Selon l’art. 21 al. 3 de loi générale du canton de Genève du 4 décembre 1997 relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux (LPAC; RS/GE B 5 05), l’autorité compétente peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé. Elle motive sa décision. Elle est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnels et de rechercher si un autre poste au sein de l’administration cantonale correspond aux capacités de l’intéressé. Les modalités sont fixées par règlement.
Aux termes de l’art. 46A du règlement du 24 février 1999 d’application de la LPAC (RPAC; RS/GE B 5 05.01), lorsque les éléments constitutifs d’un motif fondé de résiliation sont dûment établis lors d’entretiens de service, un reclassement selon l’article 21, alinéa 3, de la loi est proposé pour autant qu’un poste soit disponible au sein de l’administration et que l’intéressé au bénéfice d’une nomination dispose des capacités nécessaires pour l’occuper (al. 1). Des mesures de développement et de réinsertion professionnels propres à favoriser le reclassement sont proposées (al. 2). L’intéressé est tenu de collaborer. Il peut faire des suggestions (al. 3). L’intéressé bénéficie d’un délai de 10 jours ouvrables pour accepter ou refuser la proposition de reclassement (al. 4). En cas de reclassement, un délai n’excédant pas 6 mois est fixé pour permettre à l’intéressé d’assumer sa nouvelle fonction (al. 5). En cas de refus, d’échec ou d’absence du reclassement, une décision motivée de résiliation des rapports de service pour motif fondé intervient (al. 6).
En l’espèce, l’Office cantonal des assurances sociales (OCAS, le recourant) a soutenu devant l’autorité précédente que la résiliation des rapports de services de l’intimé (l’employé) se fondait en substance sur trois motifs: un comportement déplacé vis-à-vis de D.________, une position non-transparente à l’égard de sa hiérarchie et des problèmes managériaux puisqu’il aurait montré à ses subordonnées des photographies de femmes nues, aurait eu avec elles un problème dans son mode d’expression et leur aurait bloqué l’accès au responsable de division.
Dans le jugement entrepris, la Chambre administrative a laissé ouverte la question de savoir si le premier de ces motifs était bien fondé (consid. 10) et nié que le deuxième motif ait pu justifier la résiliation querellée (consid. 11 et 12). Elle a considéré en revanche que le recourant n’avait pas abusé de son pouvoir d’appréciation en se fondant sur le troisième motif pour mettre fin aux rapports de service (consid. 13 et 14).
En ce qui concerne un éventuel reclassement de l’intimé, le recourant a indiqué dans sa décision du 28 avril 2016 qu’il considérait que le rapport de confiance avec l’intimé était rompu et que, dès lors, toute mesure de développement et de réinsertion était d’emblée sans objet. Les juges précédents ont considéré que le recourant n’avait pas véritablement tenté de reclasser l’intimé et qu’il n’en avait pas l’intention.
Le recourant soutient que les premiers juges ont fait une application arbitraire des art. 21 al. 3 LPAC et 46A RPAC en retenant que sa qualité d’établissement autonome ne le dispensait pas de rechercher un poste vacant dans toute l’administration cantonale pour reclasser l’intimé. La cour cantonale aurait modifié sa jurisprudence de façon abrupte sans respecter les conditions fixées par la jurisprudence du Tribunal fédéral en la matière.
Ce moyen tombe à faux dans la mesure où le litige porte sur le point de savoir si la résiliation des rapports de service est contraire au droit en raison du fait que l’employeur public n’a pas du tout mis en œuvre la procédure de reclassement prévue par les art. 21 al. 3 LPAC et 46A RPAC. En effet, dans le jugement entrepris, c’est parce que le recourant n’a pas offert de procédure de reclassement à l’intimé que la Chambre administrative a qualifié la décision de licenciement de contraire au droit et non parce qu’il n’avait pas recherché une place dans le reste de l’administration cantonale. On relèvera cependant que la jurisprudence cantonale invoquée par le recourant ne peut être interprétée en faveur d’un établissement autonome comme une dispense totale de toute recherche en dehors de sa propre organisation. Dans sa dernière version, cette jurisprudence indique en effet au sujet d’un tel établissement (dans ce cas l’Hospice général) : « Ce statut ne lui permet toutefois pas de proposer une solution de reclassement à l’Etat ou à d’autres entités autonomes, ne maîtrisant pas la gestion de leur personnel, mais l’autorise en revanche à mener des recherches et identifier les postes ouverts chez ses partenaires de l’Etat » (arrêt A/331/2015-FPUBL ATA/1343/2015 du 15 décembre 2015 consid. 9b avec les références à d’autres jugements cantonaux A/659/2013-A7659/2016-FPUBL ATA/310/2015 du 31 mars 2015, A/841/2013-FPUBL ATA/635/2014 du 19 août 2014 et A/3122/2012-FPUBL ATA/330/2013 du 28 mai 2013). Dans ces circonstances, on ne peut pas suivre le recourant lorsqu’il soutient que la Chambre administrative a changé de manière abrupte sa jurisprudence antérieure.
Le recourant estime, en se fondant sur la lettre de l’art. 46A al. 6 RPAC, qu’une absence de reclassement ne constitue pas, en soi, un licenciement contraire au droit, pour autant que celui-ci repose sur un motif fondé. Il soutient qu’en introduisant dans cette disposition l’absence de reclassement comme condition permettant de rendre une décision motivée de résiliation des rapports de service, le législateur cantonal aurait prévu et admis la présente situation, c’est-à-dire le cas où l’employeur public n’engage pas la procédure de reclassement.
En l’occurrence, l’art. 21 al. 3, troisième phrase, LPAC qui oblige l’autorité, préalablement à la résiliation, à proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnels et de rechercher si un autre poste au sein de l’administration cantonale correspond aux capacités de l’intéressé est une norme légale, hiérarchiquement supérieure à celles du règlement d’application. Considérer que cette norme n’est pas respectée si aucune mesure de reclassement n’est tentée dans les circonstances du cas présent, ainsi que l’ont fait les juges cantonaux, ne peut dès lors pas apparaître comme une application arbitraire de la loi.
(Tiré de l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_696/2017 du 11 octobre 2018)
Me Philippe Ehrenström, LL.M., avocat, Genève et Yverdon