revanche, il est toujours possible de faire valoir que la mauvaise application de ce droit constitue une violation du droit fédéral, en particulier, qu’elle est arbitraire au sens de l’art. 9 Cst. ou contraire à d’autres droits constitutionnels. L’application du droit fédéral à titre de droit cantonal ou communal supplétif est aussi uniquement examinée par le Tribunal fédéral sous l’angle d’une violation de l’interdiction constitutionnelle de l’arbitraire. Appelé à revoir l’application ou l’interprétation d’une norme cantonale ou communale sous l’angle de l’arbitraire, le Tribunal fédéral ne s’écarte de la solution retenue par l’autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motif objectif et en violation d’un droit certain. En revanche, si l’application de la loi défendue par l’autorité cantonale n’est pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution éventuellement plus judicieuse paraît possible. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat.
Dans le cadre d’un contrat de travail au sens des art. 319 ss CO, le salaire relève en principe de la liberté contractuelle, en ce sens que le salaire convenu fait foi. L’art. 342 al. 1 let. a CO réserve les dispositions de la Confédération, des cantons et des communes concernant les rapports de travail de droit public.
En vertu de l’art. 4 al. 1 ch. 9 de la loi vaudoise sur les communes du 28 février 1956 (LC; BLV 175.11), le conseil général ou communal délibère notamment sur le statut des fonctionnaires communaux et la base de leur rémunération. Dans les associations de communes, c’est le conseil intercommunal qui joue le rôle du conseil général ou communal (art. 119 al. 1 LC). On peut déduire de ces dispositions que les communes et les associations de communes vaudoises disposent de l’autonomie de soumettre l’activité de leurs agents à un rapport de service relevant du droit public ou du droit privé.
Même si l’État soumet le statut de son personnel au droit privé, sa liberté contractuelle est limitée en ce sens qu’il doit respecter les principes constitutionnels généraux applicables aux activités étatiques, soit notamment le principe de la légalité et celui de la bonne foi.
En l’espèce, la cour cantonale a exposé que le contrat signé entre les parties le 14 novembre 2014, pour une entrée en fonction de l’intimée au 1er janvier 2015, était un contrat de droit administratif et qu’en vertu de l’art. 52 du Statut, les dispositions du CO sur le contrat de travail étaient applicables à titre de droit supplétif, dès lors que le Statut ne l’excluait pas.
La recourante en tant qu’autorité, qui avait soumis le statut de son personnel au droit privé, était limitée dans sa liberté contractuelle en ce sens qu’elle devait respecter les principes constitutionnels généraux applicables aux activités étatiques, en particulier les principes de la légalité et de la bonne foi. La cour cantonale a souligné qu’il importait peu que le tableau de classification de l’activité, dont le Statut déléguait la compétence au Comité Directeur par le biais du Règlement, n’ait pas le rang de règle légale impérative; il s’agissait là d’une norme réglementaire à laquelle la recourante devait se tenir, sans pouvoir y déroger valablement, ce qu’elle avait pourtant fait dans le cadre du contrat litigieux.
Les juges cantonaux ont ensuite exposé que pour déroger au minimum de la classe salariale C11 pour les assistants sociaux prévu par le Règlement, la recourante, respectivement le Comité Directeur, aurait dû prévoir une réserve dans le Règlement ou dans le Statut. Or, au 1er janvier 2015, une telle réserve faisait défaut; elle n’avait été expressément incluse par la recourante que dans le cadre de la révision du Règlement le 14 mars 2016; à défaut de base légale ou réglementaire, le contenu du contrat était dès lors à lui seul insuffisant pour permettre une dérogation. Par conséquent, c’était à juste titre que les premiers juges avaient retenu que la recourante était liée, dans le cas de l’intimée, par le Règlement dans sa version au 1er janvier 2015, qui ne prévoyait pas de clause dérogatoire relative au minimum de la classe de salaire C11 pour les assistants sociaux, et que le salaire qui était effectivement dû à l’intimée était celui fixé sur la base de la classe C11.
En ce qui concerne le raisonnement de la cour cantonale sur le fond, le contrat signé le 14 novembre 2014 par les parties, qui est un contrat de droit administratif régi par le Statut de l’ARAS et par son Règlement, relève du droit public et non du droit privé.
Cela étant, la recourante ne démontre pas en quoi l’arrêt attaqué violerait le droit fédéral dans son résultat. En ce qui concerne l’état de fait retenu par l’autorité cantonale, elle mélange des griefs dirigés contre l’établissement des faits à d’autres dirigés contre l’appréciation juridique des faits retenus et n’expose pas, d’une manière qui satisfasse aux exigences, en quoi les juges cantonaux auraient établi les faits pertinents en appréciant les preuves de manière manifestement insoutenable. Elle se borne en effet à opposer de manière confuse sa version du dossier à l’état de fait retenu par l’autorité précédente, notamment lorsqu’elle affirme « qu’en 2014, il n’existait aucune règle qui aurait imposé à la recourante de classer l’intimée dans une classe plutôt que dans une autre » et que « rien n’interdisait en soi, vu la liberté salariale rappelée par la cour cantonale, de convenir avec l’intimée n’importe quel salaire figurant dans la grille des salaires en vigueur à l’époque ». Cette façon de procéder est purement appellatoire, puisque la recourante se contente de substituer son raisonnement à celui de l’autorité cantonale sans aucunement démontrer en quoi celui-ci serait arbitraire dans son résultat.
Il s’ensuit que le recours se révèle mal fondé et doit être rejeté.
(Arrêt du Tribunal fédéral 8C_709/2021 du 2 mai 2022)
Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM, CAS, Genève et Onnens (VD)