
Le 24 juillet 2020, le Conseil d’État du canton de Genève a adopté un arrêté relatif aux mesures destinées à lutter contre l’épidémie de Covid-19, publié dans la FAO du 27 juillet 2020, qui comportait notamment les dispositions suivantes :
« Article 2 – Port obligatoire du masque
1 Les prestataires offrant des services impliquant un contact physique rapproché et prolongé avec la clientèle, tels que les salons de coiffure, les salons d’esthétique, les barbiers, etc., doivent porter un masque.
2 Le personnel de service dans les cafés, restaurants, bars, buvettes, dancings, discothèques et établissements assimilés, doit porter un masque.
3 Le port du masque dans les commerces est exigé de la clientèle ainsi que du personnel en contact avec cette dernière s’il ne peut pas être protégé par un dispositif vitré ou équivalent.
Article 4 – Contravention
Quiconque contrevient intentionnellement aux mesures ordonnées est puni de l’amende.
Le 14 août 2020, le Conseil d’État a adopté un nouvel arrêté relatif aux mesures destinées à lutter contre l’épidémie de Covid-19, publié dans la FAO du 17 août 2020 et entré en vigueur le lendemain. Abrogeant l’arrêté du 24 juillet 2020, il a repris, à son art. 8, l’obligation du port du masque facial dans les commerces par la clientèle. La durée de validité dudit arrêté, prolongeable au besoin, a été fixée au 30 septembre 2020, date à laquelle il a été prolongé jusqu’au 16 novembre 2020.
La recourante soutient que l’obligation du port du masque facial dans les magasins par les clients et le personnel de vente constituerait une restriction injustifiée à la liberté personnelle et à la liberté économique.
Droit constitutionnel garanti par l’art. 10 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. – RS 101), la liberté personnelle ne tend pas seulement à assurer le droit d’aller et venir, voire à protéger l’intégrité corporelle et psychique, mais elle garantit, de manière générale, toutes les libertés élémentaires dont l’exercice est indispensable à l’épanouissement de la personne humaine et que devrait posséder tout être humain, afin que la dignité humaine ne soit pas atteinte par le biais de mesures étatiques. Sa portée ne peut être définie de manière générale mais doit être déterminée de cas en cas, en tenant compte des buts de la liberté, de l’intensité de l’atteinte qui y est portée ainsi que de la personnalité de ses destinataires. La liberté personnelle se conçoit comme une garantie générale et subsidiaire à laquelle le citoyen peut se référer pour la protection de sa personnalité ou de sa dignité, en l’absence d’un droit fondamental plus spécifique.
Selon l’art. 27 Cst., la liberté économique est garantie (al. 1). Cette liberté comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (al. 2). Cette liberté protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d’un gain ou d’un revenu. Elle peut être invoquée aussi bien par les personnes physiques que par les personnes morales.
La liberté économique comprend le principe de l’égalité de traitement entre personnes appartenant à la même branche économique. Selon ce principe, déduit des art. 27 et 94 Cst., sont prohibées les mesures étatiques qui ne sont pas neutres sur le plan de la concurrence entre les personnes exerçant la même activité économique. On entend par concurrents directs les membres de la même branche économique qui s’adressent avec les mêmes offres au même public pour satisfaire les mêmes besoins. Ne sont considérés comme concurrents directs que les entreprises situées dans la circonscription territoriale à laquelle s’applique la législation en cause.
En l’espèce, en tant qu’il rend obligatoire le port du masque facial dans les commerces de la part des clients et du personnel de vente, l’on peut concevoir que l’arrêté litigieux emporte une restriction à la liberté personnelle des individus concernés, puisque l’accès à un tel lieu ne leur est ouvert, sauf exceptions, que moyennant le port, sur le visage, d’une protection, qui leur est ainsi imposée. Cette obligation peut également avoir pour effet une ingérence dans la liberté économique des exploitants de commerces sis sur le territoire cantonal, dès lors qu’elle est susceptible d’affecter leur fréquentation, à tout le moins la durée de celle-ci, des clients réticents au port du masque facial et ainsi diminuer leur chiffre d’affaires.
Encore convient-il d’examiner si ces restrictions sont justifiées. Conformément aux art. 36 Cst., toute restriction d’un droit fondamental doit reposer sur une base légale qui doit être de rang législatif en cas de restriction grave (al. 1) ; elle doit en outre être justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui (al. 2) et, selon le principe de la proportionnalité, se limiter à ce qui est nécessaire et adéquat à la réalisation des buts d’intérêt public poursuivis (al. 3), sans violer l’essence du droit en question (al. 4).
Les restrictions graves à une liberté nécessitent ainsi une réglementation claire et expresse dans une loi au sens formel, les cas de danger sérieux, direct et imminent étant réservés (art. 36 al. 1 Cst.). Lorsque la restriction d’un droit fondamental n’est pas grave, la base légale sur laquelle se fonde celle-ci ne doit pas nécessairement être prévue par une loi, mais peut se trouver dans des actes de rang inférieur ou dans une clause générale.
Se déduisant du principe de la légalité, l’exigence de densité normative suffisante renvoie au degré de clarté et de précision que des dispositions générales et abstraites doivent avoir pour que leur application soit prévisible. Le degré de précision exigible ne peut toutefois pas être défini abstraitement car il dépend de la diversité des états de fait à réglementer, de la complexité et de la prévisibilité de la décision à prendre dans le cas d’espèce, des destinataires de la règle, de l’intensité de l’atteinte portée aux droits fondamentaux et, finalement, de l’appréciation de la situation qui n’est possible que lors de l’examen du cas individuel et concret.
La LEp règle la protection de l’être humain contre les maladies transmissibles (art. 1 LEp) et a pour but de prévenir et de combattre l’apparition et la propagation de celles-ci (art. 2 al. 1 LEp). En cas de situation particulière au sens de l’art. 6 LEp, soit notamment lorsque les organes d’exécution ordinaire ne sont pas en mesure de prévenir et de combattre l’apparition et la progression d’une maladie transmissible (al. 1 let. a) ou que l’OMS a constaté la présence d’une urgence sanitaire de portée internationale menaçant la Suisse (al. 1 let. b), le Conseil fédéral peut, après avoir consulté les cantons, notamment ordonner des mesures visant des individus et la population (al. 2 let. a et b). Le Conseil fédéral a adopté l’ordonnance Covid-19 situation particulière, qui réserve la compétence des cantons, sauf disposition contraire (art. 2 de l’ordonnance Covid-19 situation particulière), et prévoit le respect, par chaque personne, des recommandations de l’OFSP en matière d’hygiène et de conduite face à l’épidémie de Covid-19 (art. 3 de l’ordonnance Covid-19 situation particulière). Selon celles-ci, disponibles sur le site internet « http://www.bag.admin.ch », dans l’espace public le port d’un masque facial est recommandé notamment lorsqu’il n’est pas possible de garder une distance de 1,5 m avec une autre personne et qu’il n’existe pas de protection physique. Les visières ne peuvent toutefois pas remplacer un masque, dès lors qu’elles ne garantissent pas d’être protégé contre une infection par la bouche ou par le nez.
L’art. 40 LEp prévoit par ailleurs que les autorités cantonales compétentes ordonnent les mesures nécessaires pour empêcher la propagation de maladies transmissibles au sein de la population ou dans certains groupes de personnes (al. 1). Elles peuvent en particulier (al. 2) : prononcer l’interdiction totale ou partielle de manifestations (let. a), fermer les écoles, d’autres institutions publiques ou des entreprises privées ou réglementer leur fonctionnement (let. b), interdire ou limiter l’entrée et la sortie de certains bâtiments ou zones ou certaines activités se déroulant dans des endroits définis (let. c). Les mesures ordonnées ne doivent pas durer plus longtemps qu’il n’est nécessaire pour prévenir la propagation d’une maladie transmissible et elles doivent être réexaminées régulièrement (al. 3). Selon l’art. 75 LEp, les cantons exécutent la présente loi dans la mesure où son exécution n’incombe pas à la Confédération, en particulier en désignant les autorités compétentes (Message concernant la révision de la LEp du 3 décembre 2010, FF 2011 291, p. 398).
En outre, sur la base de l’art. 40 LEp, le canton peut prendre des mesures temporaires applicables régionalement si le nombre d’infections est élevé localement ou menace de le devenir (art. 8 al. 2 de l’ordonnance Covid-19 situation particulière), notamment imposer des règles de conduite à la population, comme le port de masques faciaux. Selon l’art. 10 de l’ordonnance Covid-19 situation particulière, l’employeur garantit que les employés puissent respecter les recommandations de l’OFSP en matière d’hygiène et de distance. À cette fin, les mesures correspondantes doivent être prévues et mises en œuvre (al. 1). Si la distance recommandée ne peut pas être respectée, des mesures doivent être prises pour appliquer le principe STOP (substitution, technique, organisation, personnel) et notamment recourir au télétravail, à la séparation physique, à la séparation des équipes ou au port de masques faciaux (al. 2).
À Genève, l’art. 21 de la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS – K 1 03) prévoit que l’État encourage les mesures destinées à prévenir les maladies qui, en termes de morbidité et de mortalité, ont des conséquences sociales et économiques importantes ainsi que les mesures visant à limiter les effets néfastes de ces maladies sur la santé et l’autonomie des personnes concernées (al. 1). Il prend les mesures nécessaires pour détecter, surveiller, prévenir et combattre les maladies transmissibles en application de la LEp (al. 2) et encourager leur prévention (al. 3).
Selon l’art. 9 al. 1 LS, le médecin cantonal est chargé des tâches que lui attribuent la présente loi, la législation cantonale ainsi que la législation fédérale, en particulier la LEp. L’art. 121 LS précise que la direction générale de la santé, soit pour elle le médecin cantonal notamment, exécute les tâches de lutte contre les maladies transmissibles prévues par la LEp (al. 1). Elle peut en particulier ordonner les mesures nécessaires pour empêcher la propagation de maladies transmissibles dans la population ou des groupes de personnes (al. 2 let. a ch. 3).
Selon l’art. 1 de la loi sur l’exercice des compétences du Conseil d’État et l’organisation de l’administration du 16 septembre 1993 (LECO – B 1 15), le Conseil d’État exerce le pouvoir exécutif et prend les décisions de sa compétence. Il peut en tout temps évoquer, le cas échéant pour décision, un dossier dont la compétence est départementale en vertu de la loi ou d’un règlement ou a été déléguée lorsqu’il estime que l’importance de l’affaire le justifie et pour autant qu’il ne s’agisse pas d’une matière où il est autorité de recours (art. 3 LECO).
En l’espèce, la mesure litigieuse ne constitue pas une atteinte grave aux libertés invoquées par la recourante, même si le port du masque peut occasionner une certaine gêne, au demeurant subjective et dépendant des sensibilités de chacun. Il n’empêche pas non plus les clients de se rendre dans les commerces ni le personnel de vente de faire son travail, étant précisé que, dans ce cadre, l’arrêté litigieux laisse la possibilité de prévoir un dispositif de protection alternatif vitré ou équivalent. Si elle peut conduire à une potentielle diminution du chiffre d’affaires des commerces, dans lesquels les clients souhaitent passer moins de temps, la mesure contestée ne porte pas une atteinte grave à la liberté économique, comme le serait par exemple leur fermeture.
En l’absence d’une atteinte grave à la liberté personnelle et à la liberté économique, les restrictions à celles-ci ne devaient ainsi pas figurer dans une loi au sens formel mais pouvaient être prises par le Conseil d’État, lequel s’est basé pour ce faire sur la LS et a évoqué la compétence dévolue par cette loi à la direction générale de la santé, soit pour elle au médecin cantonal. Ce procédé ne prête pas le flanc à la critique, étant précisé que la LEp se limite à prévoir que les cantons exécutent la loi, à charge pour ceux-ci de désigner les autorités compétentes à cette fin. La disposition contestée s’inscrit du reste dans le cadre de la LEp, qui laisse aux cantons la possibilité de prévoir des mesures plus restrictives, comme imposer le port du masque facial, en cas de nombre élevé d’infections localement ou qui menace de le devenir.
À cela s’ajoute que la densité normative de la disposition attaquée s’avère suffisante, puisqu’elle définit précisément les lieux dans lesquels l’obligation du port du masque s’applique, les personnes concernées ainsi que les exceptions à ladite obligation. Elle est dès lors suffisamment précise pour être appliquée de manière prévisible dans un cas particulier et permet aux personnes concernées d’adapter leur comportement en conséquence.
Les restrictions à la liberté personnelle et à la liberté économique doivent répondre à un intérêt public ou se justifier par la protection d’un droit fondamental d’autrui (art. 36 al. 2 Cst.). La notion d’intérêt public varie en fonction du temps et des lieux et comprend non seulement les biens de police (tels que l’ordre, la sécurité, la santé et la paix publics), mais aussi les valeurs culturelles, écologiques et sociales dont les tâches de l’État sont l’expression. Il incombe au législateur de définir, dans le cadre d’un processus politique et démocratique, quels intérêts publics peuvent être considérés comme légitimes, en tenant compte de l’ordre de valeurs posé par le système juridique. Si les droits fondamentaux en jeu ne peuvent être restreints pour les motifs indiqués par la collectivité publique en cause, l’intérêt public allégué ne sera pas tenu pour pertinent.
En l’espèce, l’obligation du port du masque facial dans les commerces par les clients et le personnel a pour but de freiner la propagation du virus SARS-CoV-2 au sein de la population et ainsi protéger la santé publique, voire la vie, ce qui constitue un but d’intérêt public admissible pour restreindre la liberté personnelle et la liberté économique et n’est d’ailleurs pas contesté par la recourante.
Pour qu’une restriction à un droit fondamental soit conforme au principe de la proportionnalité, il faut qu’elle soit apte à atteindre le but visé, que ce dernier ne puisse être atteint par une mesure moins incisive et qu’il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (art. 36 al. 3 Cst.)
En l’espèce, le Conseil d’État a adopté l’arrêté du 24 juillet 2020 comportant l’obligation du port du masque facial dans les magasins par la clientèle et le personnel à la suite d’une augmentation significative du nombre de cas positifs à la Covid-19 sur le territoire cantonal, de plus de dix par jour dès le 14 juillet 2020, allant jusqu’à atteindre plus de quarante cas le 24 juillet 2020, soit plus du quart des cas au niveau national. La situation ayant perduré, le Conseil d’État a repris cette mesure dans l’arrêté du 14 août 2020, puis dans celui du 1er novembre 2020.
La recourante allègue que cette mesure ne serait pas apte à atteindre le but visé, l’efficacité des masques faciaux n’étant pas prouvée. Comme l’a toutefois relevé l’autorité intimée, la communauté scientifique, dans sa très large majorité, considère que le port d’un tel masque dans les lieux fermés à forte densité de personnes, comme les commerces, permet de limiter la propagation du virus SARS-CoV-2, lequel se transmet par voie aérienne, principalement par gouttelettes. Une telle mesure a été recommandée par l’OMS, l’OFSP ainsi que les HUG. Elle n’apparaît ainsi pas inapte à atteindre le but de santé publique recherché par l’autorité intimée visant à protéger la santé et la vie de la population en empêchant une propagation exponentielle dudit virus. Dans ce cadre, la chambre de céans doit faire preuve d’une certaine retenue, s’agissant d’un domaine où elle ne saurait substituer son appréciation à celle qui fait référence en matière scientifique.
Selon la recourante, d’autres mesures, laissant libre cours à la responsabilité individuelle, permettraient d’atteindre le même but. La recourante perd toutefois de vue que les mesures recommandées par l’OMS, l’OFSP ou encore les HUG, soit l’hygiène des mains, le respect des distances physiques et le port du masque facial, sont complémentaires et, prises dans leur ensemble, permettent de freiner la diffusion d’un virus comme le SARS-CoV-2 qui se propage par voie aérienne, principalement par gouttelettes. Le but de santé publique visé par la disposition litigieuse ne pourrait pas non plus être atteint si le port du masque était seulement recommandé, ce qui mettrait en péril son efficacité à freiner la propagation du virus, s’agissant d’une mesure collective à respecter par toute personne et non pas selon le bon vouloir de chacun. Il en est de même du port d’une simple visière, qui n’est pas préconisé par l’OFSP. Outre le fait qu’une limitation des clients dans les commerces peut poser des problèmes de mise en œuvre organisationnelle, notamment au niveau du décompte et du contrôle de leur nombre, elle ne constitue pas une mesure moins incisive que le port du masque facial, puisqu’elle restreint l’accès auxdits magasins, risquant de créer un effet d’entonnoir à leur entrée et de longues files d’attente. Le port du masque facial tend précisément à remédier à de tels inconvénients, en laissant librement les clients entrer dans les commerces, même lorsque les distances physiques ne peuvent pas être respectées en permanence. Le Conseil fédéral a, au demeurant, appliqué la même obligation aux voyageurs dans les véhicules de transports publics et aux personnes se trouvant dans les espaces clos accessibles au public et devant ceux-ci. À cela s’ajoute que la mesure litigieuse a été prise pour une durée déterminée et fait l’objet d’un réexamen régulier et est limitée dans l’espace. D’autres cantons ont également pris les mêmes mesures entre les mois de juillet et août 2020, en particulier tous les cantons romands.
La mesure litigieuse respecte aussi le principe de la proportionnalité au sens étroit, dès lors que le port du masque facial dans les commerces, comme précédemment évoqué, a permis d’en augmenter la fréquentation et ainsi laisser à davantage de personnes, sans devoir effectuer de longues files d’attente, et ce pour tous les magasins, indépendamment des produits proposés à la vente, la possibilité de les fréquenter. Dans ce cadre, elle a également permis la réouverture, dans le respect des mesures d’hygiène, de tous les autres commerces dont la fermeture avait été ordonnée par le Conseil fédéral le 16 mars 2020, malgré une augmentation du nombre de cas positifs à la Covid-19. À cela s’ajoute que l’arrêté litigieux prévoyait des exceptions au port du masque facial, en particulier en faveur du personnel, qui devait alors être mis au bénéfice d’un dispositif de protection, sous forme de séparation vitrée ou équivalente. Dans ce dernier cas, le personnel de vente n’était ainsi pas tenu de porter en permanence un masque facial durant la journée de travail, de sorte que le grief de la recourante au sujet des méfaits d’un tel dispositif sur la santé des personnes concernées tombe également à faux. Il en va au demeurant de même des clients, qui ne sont tenus de porter un tel masque facial que lorsqu’ils se rendent dans un commerce ou un centre commercial. Rien n’indique d’ailleurs que le port du masque serait plus nocif que de laisser se propager le SARS-CoV-2 au sein de la population, l’OMS ayant recensé certains effets indésirables et inconvénients potentiels liés au fait de porter un masque, tout en le recommandant néanmoins. Il appartient au demeurant à chacun de choisir le type de masque qui lui convient, de même que de le manipuler selon les recommandations de l’OFSP et de le changer ou laver régulièrement, de manière à éviter les risques d’auto-contamination. L’obligation litigieuse constitue ainsi la mesure qui porte le moins atteinte aux intérêts privés en cause dans le contexte dans lequel elle a été prise. En l’état, elle respecte dès lors le principe de proportionnalité.
Elle ne porte pas non plus atteinte au noyau intangible (art. 36 al. 4 Cst. ; art. 43 al. 4 Cst-GE) des libertés invoquées, pour autant qu’une telle notion ait une quelconque portée sur le plan juridique (ACST/35/2019 du 21 novembre 2019 consid. 6 et les références citées).
La recourante soutient, enfin, que l’obligation du port du masque facial serait constitutive d’une inégalité de traitement, notamment entre concurrents directs. Elle perd toutefois de vue que l’arrêté en cause ne s’applique pas aux commerces sis dans d’autres cantons, qui ne peuvent ainsi être considérés comme concurrents directs des magasins genevois sous cet angle, étant précisé que l’ensemble des cantons romands a également imposé le port du masque facial dans les commerces sis sur leur territoire. Le fait que le canton de Vaud ait prévu une exception pour les commerces accueillant moins de dix clients simultanément n’est au demeurant pas propice à créer un tourisme d’achat, comme le soutient la recourante, dès lors que cette limite ne peut s’appliquer qu’aux petits magasins et n’a plus de portée au regard de l’art. 3b al. 1 de l’ordonnance Covid-19 situation particulière. Par ailleurs, cet arrêté concerne l’ensemble des commerces genevois, sans exceptions, de sorte que, de ce point de vue également, il n’est constitutif d’aucune inégalité de traitement. S’agissant des locaux postaux, leur réglementation ressortit à la compétence de la Confédération selon l’art. 92 al. 1 Cst., laquelle a également récemment imposé le port du masque facial dans tous les établissements clos accessibles au public. Il s’ensuit que ce grief doit être écarté.
(Arrêt de la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice du canton de Genève ACST/36/2020 du 23.11.2020)
Me Philippe Ehrenström, LL.M., avocat, Genève et Onnens (VD)