L’employeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs (art. 337 al. 1 1ère phrase CO). Doivent notamment être considérées comme de justes motifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d’exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail (art. 337 al. 2 CO).
Selon la jurisprudence, la résiliation immédiate pour justes motifs doit être admise de manière restrictive. Les faits invoqués à l’appui d’un renvoi immédiat doivent avoir entraîné la perte du rapport de confiance qui constitue le fondement du contrat de travail. Seul un manquement particulièrement grave du travailleur justifie son licenciement immédiat; si le manquement est moins grave, il ne peut entraîner une résiliation immédiate que s’il a été répété malgré un avertissement. Par manquement du travailleur, on entend en règle générale la violation d’une obligation découlant du contrat de travail, mais d’autres incidents peuvent aussi justifier une résiliation immédiate (ATF 130 III 28 consid. 4.1 et les arrêts cités).
En particulier, un manquement au devoir de fidélité du travailleur peut constituer un juste motif de congé. En vertu de l’art. 321a al. 1 CO, le travailleur doit sauvegarder fidèlement les intérêts légitimes de son employeur : il doit s’abstenir d’entreprendre tout ce qui pourrait lui nuire économiquement (ATF 117 II 560 consid. 3a p. 561).
Le juge apprécie librement s’il existe de justes motifs (art. 337 al. 3 CO). Il applique les règles du droit et de l’équité (art. 4 CC). A cet effet, il prendra en considération tous les éléments du cas particulier, notamment la position et la responsabilité du travailleur, le type et la durée des rapports contractuels, ainsi que la nature et l’importance des manquements (ATF 130 III 28 précité).
Il incombe à la partie qui a résilié le contrat de travail avec effet immédiat d’établir l’existence des conditions de celle-ci (justes motifs, avertissement, etc.) (arrêt du Tribunal fédéral 4A_37/2010 du 13 avril 2010 consid. 4.1; Gloor, Commentaire du contrat de travail, 2013, n. 71 ad art. 337).
Il est possible, sous certaines conditions restrictives, de se prévaloir après coup d’une circonstance qui existait déjà au moment de la déclaration de licenciement abrupt, mais que l’auteur de celle-ci ne connaissait pas et ne pouvait pas connaître (ATF 121 III 467 consid. 5a).
En l’espèce, il est établi que l’appelante (= l’employeur) a licencié l’intimé ( = l’employé) avec effet immédiat pour « faute professionnelle grave », sans plus de détails. Dans une note rédigée environ trois semaines plus tard, l’appelante a évoqué deux fautes professionnelles, à savoir l’une lors de l’analyse de ______, l’autre dans la validation biologique de celle-ci, auxquelles s’ajoutait encore la tentative de dissimuler son erreur en corrigeant le résultat dans le système informatique et de se justifier par des explications qualifiées d’insoutenables scientifiquement. Ces circonstances avaient conduit à la rupture du rapport de confiance.
L’appelante a ultérieurement complété ses raisons de se séparer de son collaborateur, en relevant que celui-ci avait encore commis des erreurs découvertes après son licenciement.
Elle a aussi allégué que son employé avait commis de nombreux manquements (rédaction insuffisante du manuel-qualité, erreurs dans les procédures, absence de double-validation) suivis de remarques, qui avaient ébranlé sa confiance dans les capacités de celui-ci.
Au sujet de ce dernier allégué, il apparaît d’emblée que l’appelante n’a pas fait de déclaration à ce sujet, bien qu’elle l’ait offerte en preuve.
Quant aux témoignages recueillis sur ce point, il est résulté de la déclaration E______ que l’intimé avait accompli un travail complet et satisfaisant s’agissant du manuel-qualité, et avait soumis à l’autorité compétente un dossier administratif complet et conforme. Le témoin G______ a relevé qu’elle avait des doutes concernant les compétences de l’intimé à la paillasse (i. e le travail technique du laborantin), sans autre détail. Selon le témoin F______, l’intimé se familiarisait avec ses techniques, avait de la peine à faire plusieurs choses à la fois et manquait de pratique; il n’avait pas commis d’erreur dans les quelques analyses qu’il avait effectué seul.
Au vu de ce qui précède, il convient de retenir que l’employeur n’a pas démontré qu’il aurait détecté un manquement de l’intimé, encore moins qu’il lui aurait adressé une remarque à ce propos, et par conséquent que sa confiance aurait été ébranlée avant le 17 juillet 2013.
S’agissant de l’événement survenu à cette date, il est constant que la mention « positif » a été portée dans le système informatique en regard d’une analyse dont le résultat était négatif, information qui a été immédiatement accessible au médecin prescripteur. Il n’a pas été établi que l’analyse elle-même aurait été erronée, l’intimé admettant en revanche la possibilité qu’il ait commis une erreur dans la retranscription du résultat. Cette mention erronée a été corrigée le lendemain, ce que le médecin-prescripteur a pu voir au travers du système informatique comme l’a exposé le témoin H______.
Il est indéniable qu’il incombe à un laboratoire d’analyse de procéder à des examens minutieux et exacts, de même que d’effectuer une communication conforme à la réalité, compte tenu des enjeux parfois vitaux des traitements médicaux administrés sur la base de ces analyses. En ce sens, l’erreur commise, sous l’égide d’un responsable, au bénéfice d’une formation appropriée, est d’une gravité objective. Il s’est heureusement trouvé que le patient concerné n’a pas suivi de traitement inadéquat initié avant que l’erreur n’ait été réparée, de sorte qu’il n’y a pas eu de conséquences dommageables, sinon, cas échéant, pour la réputation du laboratoire auprès du médecin prescripteur.
Pour le surplus, il est également constant que l’intimé a seul procédé à l’analyse dans ce cas, et à la validation du résultat, alors qu’il était généralement prévu que deux personnes concourent à ces actions, notamment dans le but d’éviter des erreurs. Il n’a toutefois pas été établi qu’une deuxième intervention était impérative, ni au regard de prétendues instructions internes dont l’existence n’a pas été démontrée, ni au regard de normes légales ou usuelles, dont la violation aurait conduit à un retrait d’autorisation. En effet, il résulte du dossier que la double validation était certes prévue par les bonnes pratiques, en principe souhaitée y compris par l’intimé, mais qu’il arrivait qu’elle soit omise, ce qui était connu de l’employeur puisque tant l’intimé que D______, selon le témoin F______, communiquaient leur mot de passe au laborantin pour validation biologique par celui-ci sous leur nom. Par ailleurs, il n’est pas résulté du témoignage du représentant du service du pharmacien cantonal que l’intimé n’aurait pas agi en conformité avec ce qui était requis, ni que l’autorisation délivrée pour l’exploitation du laboratoire aurait été mise en péril en raison de la dénonciation de violations de règles administratives, voire pénales.
L’appelante n’a pas non plus démontré que l’intimé aurait fourni des explications insoutenables scientifiquement pour justifier, après coup, auprès de D______ son erreur pas plus qu’il aurait corrigé « subrepticement » la donnée inexacte dans le système informatique. La version présentée par l’intimé – reprenant ses résultats pour les compléter d’une culture effectuée durant la nuit – apparaît en effet convaincante. Cette correction était au demeurant visible, grâce au système informatique, directement par le médecin prescripteur, comme cela résulte du témoignage H______, de sorte qu’il n’était pas indispensable, même si cela eût sans doute été préférable, qu’une communication expresse soit faite à ce propos.
Ainsi, des différents motifs énoncés par l’appelante dans sa note comme éléments ayant provoqué la rupture de confiance, seule une possible erreur de saisie le ______ juillet 2013, corrigée dès le lendemain, et s’étant heureusement révélée sans conséquences, a été établie.
L’appelante a encore invoqué d’autres faits, qu’elle affirme n’avoir découverts qu’après le licenciement.
A cet égard, comme le rappelle la jurisprudence citée ci-dessus, la circonspection s’impose.
L’appelante n’a au demeurant pas allégué de raison qui l’aurait empêchée de détecter, au moment où elles auraient été commises, les supposées erreurs de l’intimé, dans ses analyses ______ ou de prises en compte de valeurs ______. Si le témoin J______, s’exprimant sur une question relevant davantage de l’expertise, a déclaré que, dans un cas, l’intimé aurait dû procéder à des investigations supplémentaires, il n’y a toutefois pas lieu de tenir pour établi que celui-ci aurait commis des violations des règles de l’art d’une gravité telle qu’un congé avec effet immédiat pour ce motif aurait été justifié. Il en va de même des chiffres de référence, dont, comme l’admet l’appelante elle-même, différents laboratoires utilisent des tests et des valeurs de références différentes.
Il s’ensuit qu’il a été établi que l’intimé, responsable de laboratoire, a commis, à une reprise, une erreur, objectivement non négligeable. Celle-ci, toutes circonstances pertinentes prises en considération, n’a toutefois pas revêtu un caractère si grave qu’elle imposait une rupture avec effet immédiat des rapports de travail.
C’est donc à raison que le Tribunal a retenu que le congé avec effet immédiat était dépourvu de justes motifs.
(CAPH/46/2016, consid. 2)
Appréciation : on peut quand même se demander si de tels manquements ne sont pas objectivement propres à mettre à néant le rapport de confiance, eu égard aux responsabilités assumées, à la position de l’employé et des répercussions possibles pour l’employeur. La CAPH en a jugé autrement.
Sur le licenciement immédiat:
Se former: Workshop Résiliation des rapports de travail – Maîtriser la fin des rapports de travail et étude de cas, Lausanne, 12 octobre 2016
Philippe Ehrenström, Le droit du travail suisse de A à Z, Zurich, 2015, pp. 124-127