X., né en 1948, a été engagé en 1984 comme maître primaire par la commune de C. Les 2 et 3 juillet 2007, X. conduisait un voyage d’étude avec une classe primaire de 6e B sur deux jours, comportant une nuit dans un hôtel. Constatant à 23 h. 30 que quatre filles se trouvaient encore dans la chambre des garçons, X a perdu le contrôle de lui-même. Il a eu à l’égard des filles des propos déplacés et en a agrippé une à deux mains. Les versions des parties divergent. L’élève a appelé ses parents, qui ont informé la police. Le lendemain, X. a été suspendu de son travail. Il a consulté un avocat.
Après consultation du dossier par le conseil et audition de X., celui-ci a été licencié « avec effet immédiat » le 27 juillet 2007, soit plus de vingt jours après les faits. La décision lui a été notifiée le 30 juillet 2007. X. a recouru contre son licenciement. Recours rejeté par toutes les instances.
En droit privé prévaut la règle selon laquelle, dans le cas d’un licenciement avec effet immédiat (art. 337 CO), l’employeur ne saurait tarder à se décider plus de deux à trois jours ouvrables depuis les faits, sous réserve de circonstances très particulières. La loi sur le personnel applicable dans le canton en cause reprend pratiquement mot pour mot l’article 337 CO.
Il n’en demeure pas moins qu’au vu des graves conséquences du licenciement immédiat, l’état de fait doit être clairement établi, tant en droit privé qu’en droit public. Au surplus, en droit public, le délai de deux à trois jours ne peut pas être appliqué.
D’une part, le licenciement « immédiat » en droit public se fait en général par voie de décision motivée; il est souvent précédé d’une enquête, durant laquelle l’intéressé bénéficie des garanties propres à la procédure administrative, en particulier le droit d’être entendu. De plus, les contingences liées aux procédures internes d’une administration ne permettent souvent pas de prendre une décision immédiate.
D’autre part, les conséquences lorsqu’une résiliation avec effet immédiat est prononcée à tort sont plus graves pour l’employeur public que pour l’employeur privé. Ces éléments justifient donc que l’on accorde à l’employeur public un temps plus important pour décider une résiliation avec effet immédiat qu’à un employeur privé.
Le Tribunal fédéral considère donc que le délai pris par l’employeur, dans le cas d’espèce, pour décider d’un licenciement « immédiat » était adéquat.
Liliane Subilia-Rouge, dans une note commentant cet arrêt, rappelle que le Tribunal fédéral a considéré comme acceptables des délais encore plus longs.
Cette différence de traitement entre le licenciement « immédiat » en droit privé et en droit public n’apparaît pas très convaincante. Il convient de rappeler qu’en droit privé, c’est l’employeur qui supporte le risque que les motifs du licenciement ne soient pas donnés. Ce mécanisme oblige dès lors l’employeur à user de certaines précautions avant de décider d’un licenciement « immédiat ». L’employeur de droit public pourrait être placé dans une situation similaire, plutôt que d’attendre le résultat d’enquêtes internes « à tiroirs » qui donnent également lieu à de très longs litiges procéduraux.
(Tiré de l’ATF 138 I 113-122 et de la note publiée par Liliane Subilia-Rouge sur cet arrêt dans RDAF 2013 I pp.581-582)
Me Philippe Ehrenström, avocat, ll.m., Genève et Yverdon