Le contrat de stage appartient à la catégorie des contrats assortis d’un élément de formation, comme le contrat d’apprentissage ou le contrat d’enseignement. De telles relations sont parfois réglementées (apprentissage, stage d’avocat, etc.), mais le plus souvent elles ne font l’objet d’aucune disposition spécifique, alors qu’il se conclut régulièrement et abondamment de telles conventions dans le cadre de rapports de droit public ou de droit privé.
A première analyse, le contrat de stage s’analyse comme l’exercice d’une activité pendant une certaine durée, par le stagiaire, pour le compte d’un maître de stage, sans rémunération ou avec une faible rémunération, mais à des fins de formation, le maître de stage s’engageant en effet à former le stagiaire dans une mesure à définir. Ne sont pas donc couverts par cette définition les stages dits « d’orientation » de faible durée, qui permettent un premier rapport avec le monde du travail ou avec une activité donnée.
La qualification du contrat de stage comme un contrat de travail au sens des art. 319 et ss CO pose problème, en raison de la faiblesse ou de l’inexistence de la rémunération. En effet, le salaire est un élément caractéristique du contrat de travail. Cela étant dit, les prestations de formation peuvent constituer une « rémunération », et il ne conviendrait pas de traiter des contrats similaires selon que le stagiaire serait ou non rémunéré, et selon quel degré (cf. Zoé SEILER, Réflexions libres sur le contrat de stage, in Liber Amicorum Gabriel Aubert, Genève-Zurich, 2015, pp. 300 et ss.) A cela s’ajoute, aussi, que le stagiaire doit pouvoir bénéficier des mesures protectrices du droit du travail, par exemple en cas de mobbing ou de harcèlement sexuel. L’analogie avec le contrat d’apprentissage, qui est un contrat de travail spécial, doit aussi mener à la même conclusion.
Les dispositions des art. 319 et ss CO régissant le contrat de travail s’appliquent dès lors au contrat de stage, au moins par analogie.
Dans les faits, cette qualification aura surtout de l’importance pour ce qui est de la protection de la personnalité du stagiaire (art. 328 CO), de la réparation du dommage causé par celui-ci (art. 321e CO), de l’émission d’un certificat de stage, de la couverture accident et AVS, de la durée déterminée ou indéterminée du contrat et de la reprise de la période de stage pour les différents délais de droit du travail (congé, temps d’essai, etc.)
Me Philippe Ehrenström, avocat, ll.m., Genève et Yverdon
Maître,
Merci pour vos nombreux articles que je lis avec grand intérêt pour la clarté de vos exposés. J’espérais beaucoup trouver parmi vos contributions un éclaircissement sur la qualification juridique des contrats de travail à l’essai appelés également: une embauche à l’essai, un test de pré-embauche ou Probearbeit. Plus précisément, il s’agit d’un cas où l’entreprise, en pleine procédure de recrutement et dans le but de sélectionner le candidat adéquat pour un poste à pourvoir, propose au candidat potentiel d’effectuer du travail pendant une durée déterminée afin d’évaluer les capacités de ce dernier (contrat rémunéré, non rémunéré, assurances sociales, contrat de travail, computation dans la période d’essai, transformation en contrat de travail,etc …?)
Ce sujet, peut traité par la doctrine et nos tribunaux, est d’actualité dans le sens que de plus en plus d’employeurs recourent à ce procédé avant de signer un contrat de travail au sens de l’art. 319 ss CO. Il constitue ainsi l’objet de ma humble requête que je me permets de vous soumettre.
Dans l’espoir de pouvoir lire prochainement des éclaircissements de votre plume sur ce sujet peu défini à nos jours, je vous adresse, Maître, mes sentiments respectueueux.
Margot Menoud
(juriste)
Chère Madame,
Merci d’abord de votre intéressante question.
Les relations que vous évoquez sont en effet très problématiques à plusieurs titres : droit au salaire, assurances, protection de la personnalité, etc.
Elles n’ont pourtant pas été très souvent abordées dans la doctrine ou la jurisprudence, en raison, sans doute, de la modestie des enjeux pécuniaires qu’elles représentent. Les cas qui me viennent à l’esprit sont d’ailleurs plutôt en rapport avec des questions d’assurance.
Vous répondre de manière exhaustive dépasserait donc de très loin mes forces, et le format de ce site. Il s’agit presque d’un sujet de thèse !
Disons toutefois, de manière très superficielle, que je soutiendrais autant que possible l’application directe ou par analogie des dispositions du contrat de travail à ces situations, sur le modèle de ce qui se fait déjà pour les contrats de formation.
En effet, les éléments essentiels du contrat de travail me semblent présents, à l’exception de la rémunération le plus souvent, mais les contrats de formation nous montrent que cet élément, supposé constitutif du contrat, peut être relativisé.
Cela dit, j’ai conscience de la légèreté de ma réponse.
J’espère donc qu’un jour, quelqu’un, quelque part, rédigera quelque chose de plus exhaustif ou de plus costaud sur la question. Cela devrait intéresser en tout cas les associations patronales, dans la mesure où, comme vous le relevez très justement, la pratique de ces « relations » semble en augmentation constante.
Recevez, chère Madame, mes salutations distinguées
Me Philippe Ehrenström