
Le litige porte sur la question de savoir si l’indemnité nette de 25’000 fr. que la recourante a perçue de son ancien employeur à la suite de la procédure qu’elle a engagée contre lui est imposable ou non.
En droit fédéral comme en droit cantonal, l’impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu’ils soient uniques ou périodiques (art. 16 al. 1 LIFD; art. 7 al. 1 LHID; art. 19 al. 1 LI). Sont imposables tous les revenus provenant d’une activité exercée dans le cadre d’un rapport de travail, qu’elle soit régie par le droit privé ou par le droit public, y compris les revenus accessoires, tels que les indemnités pour prestations spéciales, les commissions, les allocations, les primes pour ancienneté de service, les gratifications, les pourboires, les tantièmes, les avantages appréciables en argent dérivant de participations de collaborateurs et les autres avantages appréciables en argent (art. 17 al. 1 LIFD; art. 7 al. 1 LHID; art. 20 al. 1 LI). Sont également imposables les indemnités obtenues lors de la cessation d’une activité ou de la renonciation à l’exercice de celle-ci (art. 23 let. c LIFD; art. 27 al. 1 let. c LI).
Sont en revanche exonérés de l’impôt les versements à titre de réparation du tort moral (art. 24 let. g LIFD; art. 7 al. 4 let. i LHID; art. 28 let. h LI). Selon la doctrine, les indemnités de l’employeur versées à la suite d’un congé abusif (art. 336a CO) ou d’un congé injustifié (art. 337c CO) entrent dans cette catégorie et ne sont donc pas imposables […]. Si le Tribunal fédéral n’a jamais eu l’occasion de se prononcer sur cette question, plusieurs tribunaux cantonaux, en particulier genevois (cf. arrêt de la Cour de justice du 27 mai 2014, ATA/394/2014, consid. 11, qui s’appuie sur l’ATF 123 V 5, dans lequel l’ex-Tribunal fédéral des assurances sociales a jugé que les indemnités des art. 336a et 337c CO sont soustraites du salaire déterminant au sens de l’AVS) et soleurois (cf. StE 2014 B 21.1 N. 25), ont statué dans ce sens. Dans l’arrêt FI.2011.0060 du 30 janvier 2013, la cour de céans est partie également de ce constat (consid. 3c).
En l’espèce, l’autorité intimée ne conteste pas que les indemnités pour licenciement abusif entrent dans la catégorie des « versements à titre de réparation du tort moral » au sens des art. 24 let. g LIFD et 28 let. h LI. Elle considère en revanche que les pièces produites par la recourante, en particulier le texte de la transaction passée lors de l’audience de conciliation du 15 août 2017, ne permettent pas de retenir que le montant de 25’000 fr. qu’elle a reçu de son ancien employeur aurait été versé à ce titre. Pour elle, il s’agirait d’une indemnité obtenue lors de la cessation d’une activité au sens des art. 23 let. c LIFD et 27 let. c LI, et par conséquent imposable, ce que la recourante conteste.
Pour qualifier ou interpréter un contrat, il y a lieu de rechercher la réelle et commune intention des parties, sans s’arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (cf. art. 18 al. 1 CO). Il incombe ainsi au juge d’établir, dans un premier temps, la volonté réelle des parties, le cas échéant empiriquement, sur la base d’indices, en prenant en compte non seulement la teneur des déclarations de volonté, mais également les circonstances antérieures, concomitantes et postérieures à la conclusion du contrat. S’il ne parvient pas à déterminer cette volonté réelle, ou s’il constate qu’une partie n’a pas compris la volonté réelle manifestée par l’autre, le juge recherchera quel sens les parties pouvaient et devaient donner, selon les règles de la bonne foi, à leurs manifestations de volonté réciproques (application du principe de la confiance). Il n’y a cependant pas lieu de s’écarter du sens littéral lorsqu’il n’y a pas de raisons sérieuses de penser qu’il ne correspond pas à la volonté des parties. Lorsqu’elle est établie, la réelle et commune intention des parties ne laisse plus de place à l’interprétation selon le principe de la confiance.
Dans le cas particulier, la transaction passée entre la recourante et son ancien employeur ne précise pas le fondement de l’indemnité de 25’000 fr. net convenue. Il faut donc examiner si des éléments, autres que le texte même de la transaction, permettent de le déterminer.
Il ressort à cet égard des pièces du dossier que la recourante a contesté le licenciement dont elle avait fait l’objet dans le cadre de la procédure introduite à l’encontre de son ancien employeur. Elle s’est plainte en substance du fait que les reproches formulés à son encontre étaient infondés, qu’elle n’avait jamais eu la possibilité de se défendre ou de faire valoir son droit d’être entendue et qu’aucune enquête interne n’avait été menée; elle a exposé également avoir souffert d’un épisode dépressif sévère et avoir été contrainte de suivre un traitement. Considérant pour ces motifs son licenciement comme abusif au sens des art. 336 ss CO, elle a conclu au paiement d’une indemnité nette de 30’000 fr. à ce titre, montant correspondant à un peu moins de cinq mois de salaire pour rester dans les limites de compétence de la juridiction prud’homale. Il s’agissait de sa seule conclusion. Elle n’a fait valoir aucune autre prétention.
Comme souvent à ce stade de la procédure, B.________ ne s’est pas déterminée par écrit sur les prétentions de la recourante avant l’audience de conciliation. Il n’en demeure pas moins qu’elle a accepté à cette occasion, à titre de compromis, de s’acquitter d’une indemnité nette de 25’000 fr., montant correspondant à plus de 80% du montant réclamé et à un peu moins de quatre mois de salaire. Cet engagement a par ailleurs été fait sans réserve. Bien qu’assistée par un avocat, B.________ n’a en effet pas précisé que le montant convenu était versé « sans reconnaissance de responsabilité », « à bien plaire » ou « par gain de paix », formules utilisées en pratique, lorsque l’employeur estime n’avoir rien à se reprocher. Au regard de l’ensemble de ces éléments, il convient d’admettre qu’elle a reconnu par l’accord passé le caractère abusif du licenciement litigieux et que l’indemnité versée représente une indemnité pour congé abusif au sens de l’art. 336a CO.
Certes, comme l’autorité intimée le relève, selon l’art. 201 al. 1 CPC, la transaction peut porter sur des questions litigieuses qui ne sont pas comprises dans l’objet du litige, délimité en l’occurrence par la seule requête de conciliation, dans la mesure où cela contribue à sa résolution. Aucun élément ne permet toutefois dans le cas d’espèce de retenir que le montant de 25’000 fr. convenu aurait un autre fondement que l’art. 336a CO. En particulier, la transaction ne fait pas état d’autres ou de plusieurs « questions litigieuses ». De plus, le montant versé n’a pas été soumis à des charges sociales. En outre, il reste dans la fourchette prévue par l’art. 336a al. 2 CO, qui prévoit que l’indemnité ne peut dépasser le montant correspondant à six mois de salaire, et est conforme aux usages en matière d’allocation d’indemnités pour licenciement abusif compte tenu notamment de la longue durée des rapports de travail (seize ans) et des conséquences sur la santé psychique de l’intéressée.
On relèvera encore que, contrairement à ce que l’autorité intimée laisse entendre dans ses écritures, l’absence de jugement entré en force constatant un congé abusif (art. 336 et 336a CO) ou un licenciement immédiat injustifié (art. 337 et 337c CO) n’exclut pas par principe l’application des art. 24 let. g LIFD et 28 let. h LI. Le bénéfice de l’exonération vaut en effet également, si, comme en l’occurrence, des éléments suffisamment probants permettent d’établir que des versements prévus par transactions – qu’elles soient judiciaires ou extrajudiciaires – constituent des indemnités dues à ce titre.
En conséquence, c’est à tort que l’autorité intimée a imposé le montant de 25’000 fr. que la recourante a reçu de son ancien employeur sur la base de la transaction du 15 août 2017.
(Arrêt de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois GE.2021.0194 du 9 novembre 2021 ; recours au Tribunal fédéral pendant (cause 2C_546/2021))
Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM, CAS, Genève et Onnens (VD)