Par le contrat individuel de travail, le travailleur s’engage, pour une durée déterminée ou indéterminée, à travailler au service de l’employeur et celui-ci à payer un salaire fixé d’après le temps ou le travail fourni (art. 319 al. 1 CO).
Le travailleur se place dans un rapport de subordination envers l’employeur; cet élément est caractéristique du contrat de travail et il le distingue des autres contrats de prestation de services. Le travailleur est placé dans la dépendance de l’employeur sous l’angle personnel, fonctionnel, temporel, et dans une certaine mesure économique. Le travailleur est assujetti à la surveillance, aux ordres et instructions de l’employeur; il est intégré dans l’organisation de travail d’autrui et y reçoit une place déterminée.
Le critère de la subordination doit toutefois être relativisé en ce qui concerne les personnes exerçant des professions typiquement libérales ou ayant des fonctions dirigeantes. L’indépendance de l’employé est alors beaucoup plus grande et la subordination est alors essentiellement organisationnelle. Dans un tel cas, plaident notamment en faveur du contrat de travail la rémunération fixe ou périodique, la mise à disposition d’une place de travail et des outils de travail, ainsi que la prise en charge par l’employeur du risque de l’entreprise; le travailleur renonce à participer au marché comme entrepreneur assumant le risque économique et abandonne à un tiers l’exploitation de sa prestation, en contrepartie d’un revenu assuré. D’autres indices peuvent également militer en faveur du contrat de travail : il s’agit du prélèvement de cotisations sociales sur la rémunération due ou la qualification d’activité lucrative dépendante par les autorités fiscales ou les assurances sociales.
En l’espèce, l’appelante a engagé l’intimé par contrat du 6 décembre 2010 en vue d’exercer une activité de gérant de fortune à partir du 13 décembre suivant, moyennant une rémunération annuelle de 150’000 fr. Concrètement, selon ledit contrat ainsi que les explications données par l’appelante et E______ en première instance, l’intimé a travaillé avec ce dernier dans le nouveau département de gestion de la société, créé en 2010. Son activité consistait dans le développement d’une clientèle du Moyen-Orient et de l’Afrique ainsi que sa gestion. L’intimé était à cet égard déjà supposé, par l’intermédiaire de sa société D______, gérer des avoirs de 50’000’000 fr., correspondant au volume d’affaires qu’il a indiqué pouvoir apporter au plus tard dans un délai de trois mois à partir de son engagement.
L’intimé s’est expressément engagé à l’égard de l’appelante à ne plus mener d’activité pour le compte de sa société, de lui transférer les clients de cette dernière ainsi que toutes les commissions générées par la gestion de leurs avoirs. L’appelante n’a par contre pas présenté ses propres clients à l’intimé.
Enfin, il résulte en particulier des déclarations de E______ que l’intimé a effectivement travaillé dans les locaux de l’appelante à Genève jusqu’au mois de juillet 2011.
L’intimé a donc mené une activité de gestionnaire au service de l’appelante du 13 décembre 2010 au 31 juillet 2011, à Genève. Il bénéficiait certes d’une autonomie complète dans la mesure où il continuait à gérer librement ses propres clients, soit à la base ceux de D______, ajoutés à ceux qu’il aurait démarchés par la suite. Seule l’appelante devait cependant bénéficier des profits d’une telle gestion ainsi qu’en assumer les risques, moyennant quoi l’intimé a perçu un salaire fixe, obtenu le remboursement de ses frais et bénéficié de l’infrastructure de son employeur. Les parties étaient dès lors liées par un contrat de travail en dépit de l’absence d’un lien de subordination fonctionnel entre elles.
(CAPH/128/2014, consid. 2)