Litiges en matière de droit du travail (VI) : suspension de la procédure en raison d’une procédure pénale parallèle ?

Il peut arriver, en pratique, qu’une procédure civile basée sur le contrat de travail se double d’une autre à caractère pénal. La situation classique est ici celle du licenciement avec effet immédiat pour des faits qui aussi mené l’employeur à déposer une plainte pénale.

La procédure civile doit-elle, dès lors, être suspendue jusqu’au terme de la procédure pénale (principe « le pénal tient le civile en l’état ») ?

A teneur de l’art. 126 al. 1 CPC, le tribunal, d’office ou sur requête, peut ordonner la suspension de la procédure si des motifs d’opportunité le commandent. La procédure peut notamment être suspendue lorsque la décision dépend du sort d’un autre procès. L’ordonnance de suspension peut faire l’objet d’un recours (art. 126 al. 2 CPC).

La suspension doit répondre à un véritable besoin et reposer sur des motifs objectifs : une pesée des intérêts doit donc être faite entre le principe de célérité du procès, d’une part, et les désagréments procéduraux qui découleraient de la poursuite en parallèle de deux procédures distincte d’autre part. Dans les cas limites, le principe de célérité doit l’emporter. (Patricia Dietschy, Les conflits de travail en procédure civile suisse, Bâle, 2011 N 534)

En cas de procédure pénale parallèle, il arrive que l’issue de celle-ci puisse avoir des répercussions sur le sort du procès civil, notamment lorsque l’instruction pénale est susceptible de faciliter la preuve de faits déterminants dans le cadre de la procédure civile. En pareille hypothèse, le juge devrait suspendre celle-ci jusqu’à droit connu au pénal. Lorsque le comportement du travailleur qui a fait l’objet de la plainte pénale constitue également un juste motif de congé immédiat, la procédure devrait être suspendue, en tout cas en cas de faits suffisamment graves pour justifier effectivement, seraient-ils avérés, un licenciement immédiat. (Dietschy, ibid., N 543) Dit autrement, il suffit, pour que la suspension s’impose, que l’on puisse attendre de l’issue de l’autre procédure qu’elle facilite de manière significative la procédure à suspendre (Jean-Luc Colombini, Code procédure civile. Condensé de la jurisprudence (…), Lausanne, 2018, ad. art. 126 CPC N 3.3)

Une décision de refus de suspendre la procédure peut faire objet d’un recours au sens de l’art. 319 let. b ch. 2 CPC, ce qui contraint le recourant à devoir démontrer l’existence d’un préjudice irréparable découlant du refus de suspendre, ce qui apparaît peu probable en pratique.

Me Philippe Ehrenström, LL.M., avocat, Genève et Yverdon-les-Bains

A propos Me Philippe Ehrenström

Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon.
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