Qu’est-ce qu’une opposition au congé (art. 336b al.1 CO) ?

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L’employé se plaint d’une violation de l’art. 336b CO. En substance, il soutient que l’usage du terme  » opposition au congé  » [employé dans un courrier de sa protection juridique] serait suffisant pour remplir la condition légale [de l’art. 336b al. 1 CO]. Par ailleurs, il estime que la loi n’impose pas à l’employé d’offrir ses services lorsqu’il forme opposition au congé.

 En vertu de l’art. 336b al. 1 CO, la partie qui entend demander une indemnité pour résiliation abusive (art. 336 et 336a CO) doit faire opposition au congé par écrit auprès de l’autre partie, au plus tard jusqu’à la fin du délai de congé. 

Il ne faut pas poser des exigences trop élevées à la formulation de cette opposition écrite. Il suffit que son auteur y manifeste à l’égard de l’employeur qu’il n’est pas d’accord avec le congé qui lui a été notifié.

L’opposition a pour but de permettre à l’employeur de prendre conscience que son employé conteste le licenciement et le considère comme abusif; elle tend à encourager les parties à engager des pourparlers et à examiner si les rapports de travail peuvent être maintenus. Dans cette perspective, le droit du travailleur de réclamer l’indemnité pour licenciement abusif s’éteint si le travailleur refuse l’offre formulée par l’employeur de retirer la résiliation.

Il n’y a pas d’opposition lorsque le travailleur s’en prend seulement à la motivation de la résiliation, ne contestant que les motifs invoqués dans la lettre de congé, et non à la fin des rapports de travail en tant que telle.

 En l’espèce, la question ne se pose pas dans les termes décrits par le recourant. Il ne s’agit pas de savoir s’il suffit à l’employé d’indiquer par écrit qu’il  » forme opposition au congé  » pour satisfaire au réquisit de l’art. 336b al. 1 CO. Il ne s’agit pas non plus d’ailleurs de déterminer si cette disposition lui impose parallèlement d’offrir expressément ses services à l’employeur. En effet, il résulte des faits souverainement constatés par la cour cantonale que le recourant a écrit, le 20 décembre 2016, qu’il  » form (ait) opposition à ce congé  » et simultanément qu’il prenait acte que les  » rapports de travail prendront (…) fin le 31 janvier 2017 « . Quoi qu’en dise l’employé, ses intentions n’étaient pas claires puisqu’il déclarait tout à la fois former opposition au congé et que ce congé interviendrait bien à la date susmentionnée. Ces deux éléments sont antagonistes puisque si l’opposition concerne la terminaison des rapports de travail (car cette résiliation est abusive), l’employé ne peut simultanément accepter que ceux-ci se terminent. Exprimé autrement, soit il accepte la résiliation soit il s’y oppose. 

Devant une telle situation, la cour cantonale se devait de procéder par interprétation, selon les règles communément admises, ce qu’elle a correctement fait. Donnant la préséance à l’interprétation subjective, elle a dégagé la véritable intention de l’employé qui était d’accepter la fin des rapports de travail. Il fallait donc comprendre la lettre du 20 décembre 2016 en ce sens que son opposition portait sur les motifs avancés par l’employeuse et non sur la fin de son emploi, avec laquelle il était d’accord. Et c’est ainsi que l’employeuse l’a comprise. A aucun moment la discussion n’a ainsi porté sur le caractère abusif du congé ou une indemnité pour licenciement abusif (avant que l’employé n’ouvre action en justice).

Ce procédé était parfaitement légitime et la cour cantonale n’a pas enfreint l’art. 336b CO en procédant de la sorte. Le résultat auquel elle est parvenue pourrait tout au plus être attaqué sous l’angle de l’arbitraire dans la constatation des faits ou l’appréciation des preuves – puisque l’interprétation subjective relève de ce domaine -, exercice auquel l’employé ne se livre pas dans son recours. Il fait uniquement valoir que l’employeuse aurait marqué sa ferme intention de ne point le maintenir à son poste de sorte qu’il eût été vain de sa part de lutter pour la poursuite des rapports de travail. Cela étant, cet élément qui n’a pas valeur de fait – l’employé n’avance d’ailleurs pas l’avoir allégué en procédure – ne lui ouvre pas la perspective désirée: la jurisprudence a déjà précisé que la condition de l’opposition en temps utile selon l’art. 336b CO demeurait, lors même que l’issue de discussions avec l’employeur paraissait illusoire compte tenu de son attitude (ATF 136 III 96 consid. 2.2).

Le Tribunal fédéral ne décèle dès lors aucune violation du droit fédéral dans ce pan du jugement cantonal. Cela étant, il n’est pas nécessaire de se pencher sur l’argumentation développée par le recourant s’agissant du caractère abusif du congé.

(Arrêt du tribunal fédéral 4A_59/2023 du 28 mars 2023, consid. 4)

Me Philippe Ehrenström, avocat, LLM, CAS, Genève et Onnens (VD)

A propos Me Philippe Ehrenström

Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon.
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