Peut-on recourir contre un refus de promotion dans la fonction publique ?

Sils lake

Sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits et des obligations, de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits, de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations. Une décision est un acte de souveraineté individuel adressé au particulier, par lequel un rapport de droit administratif concret, formant ou constatant une situation juridique, est réglé de manière obligatoire et contraignante.

En revanche, de simples déclarations, comme des opinions, des communications, des prises de position, des recommandations ou des renseignements n’entrent pas dans la catégorie des décisions, faute de caractère juridique contraignant. Ne sont pas non plus des décisions les actes internes ou d’organisation qui visent les situations à l’intérieur de l’administration; il peut y avoir des effets juridiques, mais ce n’en est pas l’objet. C’est pourquoi ils ne sont en règle ordinaire pas susceptibles de recours.

A Genève, les règles de procédure contenues dans la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA ; E 5 10) ne sont pas applicables aux procédures relatives à la création des rapports de services et la promotion dans la fonction publique (art. 2 let. d LPA). Ainsi, sauf lorsque la loi prévoit un système de promotion automatique, le fonctionnaire qui n’est pas promu au poste convoité ne dispose pas de voie de droit, faute d’applicabilité de la LPA (ATA/533/2011 du 30 août 2011 consid. 7 et les références citées).

La compatibilité de cette disposition avec l’art. 29a Cst. est discutée en doctrine (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 51 ad art. 2). L’arrêt cité par ces auteurs à l’appui de leur critique (arrêt du Tribunal fédéral 8C_169/2009 du 28 juillet 2009) n’examine toutefois pas la question de la constitutionnalité de l’art. 2d LPA ni ne qualifie le refus de promotion de décision susceptible de recours. Dans la cause en question, le litige portait sur le refus d’une « promotion dite de carrière », consistant « à passer d’une classe de traitement inférieure à une classe supérieure, dans une même filière d’activité professionnelle ». Plus particulièrement, l’employeur public avait décidé d’exclure « des mesures de fin d’année » les cadres de plus de 60 ans affiliés dans une catégorie spécifique, et ceux de 55 ans et plus, affiliés dans une autre catégorie. Cette mesure s’inscrivait dans un contexte où les fonctionnaires progressaient, en règle ordinaire, dans les limites des classes de traitement correspondant à leur fonction, à des intervalles de quatre ans au minimum.

La situation diffère du cas d’espèce. En effet, il n’est pas allégué en l’occurrence que la promotion convoitée devait, contrairement à la situation précitée, systématiquement intervenir après l’écoulement d’un certain nombre d’années, d’une part. D’autre part, le droit cantonal ne prévoyait pas de disposition excluant le recours contre le refus de promotion.

Selon les travaux préparatoires de la LPA, l’exception de l’art. 2 LPA résulte de la nature particulière de la procédure en cause (MCG 1984 I 1531). Il s’agit de situations dans lesquelles, compte tenu de la particularité des actes en cause, il se justifie de ne pas rendre applicable la réglementation générale de procédure (MCG 1985 III 4377).

De jurisprudence constante, la chambre de céans déclare ainsi irrecevables les recours dirigés contre le refus de promotion lorsque la loi ne prévoit pas de droit à celle-ci (ATA/660/2014 du 26 août 2014 consid. 1 ; ATA/60/2011 du 1er février 2011 consid. 6 ; ATA/412/2006 du 26 juillet 2006 consid. 3 ; ATA/936/2004 du 30 novembre 2004 et les références citées).

Selon l’art. 28 al. 1 du Règlement général sur le personnel de la police (RGPPol – F 1 05.07), les policiers qui possèdent les aptitudes et obtiennent les qualifications requises sont nommés, dès la sixième année : appointé ou inspecteur principal adjoint (let. a) b) et sont promus, dès la douzième année caporal ou inspecteur principal (let. b). Dès la douzième année, la promotion à un grade supérieur, exception faite de la fonction de chef de service qui requiert un recrutement intrinsèque, est soumise à une évaluation des compétences spécifique, décrite dans une directive de service (art. 28 al. 2 RGPPol).

Selon la directive de service ADPERS.12 intitulée « évaluations et développement des compétences » (ci-après : DS), entrée en vigueur le 13 juin 2018, mise à jour le 18 octobre 2018, le principal objectif de l’EC, est d’identifier les compétences managériales en parallèle des compétences professionnelles des futurs sous-officiers, officiers et officiers supérieurs dans la perspective de les orienter dans l’évolution de leur carrière. Dans cette perspective, des mises en situation, des tests spécifiques et un entretien de motivation sont organisés. À l’issue de ce processus, un entretien de bilan et des pistes de développement sont proposés en fonction du résultat (ch. 1.1). Le test de connaissances est éliminatoire. Une fois passé, le test lié à la strate correspondante est définitivement acquis (ch. 1.3). La réussite des EC est valable trois ans (ch. 1.4). Avant de pouvoir passer le EC d’une strate supérieure, il faut avoir terminé la formation obligatoire pour la strate actuelle (ch. 1.5). Pour être sélectionné et/ou promu, il est nécessaire pour le collaborateur de faire partie de l’effectif prévisionnel de relève rattaché à chaque niveau des EC. Il s’agit ensuite pour lui de postuler à une fonction relevant de sa strate (ch. 2).

Les policiers sélectionnés sont intégrés à l’effectif prévisionnel de relève pour une durée maximale de trois ans et sont habilités à postuler à des postes relevant du niveau de compétences correspondant, qui font l’objet d’une mise au concours (art. 28 al. 7 RGPPol). Le fait d’être sélectionné dans l’effectif prévisionnel ne garantit pas la sélection et/ou la promotion à un grade supérieur. Il atteste seulement que le collaborateur a les compétences nécessaires pour postuler à une fonction supérieure (ch. 2 DS).

Dans la présente cause, le refus de promouvoir le recourant au poste de sergent-major opérationnel est une mesure individuelle qui le vise directement. Cependant, il ne s’agit pas d’une décision au sens de l’art. 4 LPA, dès lors que le recourant ne dispose pas d’un droit à obtenir une promotion. En effet, le processus d’évaluation et de développement des compétences décrit les prérequis pour pouvoir soumettre sa candidature à un grade supérieur ; il ne fait qu’attester que le candidat dispose des compétences nécessaires pour postuler à une fonction supérieure. Le fait d’avoir accompli ledit processus avec succès, comme cela a été le cas pour le recourant à compter d’octobre 2018, ne comporte toutefois pas le droit à être promu à une telle fonction.

Lors de « l’entretien de retour » du 5 décembre 2018, le recourant a été informé que sa candidature n’avait pas été retenue. Le refus de promotion qui n’est qu’une simple communication (ATA/412/2006 du 26 juillet 2006 consid. 3a) n’est pas susceptible de recours. Il en va de même de la communication du 28 janvier 2019 par laquelle l’autorité intimée a expliqué les raisons pour lesquelles son choix s’est porté sur les deux autres candidatures reçues pour la fonction à laquelle le recourant avait postulé. Cette communication ne comporte pas davantage le caractère d’une décision au sens exposé ci-dessus.

Dans la mesure où le refus de promotion du recourant ne constitue pas une décision au sens de l’art. 4 LPA, l’autorité intimée ne peut se voir reprocher un déni de justice en ne rendant pas de décision à cet égard. Par ailleurs, la non-promotion du recourant ne peut, pour ce même motif, faire l’objet d’un recours par devant la chambre de céans.

(ATA/1283/2019)

Me Philippe Ehrenström, LL.M., avocat, Genève et Onnens (VD)

A propos Me Philippe Ehrenström

Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon.
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