
D’après l’art. 58 al. 1 let. b LIFD, le bénéfice net imposable comprend tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultats qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l’usage commercial, au nombre desquels figurent les distributions ouvertes ou dissimulées de bénéfice et les avantages procurés à des tiers qui ne sont pas justifiés par l’usage commercial. Il y a notamment distribution dissimulée de bénéfice lorsque les quatre conditions cumulatives suivantes sont remplies: 1) la société fait une prestation sans obtenir de contre-prestation correspondante; 2) cette prestation est accordée à un actionnaire ou à une personne le ou la touchant de près; 3) elle n’aurait pas été accordée dans de telles conditions à un tiers; 4) la disproportion entre la prestation et la contre-prestation est manifeste de telle sorte que les organes de la société auraient pu se rendre compte de l’avantage qu’ils accordaient.
Le montant de la distribution dissimulée de bénéfice qu’opère une société lorsqu’elle octroie une prestation à des conditions favorables à l’un de ses actionnaires – ou à l’un de ses proches – correspond à la différence entre la valeur réelle des prestations fournies par la société d’une part et de celles fournies, en contrepartie et d’autre part, par ledit actionnaire et/ou par le proche de ce dernier. Autrement dit, au moment d’évaluer le montant d’une distribution de bénéfice prenant la forme d’une prestation octroyée à un actionnaire et/ou à l’un de ses proches, il convient en principe de se fonder uniquement sur la valeur de l’avantage octroyé à ces derniers. Cela signifie notamment que, lorsqu’une société vend un immeuble à prix de faveur à l’un de ses actionnaires et/ou à l’un des proches de celui-ci, c’est l’entier de la différence entre le prix de vente et la valeur vénale de l’immeuble qui doit être qualifié de distribution dissimulée de bénéfice imposable. Il en découle, entre autres conséquences, que la reprise de bénéfice à effectuer ne doit, par exemple, pas être réduite de la commission de courtage que la société aurait peut-être dû payer à un courtier immobilier dans le cas où elle aurait vendu son bien au prix de pleine concurrence à un autre acheteur.
En l’occurrence, il ressort de l’arrêt attaqué – d’une manière qui lie le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF) – qu’en 2016, la société intimée a vendu un appartement avec garage à son unique associé ainsi qu’à l’épouse de ce dernier pour un prix de 522’750 fr., alors même que la valeur vénale de ce bien immobilier se montait à 615’000 fr. A cela s’ajoute que la société a pris en charge les frais d’acte inhérents à cette vente à hauteur de 15’683 fr., accordant de cette manière un avantage financier supplémentaire aux acquéreurs, dont les autres acheteurs d’appartements situés dans le même immeuble n’ont pas bénéficié. L’autorité précédente a dès lors établi que, dans le cadre de la vente immobilière précitée, la société intimée avait consenti un rabais de 107’933 fr. (615’000 + 15’683 – 522’750 fr.) à la fois à son associé et à une personne proche de celui-ci. Sur cette base, force est d’admettre que l’on ne peut pas lui reprocher d’avoir considéré que ce rabais, non justifié d’un point de vue commercial, devait – dans son principe – être réintégré dans le bénéfice imposable de la société en application de l’art. 58 al. 1 let. b LIFD. Cet avantage financier, qui s’élève à près de 20 % du prix d’achat, remplit en effet les conditions d’une distribution dissimulée de bénéfice au sens de la jurisprudence relative à cette disposition. Il peut sur ce point être renvoyé à la motivation de l’arrêt attaqué (cf. art. 109 al. 3 LTF).
La Cour de céans ne saisit en revanche pas pourquoi la reprise de bénéfice à effectuer dans le cas d’espèce à l’aune de l’art. 58 al. 1 let. b LIFD ne devrait pas être fixée au montant de l’avantage concrètement octroyé, soit 107’933 fr., mais à 77’183 fr. seulement, comme l’a fait l’autorité précédente. Celle-ci ne l’explique du reste pas réellement dans sa décision. Dans sa motivation, elle se contente de faire état d’un montant de 30’750 fr. qui correspondrait à un » rabais 5% commission de vent e » (sic) et qu’elle soustrait de la valeur vénale de l’appartement. Elle laisse entendre de cette manière qu’il conviendrait de déduire de la reprise de bénéfice à opérer au titre de distribution dissimulée de bénéfice la commission de courtage que la société aurait peut-être dû verser à un tiers ayant fonctionné comme intermédiaire, dans l’hypothèse où l’appartement aurait été vendu non pas à l’associé de l’intimée, mais à un autre acheteur totalement indépendant de celle-ci. Cette manière de procéder viole toutefois le droit fédéral. Comme on l’a vu, la reprise d’impôt découlant d’une distribution dissimulée de bénéfice doit équivaloir à la valeur de l’avantage octroyé par la société, ce qui correspond en principe – lors d’une vente immobilière à un prix de faveur comme en l’espèce – à la différence entre le prix de vente effectif et la valeur vénale du bien cédé. Il n’y a pas lieu de tenir compte d’hypothétiques frais de courtage qui n’auraient pas été engagés, dans la mesure où ils ne diminuent en rien la valeur vénale de l’immeuble vendu à prix de faveur, ni donc la valeur de l’avantage accordé à l’actionnaire et/ou à ses proches. Un tel principe vaut d’autant plus en l’espèce que rien n’indique que le bien immobilier n’aurait jamais pu être vendu à sa valeur vénale sans l’intervention d’un tiers, étant précisé que la société intimée est elle-même active dans le courtage immobilier selon ses statuts.
(Arrêt du Tribunal fédéral 2C_464/2022 du 14 décembre 2022, consid. 8-10)
Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM, CAS, Genève et Onnens (VD)