Selon l’art. 99 du statut du personnel de la Commune de X., toute personne qui, de façon objective, dans le cadre du travail, notamment adopte un comportement illicite ou contraire au statut est passible d’un avertissement notifié par le chef de service ou le secrétaire général (al. 1). L’avertissement est prononcé et notifié par lettre motivée après que le membre du personnel intéressé a été entendu par le chef de service ou le secrétaire général. Cette audition est orale, sauf si le chef de service ou le secrétaire général opte pour une audition écrite si les circonstances le rendent nécessaire. En cas d’audition orale, le membre du personnel intéressé peut demander à être accompagné par un membre de la commission du personnel (al. 2). L’avertissement peut faire l’objet d’un recours interne auprès du conseil administratif dans un délai de trente jours à compter de sa notification, un éventuel recours auprès de la chambre administrative demeurant réservé (al. 3).
Aux termes de l’art. 179ter du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP – RS 311.0), celui qui, sans le consentement des autres interlocuteurs, aura enregistré sur un porteur de son une conversation non publique à laquelle il prenait part et celui qui aura conservé un enregistrement qu’il savait ou devait présumer avoir été réalisé au moyen d’une infraction, en aura tiré profit ou l’aura rendu accessible à un tiers sera, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire.
Toutefois, quiconque ne sait ni ne peut savoir au moment d’agir que son comportement est illicite n’agit pas de manière coupable (art. 21 CP). Par ailleurs, quiconque commet un acte punissable pour préserver d’un danger imminent et impossible à détourner autrement un bien juridique lui appartenant ou appartenant à un tiers agit de manière licite s’il sauvegarde ainsi des intérêts prépondérants (art. 17 CP).
En l’espèce, il ressort du dossier que la recourante, patrouilleuse scolaire engagée en 2011 par la commune, a procédé à l’enregistrement de sa supérieure hiérarchique au moyen de son téléphone portable lors de l’entretien d’évaluation du 2 septembre 2016, ce qu’elle n’a du reste jamais contesté.
La recourante soutient que ses agissements ne pouvaient donner lieu à un avertissement, en l’absence d’acte illicite ou de comportement contraire aux devoirs du personnel.
La recourante se réfère en particulier au contexte dans lequel l’entretien d’évaluation a eu lieu et des atteintes à la personnalité dont elle faisait l’objet de la part de sa supérieure hiérarchique depuis plusieurs mois. Elle perd toutefois de vue que le rapport d’enquête externe du […] a précisément nié l’existence d’une situation de harcèlement psychologique et d’atteinte à sa personnalité du fait de sa cheffe, indiquant que les tensions ou les différends qui étaient apparus entre les deux femmes résultaient plutôt d’une déception, voire de l’incompréhension ou d’un malentendu de la première dans sa perception du manque de soutien de la seconde pour l’obtention du poste convoité. Aucun des témoins entendus durant l’enquête n’a d’ailleurs relevé l’existence d’une situation telle qu’alléguée par la recourante, relevant certes certains traits de la personnalité de la supérieure hiérarchique, mais non spécifiquement dirigés contre l’intéressée. Par ailleurs, les déclarations de la recourante se sont également révélées contradictoires à ce propos, dans la mesure où, tout en indiquant avoir fait l’objet de pressions de la part de sa cheffe depuis plusieurs mois, elle a expliqué qu’après ses vacances, elle n’appréhendait pas de se retrouver seule avec celle-ci lors de son entretien d’évaluation.
La recourante ne peut pas non plus être suivie lorsqu’elle allègue une réaction soudainement inappropriée de sa supérieure lors de l’entretien, à laquelle elle ne s’attendait pas, ce qui justifiait selon elle le recours aux enregistrements litigieux, alors même qu’elle n’a cessé d’affirmer avoir été harcelée psychologiquement par sa cheffe depuis le printemps 2016. La recourante n’était en particulier pas sans ignorer les traits de la personnalité de sa supérieure, ce d’autant qu’elle travaillait à ses côtés depuis son engagement par la commune et qu’elle avait tissé des liens d’amitié avec elle, comme elle l’a expliqué. À cela s’ajoute que durant l’entretien, aucun bruit ni éclat de voix n’a été perçu par la secrétaire présente sur les lieux, qui a précisé que le bâtiment était mal isolé, ce qu’a confirmé Mme B______, et qu’à la fin de l’entretien, la recourante était comme à son habitude, allant même jusqu’à partager un café avec sa cheffe.
La recourante prétend n’avoir pas eu d’autre moyen à disposition que de procéder aux enregistrements de sa supérieure en vue de prouver ses allégués. Outre le fait qu’une telle manière de procéder, au regard des éléments précités et des explications peu crédibles qu’elle a fournies quant à la découverte de l’application correspondante sur son téléphone portable et aux manipulations effectuées alors que sa supérieure hiérarchique était assise à ses côtés, n’a pu être que préméditée, elle n’apparaît pas davantage admissible de ce point de vue. En tant que membre de la commission du personnel, elle n’était pas sans ignorer les moyens à disposition du personnel lors des entretiens d’évaluation. Ainsi, avant de procéder comme elle l’a fait, il lui appartenait d’évoquer ses craintes avec un membre de la commission ou sa hiérarchie. Elle disposait également de la faculté de se faire accompagner à l’entretien d’évaluation, ou du moins d’interrompre celui-ci si elle estimait que les événements tournaient à son désavantage pour solliciter la présence d’un tiers ou faire part de la situation au chef de service, présent dans les locaux le jour en question.
Dans ces circonstances, l’enregistrement de l’entretien d’évaluation était bien illicite, la recourante n’ayant apporté aucun élément libératoire.
Le comportement de la recourante apparaît également contraire aux devoirs du personnel, tels que résultant du statut. La recourante a, en particulier, fait fi des procédures statutaires applicables en matière d’entretiens d’évaluation, lesquelles offrent différents moyens aux membres du personnel en vue de faire respecter leurs droits s’ils estiment que ceux-ci sont lésés, étant précisé que la légalité d’enregistrements cachés apparaît plus que douteuse.
De plus, outre les déclarations contradictoires susmentionnées qu’elle a tenues, le récit de la recourante a également varié s’agissant des enregistrements eux-mêmes, puisqu’elle a tantôt indiqué qu’il s’agissait d’extraits d’enregistrements plus longs, tantôt de plusieurs enregistrements courts, dont le nombre a également subi des modifications au fil de ses déclarations. À ces éléments s’ajoute encore le récit peu crédible de la découverte des enregistrements et de leur destruction alléguée. Elle n’apparaît ainsi pas avoir présenté les faits de manière objective, ce qui ne pouvait que conduire à mettre à mal le lien de confiance l’unissant à son employeur.
Face à de tels manquements, la commune ne pouvait que prononcer une sanction à l’encontre de la recourante, ce qu’elle a fait en lui infligeant un avertissement, soit la sanction la plus clémente selon le statut. Il ne saurait dès lors lui être reproché de ne pas avoir respecté le principe de proportionnalité.
Il s’ensuit que le recours sera rejeté.
(ATA/181/2018)
Me Philippe Ehrenström, LL.M., avocat, Genève et Yverdon