L’art. 337 al. 1 CO consacre le droit de résilier sans délai pour de justes motifs. D’après l’art. 337 al. 2 CO, on considère notamment comme de justes motifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d’exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail. Mesure exceptionnelle, la résiliation immédiate pour justes motifs doit être admise de manière restrictive.
D’après la jurisprudence, les faits invoqués par la partie qui résilie doivent avoir en effet entraîné la perte du rapport de confiance qui constitue le fondement du contrat de travail. Seul un manquement particulièrement grave justifie le licenciement immédiat du travailleur ou l’abandon abrupt du poste par ce dernier. En cas de manquement moins grave, celui-ci ne peut entraîner une résiliation immédiate que s’il a été répété malgré un avertissement. Par manquement de l’une des parties, on entend en règle générale la violation d’une obligation imposée par le contrat mais d’autres faits peuvent aussi justifier une résiliation immédiate.
Le juge apprécie librement, au regard des principes du droit et de l’équité déterminants selon l’art. 4 CC, si le congé abrupt répond à de justes motifs (art. 337 al. 3 CO). A cette fin, il prend en considération tous les éléments du cas particulier, notamment la position du travailleur, la nature et la durée des rapports contractuels, et la nature et l’importance des manquements.
En cas de résiliation immédiate et injustifiée du contrat, le travailleur peut réclamer ce qu’il aurait gagné si les rapports de travail avaient pris fin à l’expiration du délai de congé (art. 337c al. 1 CO); le juge peut en outre lui allouer une indemnité dont il fixe librement le montant, en tenant compte de toutes les circonstances mais sans excéder six mois de salaire (art. 337c al. 3 CO).
Dans le cas d’espèce,
un chauffeur transportait près de vingt élèves âgés de quatorze à quinze ans. A un arrêt, il a quitté le véhicule et ses passagers, laissant le moteur en marche et les portes ouvertes, pour aller faire un achat personnel au magasin situé de l’autre côté de la rue. Son absence a duré entre cinq et dix minutes.
Un passager ou un tiers présent sur les lieux aurait aisément pu accéder à la place du conducteur et mettre le véhicule en mouvement.
Le Tribunal fédéral écrit que chacun sait que des adolescents en groupe, livrés à eux-mêmes et confrontés à une situation insolite, peuvent être enclins à agir de manière dangereuse ou nuisible; en l’occurrence, alors même qu’il ne s’est heureusement pas réalisé, le risque d’un geste irréfléchi et dommageable était particulièrement aigu.
Le chauffeur a adopté un comportement contraire aux règles de la circulation routière, et surtout très gravement imprudent dans les circonstances concrètes de l’événement. L’entreprise de l’employeur se consacre au transport collectif des personnes; compte tenu de la responsabilité qu’elle assume envers ses passagers et le public en général, elle ne saurait raisonnablement tolérer de pareilles inconvenances de la part de ses conducteurs. Le licenciement immédiat est donc tout à fait justifié.
(ATF 4A_137/2014)
Me Philippe Ehrenström, avocat, ll.m., Genève et Yverdon